L’odeur nauséabonde des médicaments incinérés et une épaisse fumée noire ont rendu, samedi 14 janvier, l’air irrespirable au quartier Comotel, au sud de Moroni. Cela a aussi provoqué des toux pour plusieurs personnes vivant dans les environs. Effectivement, il s’agit de médicaments périmés collectés dans toutes les pharmacies par l’office comorien des produits pharmaceutiques des Comores (Ocopharma). Or, il est connu de tous que les médicaments sont normalement incinérés. Ce qui n’est pas le cas.
L’aval de la mairie ?
Un acte que les habitants de ce quartier dénoncent avec force. En tout cas, ce n’est pas un cas isolé, car les mêmes opérations se font à Ndzuani et à Mwali, nous a-t-on raconté. L’on a constaté que la destruction de ces médicaments n’a suivi aucune norme sécuritaire de santé publique. La même opération a été organisée mardi matin quand les journalistes d’Al-watwan sont passés sur les lieux. L’air était pollué, devenant ainsi irrespirable. La mairie est-elle au courant ? Oui, selon les habitants de la zone citée.
Pointée du doigt depuis le samedi dernier, l’office se dédouane à moitié, précisant avoir obtenu l’aval de la mairie. «Nous n’avons pas pris cette décision tout seul. La mairie était au courant et nous a permis de le faire, le service de l’environnement également», s’est défendu le directeur général de l’Ocopharma, Nakib Ali Mbaraka, documents administratifs à l’appui.
Interrogé lundi dernier sur la responsabilité d’un tel acte, l’Agence nationale des médicaments et des évacuations sanitaires (Anamev) lève la main. «Nous avons procédé à la récupération des médicaments périmés dans les structures de santé de Ndzuani et de Mwali. Nous débutons ce jour, pour Ngazidja. Nous allons les brûler dans un incinérateur comme l’exige le guide national validé par la Banque mondiale. Je pense que ceux qui ont brulés les médicaments ont fait une erreur monumentale. Ils n’ont pas respecté l’environnement», a réagi le directeur général de l’Anamev, Dr Ahmed Said Fazul.
Selon lui, l’Ocopharma a demandé à l’office de respecter les procédures à suivre pour incinérer les médicaments périmés et l’Anamev a sollicité la liste des produits à détruire. «Nous avons ainsi demandé l’application des méthodes de destruction envisagées ainsi que la présence d’un représentant de l’Anamev, un représentant de la direction générale des impôts, un représentant de la direction en charge de la gestion de déchets, entre autres», a-t-il fait savoir, regrettant qu’aucune suite n’a été donnée après par l’Ocopharma.
Le service de l’environnement reste muet, pourtant les produits pharmaceutiques sont incinérés à moins de 2 mètres de la mer, à côté de la société Cementis et des citernes Hydrogaz. Sur place, l’odeur est toujours vive et la fumée monte toujours. Des explosions se font toujours entendre. Des bétails sont élevés aux alentours. Surplace, nous avons retrouvé Ahmadi Moussa connu sous le nom de Moudou, éleveur de bœufs. «L’odeur était tellement infecte que nous avions pris la route pour rentrer chez nous, c’était insupportable.
Pour l’instant, nous ne ressentons aucun effet. Pour nos bêtes, nous ne savons pas encore», a-t-il déploré, contrairement à certains de ses collègues qui ont refusé de se confier. «C’est une agence du gouvernement, on ne veut pas de problème», disent-ils. Contacté ce lundi par téléphone, le directeur général adjoint de l’Environnement dit ne pas être informé, ni être au courant de l’opération. Il ignore les types de médicaments incinérés pour parler des potentiels risques sur l’environnement.
La Mairie …deux versions
Malgré les documents signés par le responsable de l’aménagement en charge de l’entretien de la voirie et le responsable de l’urbanisme, respectivement Abdillah Said Bakar, et Said Mohamed Saïd Mkandzile, la mairie de Moroni a interpellé, dans une lettre la ministre de la Santé sur le non-respect de la procédure. «Aucun avis, ni validation ni autorisation n’a été prononcé ni délivré par le maire de Moroni», réfute-t-on.
Effectivement, la commune pour se dédouaner de l’affaire procède à une suspension des fonctions des deux agents cités «pour faute professionnelle grave dans le cadre de l’incinération Illégale des médicaments par Ocopharma»Notons que dans les documents en notre possession, on aperçoit évidement la somme de 200.000 francs que la mairie de Moroni a pu bénéficier dans le cadre de cette opération.
Par Nourina Abdoul-Djabar et
Ahmed Zaïdou