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Reportage / Hôpital de l’Amitié sino-comorienne : Un an après

Reportage / Hôpital de l’Amitié sino-comorienne : Un an après

Santé | -   Sardou Moussa

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Le 24 mai prochain, l’Hôpital de l’Amitié sino-comorienne de Bambao-mtsanga fêtera un an, depuis qu’il a été officiellement ouvert par le président de la République, Azali Assoumani.Et cela fait presque quatre ans depuis que ce joyau a été livré au gouvernement comorien par la République populaire de Chine, qui a financé et assuré l’ouvrage. Le complexe, presque entièrement équipé par les chinois lesquels ont remis les clés aux mains des autorités nationales, a longtemps nourri le rêve des comoriens, de voir enfin s’arrêter ou s’estomper progressivement les périlleuses traversées vers Mayotte à des fins de soins. A la veille de ce premier anniversaire, que reste-t-il de ce pari ? Reportage.

 

A notre arrivée, à 11 heures passées, devant le portail du majestueux bâtiment, un mercredi de ce même mois d’avril, il n’a pas fallu expliquer le but de notre visite. "Bonjour messieurs. Veuillez suivre ce monsieur, il vous conduira au chef. Il nous a déjà avertis de votre arrivée et il vous attend." Le ton aimable du chef des vigiles ne contrastera aucunement avec celui des agents qui guideront notre long chemin jusqu’au deuxième étage, à l’extrémité Est, où nous attend Saïd Ahmed Hachim, le directeur adjoint de l’établissement, avec qui nous avions pris rendez-vous. "Ah, enfin ! Je commençais à trouver ce "10 heures" un peu long… ", plaisante-t-il sur l’heure que nous nous étions fixée. L’homme, plutôt à l’aise avec les journalistes, ne tardera pas à répondre à nos questions, nous faire découvrir ensuite l’hôpital et ses différents services.

Nous apprendrons de Saïd Ahmed Hachim qu’à ce stade, seul le service de l’Orl n’est pas ouvert, faute de spécialiste. Mais les difficultés de l’hôpital, c’est surtout une insuffisance de personnel et de ressources financières.

Pas encore branché au circuit des aides multilatérales des organisations internationales, ce joyau de la coopération sino-comorienne, dont la construction et l’équipement ont couté quatre milliards de francs, ne tire sa subsistance que d’une maigre subvention de l’Etat et de ses prestations au patient, fixées en fonction de l’étroitesse de sa bourse. "

Nos dépenses actuelles atteignent 16 millions de francs mensuels, mais la subvention de l’Etat est beaucoup plus en deçà. Notre partenaire financier pour le moment c’est la communauté. Or l’hôpital emploie beaucoup de bénévoles jusqu’à maintenant", nous explique notre hôte.

"Bénévolat"

Bénévolat : mot bizarre, entré dans le jargon administratif anjouanais depuis un temps. Il désigne les jeunes diplômés en quête d’emploi, qui fourmillent dans le service public, travaillent "gracieusement" en attendant d’être récompensés un jour par un contrat d’embauche. L’hôpital de Bambao en affiche plein le tableau. Et c’est une véritable épine au pied de l’administration hospitalière. 

"Cet hôpital devrait bénéficier d’un traitement particulier au niveau de sa subvention. Le gouvernement ne devrait pas nous aligner sur le même pied d’égalité que les autres structures. Depuis son ouverture, l’on nous a envoyé soixante-cinq agents, or il en emploie en ce moment deux-cent-cinquante. Ce sont des non-salariés, mais qui sont indispensables au bon fonctionnement du centre. Le gouvernement devrait rapidement les recruter", soutient, de son côté, le directeur général, Dr Anliane Ahmed. Son optimisme vient du fait que "le président Azali et son gouvernement ont déjà réussi à ouvrir cet hôpital, chose qui n’était pas évidente".

