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Santé auditive I première prothèse auditive posée aux Comores

Santé auditive I première prothèse auditive posée aux Comores

Santé | -   Abdallah Mzembaba

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Santé auditive : première prothèse auditive posée aux Comores


Vendredi dernier, au cabinet médical Rive Gauche de Moroni, près de la Faculté Imam Chafiou, une avancée médicale inédite a vu le jour. Nadjim Soulé, 23 ans, est devenu le premier Comorien à recevoir un appareil auditif sur place. Jusqu’ici, les patients souffrant de troubles de l’audition devaient impérativement se rendre à l’étranger, une option hors de portée pour beaucoup.


Le jeune homme, atteint de surdité depuis 2006, a vécu ce moment comme une libération. Après des années à composer avec son handicap, il a pu bénéficier d’un appareillage rendu possible grâce à une collaboration entre le Cabinet médical Rive Gauche, l’association HumanHeart Comores et Benoît Afrique Audition, une entreprise spécialisée basée à l’étranger.


Le docteur Farida Atoissi, spécialiste en Orl et en chirurgie cervico-faciale, a tenu à souligner l’importance de cet événement, y voyant une véritable révolution. «Les appareils auditifs sont à l’ouïe ce que les lunettes sont à la vue», a-t-elle déclaré aux médias présents, insistant sur l’impact de cette avancée pour les patients. Et d’ajouter : «Jusqu’à présent, il fallait impérativement se rendre à l’étranger pour se faire appareiller. Aujourd’hui, c’est enfin possible ici ».


Nadjim Soulé a vu son diagnostic posé il y a deux ans. Mais faute de moyens, il n’avait pas pu entreprendre le voyage nécessaire à son appareillage. Grâce au soutien de l’association HumanHeart Comores, qui a financé l’achat des prothèses pour un montant de 350 000 francs, le jeune homme a pu bénéficier de cet appareil indispensable.
Fondée en 2015, HumanHeart Comores œuvre principalement dans les domaines de l’alimentation, de l’éducation et de la santé pour les populations vulnérables. Touchée par la situation de Nadjim Soulé, l’association n’a pas hésité à intervenir.

Malgré son handicap, Nadjim a poursuivi ses études avec détermination, jusqu’à obtenir une licence en sciences de la terre et de l’environnement à l’Université des Comores. «Lors de ma soutenance, mon encadreur me demandait ce que j’allais faire, alors que je n’entendais rien. Mais en regardant les gens parler, je devinais ce qu’ils disaient. Heureusement, tout s’est bien passé», s’est-il souvenu. Ce parcours exemplaire n’a toutefois pas été sans souffrance. «Ma famille a toujours voulu m’aider, mais les conditions ne le permettaient pas», a-t-il confié, tant ému.

Rendre ces appareillages accessibles à tous

Si cet appareillage a pu être réalisé aux Comores, c’est aussi grâce à l’expertise de Benoît Afrique Audition. Deux de ses membres ont suivi l’intervention à distance : Aymen Nsira, ingénieur biomédical basé en Tunisie, et Mehdi Hakimi, audioprothésiste diplômé d’État en France. Le docteur Farida Atoissi a expliqué que l’appareillage n’est pas directement pris en charge par les Orl, mais par des audioprothésistes, une spécialité encore absente au niveau national. «Il ne suffit pas de poser l’appareil, il faut un suivi régulier. Un patient qui s’appareille à l’étranger ne peut pas facilement y retourner tous les six mois pour des ajustements », précise-t-elle.


L’initiative menée avec Benoît Afrique Audition reste pour l’heure limitée, mais le docteur Farida Atoissi espère qu’elle pourra évoluer. «L’objectif est de tout faire localement à terme. Mais cela nécessite des audioprothésistes comoriens et du matériel adapté. Chaque étape compte », explique-t-elle. Elle insiste aussi sur l’importance de sensibiliser la population, car «beaucoup hésitent à consulter pour des problèmes d’audition, comme si ce n’était pas grave». «Pourtant, ne pas entendre peut provoquer isolement et démence, notamment chez les personnes âgées », prévient le médecin.


Pour Nadjim Soulé, cet appareillage marque un tournant. Il a dit remercier sa famille, HumanHeart Comores et le docteur Farida. «Aujourd’hui, j’ai mon diplôme, mais je n’ai pas encore d’emploi. Cet appareil m’offre une chance d’affronter l’avenir avec plus de sérénité». Le docteur Farida Atoissi appelle à poursuivre les efforts pour rendre ces appareillages accessibles à d’autres patients dans le besoin : «Nous avons prouvé que c’est possible. Maintenant, il faut continuer pour que chaque Comorien souffrant de perte auditive puisse trouver une solution localement, sans honte ni gêne».

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