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Recrudescence du paludisme I L’objectif «zéro cas» à la fin de cette année est-il compromis ?

Recrudescence du paludisme I L’objectif «zéro cas» à la fin de cette année est-il compromis ?

Santé | -   Adabi Soilihi Natidja

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Alors que la maladie semblait sous contrôle, une recrudescence marquée des cas semble vouloir compromettre l’objectif de « zéro cas en 2025 ». Des experts doutent désormais de la possibilité d’atteindre cette cible, mais le Programme national de lutte contre le paludisme (Pnlp) reste déterminé et réaffirme son engagement à concrétiser cet objectif.

 

Malgré les progrès significatifs réalisés ces dernières années dans la lutte contre le paludisme, la maladie continue de sévir avec force. Une flambée des cas, particulièrement marquée sur l’île de Ngazidja, se fait ressentir depuis l’année dernière. En 2024, 55 277 cas de paludisme ont été enregistrés, dont 54 413 à Ngazidja, 504 à Ndzuani et 360 à Mwali. Des chiffres qui dépassent largement le total cumulé des cas recensés entre 2018 et 2020. Sur cette période de trois ans, les statistiques nationales faisaient état de 42 076 cas, répartis entre 19 735 en 2018, 17 795 en 2019 et 4 546 en 2020. Et ce, en dépit des campagnes de pulvérisation intra-domiciliaire, des distributions massives de moustiquaires imprégnées, du traitement de masse et de l’amélioration de l’accès au diagnostic et aux soins. L’incidence de la maladie ne cesse de croître : elle s’élevait à 62,13 pour 1 000 habitants en 2024, contre 25 pour 1 000 en 2021.


Dans ce contexte, atteindre l’objectif de zéro cas de paludisme d’ici la fin de l’année, comme annoncé par les autorités sanitaires, semble de plus en plus difficile. Il faudra davantage de vigilance, d’investissement et d’engagement. Des experts en santé évoquent un défi majeur, et s’interrogent : comment espérer accomplir en six mois ce qui n’a pas été réalisé en presque treize ans ? «Personnellement, je trouve que la campagne de lutte contre le paludisme est loin d’être une réussite, surtout du fait que la sensibilisation autour du traitement de masse à Ngazidja a failli. Ils n’ont pas pu contenir la maladie et nous voilà avec une flambée des cas hors norme. Ce qui est inquiétant, c’est que le risque de résurgence des cas à Ndzuani et Mwali n’est pas à écarter», confie un médecin de la place.

Des hôpitaux sous pression

Rappelons que depuis le lancement de la première phase du traitement de masse, Ndzuani et Mwali n’ont enregistré aucun cas autochtone. Selon les autorités de santé, les rares cas recensés dans ces deux îles sont en grande majorité importés de Ngazidja, devenue le principal foyer épidémiologique de l’épidémie. La situation dans les établissements de santé reste préoccupante. À l’hôpital El-Maarouf, notamment dans le service de pédiatrie, le docteur Zoubert Boinaidi rapporte qu’en moyenne, près de huit cas sont pris en charge chaque jour. Et de préciser : « En mai on avait 145. Les 103 étaient des cas simples et les 42 étaient graves causant des comas, nécessitant parfois des transfusions sanguines.»


Au centre de santé de Mitsudje, le médecin-chef, docteur Djaloud Mohamed, a recensé 121 cas au mois de mai, contre 144 en avril et 101 en mars. À Fumbuni, le docteur Fahar Bachirou évoque 393 cas sur la même période, soit une moyenne de 13 par jour, dont 164 hospitalisations, parmi lesquelles 32 formes graves. «Les enfants de moins de 15 ans étaient représentés à 22,6% », précise-t-il. Concernant les causes de cette recrudescence, le même médecin cite notamment le faible usage des moustiquaires, les conditions climatiques et l’hygiène précaire dans plusieurs localités. Au centre de santé de Washili, le docteur Ben Yackout fait état de près de 11 consultations quotidiennes. «Au mois de mai, sur 224 cas suspects enregistrés, seuls 84 étaient positifs », indique-t-il.

Le Pnlp réaffirme sa position

Le Programme national de lutte contre le paludisme (Pnlp) et ses partenaires affirment poursuivre leurs efforts pour atteindre l’objectif fixé, en diversifiant leurs stratégies. « Notre objectif reste le même et est de terminer cette année avec zéro cas de paludisme dans le pays », réaffirme un cadre du Pnlp, lequel précise qu’une campagne de pulvérisation intra-domiciliaire était en cours à Mitsamihuli-Mbude. À la question de savoir si le renforcement des actions actuelles suffira, le docteur Zoubert Boinaidi reste sceptique.

« Il faut carrément améliorer le cadre de vie (en agissant sur l’hygiène et l’assainissement de l’environnement), sensibiliser les populations à l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticide, et traiter les malades plutôt que de se contenter d’un simple bilan. Ce serait déjà un progrès. Beaucoup de personnes sont prises en charge tardivement parce qu’on attend systématiquement la positivité de la goutte épaisse (le test du palu). Il faut également rendre les médicaments antipaludiques disponibles dans les officines et pharmacies, et relancer la chimioprophylaxie sur l’ensemble de l’île de Ngazidja», suggère-t-il.

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