 

 

L’Hôpital de l’Amitié sino-comorienne serait donc forcé, pour le moment, de rouler avec les maigres moyens du bord, malgré sa prestance. Dommage pour ses allées nickel, ses baies vitrées, ses appareils ultramodernes, ses jardins verdoyants et l’accueil affable de ses vigiles et de ses infirmiers, qui "commencent à soulager le malade avant la vue du médecin", pour reprendre l’assertion du docteur Rakib Ahmed, chef du service de la pédiatrie et néonatologie. L’homme nous a reçus dans son bureau avec ce sourire qui ne le quitte jamais. Il se demande ce que ses concitoyensveulent de plus, et pense sincèrement que son établissement est le moins cher de la planète, contrairement aux préjugés.

Une santé gratuite ? Impossible

"Le Comorien veut un hôpital propre, un service de qualité, et tout cela gratuitement. C’est impossible !  2.500 francs la consultation et 5.000 francs forfaitaires la chambre pendant toute la durée de l’hospitalisation, que vouloir de plus ? Dans mon service, les parents d’un enfant né prématurément, hospitalisé au service de néonatologie, pris en charge par les infirmiers, dans une chambre climatisée, tenue propre, dans des couveuses qui son allumées en permanence, et qui consomme pas moins de 3 bouteilles d’oxygène par jour, trouvent quand-même cher de payer 85.000 francs, pour des dépenses globales qui atteignent 500.000 francs !", s’étonne-t-il.

Le pédiatre se soucie beaucoup plus du traitement salarial de ses infirmiers et aides-soignants, qui devraient, comme l’a déjà souhaité le directeur général, être recrutés pour bénéficier d’un salaire décent, afin de pouvoir s’aligner sur le code de conduite admis dans cet établissement, lequel serait basé sur "le travail sérieux et la probité".

Avec un peu plus de volonté des décideurs politiques, le premier hôpital public national équipé d’un scanner et de blocs opératoiresoù peuvent se pratiquer la télémédecine, devrait aller mieux. Car malgré les écueils, ceux qui s’y font soigner n’en parlent pas comme d’un mouroir.Sur son lit, au service des urgences, la jeune Touska Mohamed, blessée, nous répond avec aisance : "Ici, c’est beaucoup mieux qu’ailleurs."

Raanti Saindou, hospitalisée avec son enfant à la pédiatrie, est plus précise : "ce sont les médicaments qui me paraissent chers, mais les soins sont bons, et l’accueil est parfait."

Il y a aussi les râleurs, comme cette autre patiente d’un certain âge, rencontrée dans une autre chambre des urgences. Mais c’est parce que, des hôpitaux de luxe, elle en a déjà vus au cours de ses voyages. "L’on peut dire que ça va… mais il y a quand-même des équipements qui manquent ici… j’ai déjà été hospitalisée en France…"

 

 

Il faut ajouter que dans cet hôpital, comme nous l’ont longuement expliqué le directeur et son adjoint, la priorité n’est pas l’encaissement de la facture, mais les soins d’abord. Un service de recouvrement et d’aide juridique a été à cet effet créé, qui recueille les engagements des patients à payer ultérieurement et par échéances leurs factures, s’ils ne sont pas en mesure de le faire au moment même.

Médecins étrangers

De la volonté politique donc, mais aussi de la confiance, de la part des patients. La population, dans sa majorité, continue de penser que le complexe hospitalier de Bambao ne sera un vrai hôpital qu’une fois aux mains de médecins étrangers. Et c’est du reste pour cette raison que le taux de fréquentation n’est pas toujours optimal, et que le flux migratoire vers Mayotte, qu’il était censé ralentir, demeure jusqu’à preuve du contraire intact.

Dr Anliane assure, de ce côté-ci, que les démarches sont bel et bien entamées pour faire venir des médecins étrangers de la coopération chinoise ou autre. Et quant aux évacuations clandestines par kwassa vers Mayotte, son adjoint pense ceci : "je crois que si les gens continuent de partir à Mayotte, c’est par la force de l’habitude et par mauvaise influence des familles. Le plus important en médecine, c’est de pouvoir poser un diagnostic certain, or nous avons ici l’équipement nécessaire et des médecins qualifiés pour le faire. Maintenant il faut juste un regain de confiance de la population."La confiance, rien que cela. 

 

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