C’était un vendredi 4 mai 2018, aux environs de 9 heures. Nous nous sommes rendus à la maternité de Nyumashuwa. Arrivés dans les lieux, la vétusté du bâtiment a attiré notre attention en premier. Le centre de santé de Nyumashuwa n’est autre qu’un bâtiment en ruine dont la peinture, rouge-bordeaux, commence à s’enlever.La salle de garde des sages-femmes où nous étions accueillis en premier est placée à côté des toilettes. Elle est dépourvue de plafond. Lorsque nous sommes entrés à la maternité, nous avons noté deux lits non rangés et un stérilisateur comme unique décor. Une des chambres d’hospitalisation est dépourvue de fenêtre.
Dans la salle de consultation, il n’y a pas de porte.Seul, un pèse-bébé ancien se trouve sur la table. Une femme assise attend la sage-femme pour la planification familiale. C’est la seule patiente rencontrée lors de notre passage dans le centre. Notre visite aura duré près de trois quart d’heure. Le quatrième endroit que nous avons visité reste la salle d’accouchement. A part le carrelage qui est d’une propreté indiscutable, le désordre a élu domicile ici. Des objets pêle-mêle font le décor. Une boite d’accouchement rouillée est posée sur un mur. Sur un lit d’accouchement, se trouvait une planche qui devait servir de tiroir d’un bureau. Deux cuvettes en plastics se trouvent sous ce même lit. Le bassin, tout comme les toilettes dans cette salle d’accouchement, est aussi âgé que le bâtiment. Ils doivent avoir servi des années.
Continuent-ils à servir encore ?
”Oui”, répond la sage-femme que nous avons rencontrée sur place. D’ailleurs, c’est le major de la maternité de Nyumashuwa. Elle était en congé maternité, mais étant de passage lors de notre visite, elle a répondu à nos questions. Cette maternité accueille les femmes qui veulent accoucher de Nyumashuwa, Wala 1 et Wala 2, Miremani, Ndremani et Domoni. Elle comptabilise en tout et pour tout, un effectif de cinq employées dont trois sages-femmes d’Etat, une infirmière sage-femme et une aide-soignante. Interrogée sur les conditions de travail de la structure, la major de la maternité, Kaoumi Hamada, a évoqué d’emblée un manque de personnel, comme c’est le cas dans tous les hôpitaux de la place. Elle indique que pour monter la garde, une sage-femme assure la tâche, au lieu de deux personnes. “Nous travaillons dans des conditions difficiles, encore plus en cas de complication. Si jamais, une d’entre nous accouche, une sage-femmeseulement travaille dans le service, ce qui n’est pas normal”, dénonce-t-elle.
Ambulance non médicalisée
“Nous pratiquons uniquement les accouchements normaux, nous ne faisons pas de césarienne, et en cas de complication, même s’agissant d’une hémorragie, nous exigeons un transfert vers Fomboni”, confie-t-elle. Le trajet Nyumashuwa-Fomboni ! On passe facilement deux heures de temps en route. Un grand risque pour une femme enceinte qui présente des complications. Le transfert se fait à partir d’une ambulance octroyée, il y a quelques années par l’Unfpa. Toutefois, cette ambulance n’est pas médicalisée et ne répond donc pas aux normes de transfert, si l’on en croit la major de la maternité.
Revenant sur la maternité, Kaoumi Hamada évoque le manque de table chauffante, pourtant essentielle pour ausculter le bébé après sa naissance, surtout en cas d’hypothermie. La maternité est équipée de deux tables d’accouchement dont seule l’une est opérationnelle. La table de stérilisation qui était en panne est désormais fonctionnelle. Dieu merci. “Parmi nos plus grandes difficultés,nous pouvons mentionner les cas d’hémorragie, surtout dûs à un avortement soit clandestin soit provoqué. Dans ce cas, nous devons faire toutes les manœuvres pour la stopper avant de faire le transfert vers Fomboni, car nous ne faisons pas de transfusion”, dit-elle.
La structure pratique entre 12 et 16 accouchements par mois. Outre l’accouchement, le service pratique également la planification familiale. 31 utilisatrices de Pf ont été enregistrées de janvier à avril dernier.
Entre 12 et 16 accouchements par mois
Parlant de l’insuffisance de l’effectif, la gestionnaire du centre de santé de Nyumashuwa précise que la maternité emploie 5 agents dont 3 sages-femmes et deux aides-soignantes. ”Ce n’est qu’en 2018 que la troisième sage-femme a été recrutée, mais avant,on fonctionnait avec deux. L’une est fonctionnaire et l’autre est payée par le centre. Pour les aides-soignantes l’une est fonctionnaire l’autre nous la prenons en charge”, a-t-elle détaillé. A en croire cette gestionnaire, ce centre de santé fonctionne grâce aux recettes. Le gouvernement insulaire lui dote uniquement de carburant. Saandia Hamadi souligne que les dépenses sont plus élevées par rapport aux recettes,ce qui gangrène le bon fonctionnement du centre. Outre le carburant subventionné, le projet Pasco et l’Unfpa appuient la structure en matériel. Concernant les consultations et les accouchements, la patiente paie 1000 francs et Pasco complète le reste. L’ambulance offerte à la maternité par l’Unfpa est utilisée par toute la structure. Si la structure ne connait pas des problèmes liés à l’eau, il n’en est pas moins pour l’électricité. Le groupe électrogène est allumé pour une durée de deux heures de temps seulement, faute de carburant.
Le représentant-résident de l’Unfpa, Mamadou Boina Maecha, qui a entrepris une visite dans le centre ce jour-là avec nous,a fait savoir que l’Unfpa appuie beaucoup cette maternité. “Nous sommes venus faire un état des lieux. Et à notre grande surprise, nous constatons l’état de délabrement avancé de la maternité et les mauvaises conditions de travail”, regrette-t-il. L’Unfpa envisage d’étudier les voies et moyens de réhabilitation du local et d’amélioration des conditions de travail. “Une femme doit accoucher dans un endroit où elle est en sécurité, et un endroit digne pour se reposer après”, souligne le représentant-résident de l’Unfpa. Dans le court terme, l’Unfpa va doter la maternité d’instruments et matériels de maternité. “Pour la réhabilitation, nous pourrons débloquer les fonds, mais nous allons discuter avec les autorités de l’île pour la procédure”, confie-t-il.Malgré cette situation, la maternité enregistre un nombre considérable de visites et de consultations. Ainsi, la major de l’établissement a plaidé pour une revue à la baisse du coût des analyses afin de permettre aux femmes enceintes de faire les analyses et consultations prénatales. La gestionnaire de la maternité pense que la réhabilitation du local est primordiale.