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Produits éclaircissants I La dépigmentation, «un phénomène inquiétant»

Produits éclaircissants I La dépigmentation, «un phénomène inquiétant»

Santé | -

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Nombreux sont ceux qui utilisent de produits éclaircissants pour avoir un teint plus clair ou pour se faire beau ou belle. Ce phénomène touche beaucoup de femmes issues de toutes les couches sociales. Pour ce faire, elles utilisent souvent des produits chimiques pour dépigmenter leur peau, ce qui n’est pas sans risque. Une esthéticienne se bat depuis 10 ans contre la dépigmentation, pour prendre soin de ses clientes. Elle use de produits naturels et sans danger pour l’organisme. Un dermatologue de la place lance un cri d’alarme sur le danger de la dépigmentation. Il reçoit en moyenne 10 femmes par semaine qui ont des problèmes de peau après utilisation des produits éclaircissants.

 

Elles sont souvent reconnaissables ces femmes au teint si spécial, avec parfois un léger duvet recouvrant le visage. Aux Comores, s’éclaircir la peau est devenu un sport national pour des dizaines de personnes qui veulent “se faire belles”. L’éclaircissement de la peau est une pratique cosmétique de dépigmentation fait à base de produits chimiques et utilisés pour modifier le teint mat ou foncé pour des raisons “esthétiques”.


Différents produits sont utilisés pour éclaircir le visage, et des médicaments à base d’hydroquinone sont détournés à cet effet. “Nous nous dépigmentons pour nous nous faire belles”, affirme Ousra Saïd Abdallah qui a dû arrêter la dépigmentation pour cause de grossesse. “J’ai arrêté de m’éclaircir la peau étant enceinte et consciente de l’impact de la dépigmentation, je me suis dite que son odeur pouvait nuire au fœtus”, se défend-t-elle. Pour cette agente des impôts “le mieux serait que toutes les femmes acceptent leur teint. Cela éviterait les taches noires qui apparaissent sur la peau en cas d’arrêt provisoire de la dépigmentation”.


Karida Jaffar, esthéticienne de formation, spécialisée sur les produits naturels lutte depuis 10 ans contre la dépigmentation. Son combat est de lutter contre la dépigmentation de la peau. Belle peau foncée dénuée de pores, Karida est consciente de la beauté de sa carnation. Adepte de produits naturels, elle les préfère pour le soin de la peau de ses clients : poudre de santal, curcuma, café, miel, coco, etc. “Les femmes comprennent peu à peu qu’à travers le naturel elles demeurent belles et n’ont pas de problèmes de santé” se réjouit l’esthéticienne.

Usage de produits naturels

Elle soulignera la campagne engagée ces dernières années sur les dangers de ce phénomène et dont le but était de demander aux femmes d’arrêter la dépigmentation. “Elles trouvaient que j’étais à côté de la plaque, parce qu’il y a dix ans pour la femme, être belle c’est avoir le teint clair, la femme mariée doit répondre à ce canon de beauté et malheureusement c’est encore d’actualité. Ce qu’elles ne comprennent pas c’est qu’on peut avoir la peau claire sans se mettre en danger. C’est pour cela que je valide la beauté traditionnelle qui ne fait courir aucun risque”.

 


“Notre référence, c’est la femme anjouanaise qui était restée naturelle et belle grâce à un savoir-faire ancestral en faisant usage du lait de coco ou encore de la poudre de santal qui n’est pas nocif et qui peut même être utilisé pour le nouveau-né. Elle regrette que de nos jours, “il n’est pas rare de voir une jeune femme de 30 ans avec des rides, lesquelles sont causées par des produits à base de cortisone”.


De son côté, le docteur Tadjiri Ahamada, dermatologue déconseille l’utilisation de tout produit éclaircissant. A l’entendre, l’usage des conséquences néfastes pour la peau et l’organisme. “L’utilisation de produits éclaircissants peut engendrer des taches blanches sur la peau qui ne guérissent jamais”. Pour le dermatologue, “toute tache blanche suspecte sur la peau doit pousser à une consultation”, avertit le docteur Tadjiri Ahamada qui appelle les femmes à une auto-surveillance. En plus des taches brunes, ces produits peuvent entrainer également des maladies graves telles que l’insuffisance rénale ou le diabète.

Les patients sont des femmes ayant des problèmes épidermiques, notamment au niveau du visage du fait de leur dépigmentation. “Le hic, après leur guérison, elles recommencent aussitôt, ne supportant pas leur teint d’origine”. Pourtant, ces femmes qui développent un cancer de la peau sont nombreuses, selon le praticien. Certaines en sont mortes et d’autres sont dans le calvaire.

 

Le praticien qui regrette qu’il n y’ait pas d’étude au niveau national sur les cas sur le cancer de la peau, nous confie qu’il reçoit en moyenne 10 femmes par semaine qui ont des problèmes d’acné suite à l’utilisation des produits éclaircissants. “Je reçois ces femmes surtout en période de vacance lors des mariages, parfois même les mariées ont de problèmes de la peau à quelques jours du mariage et viennent me voir, parfois on n’arrive pas à corriger”.

Interdiction de certains médicaments

Pour lutter contre “ce phénomène inquiétant”, les autorités comptent bien s’y atteler car la dépigmentation est devenue un problème de santé publique. Le docteur Ahamada Saïd Fazul, directeur général de l’Agence nationale des médicaments et des évacuations sanitaire (Anamev) laisse entendre que “certains médicaments comme des lotions sont détournés à des fins de dépigmentation de la peau et doivent donc faire l’objet d’une surveillance accrue”.


Selon le patron de l’Anamev, certains produits qui contiennent de l’hydroquinone, du corticostéroïde, du corticoïde seront interdits du territoire national. Il ajoutera que l’inspection fait partie du plan d’action de l’agence mais que celle-ci connait quelques problèmes de fonctionnement. « C’est le service antidrogue qui nous aide et qui procède à la saisie des produits incriminés », a-t-il souligné.Concernant les dépôts qui sont à Ndzuani, le directeur de l’Anamev indique que le ministère va faire signer une décharge aux propriétaires dans laquelle ces derniers vont s’engager à ne plus commander les produits suspectés.

Par Abouhariat Said Abdallahavec Adabi Soilihi Natidja (stagiaire)

 

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