logo Al-Watwan

Le premier journal des Comores

Santé publique I Des femmes témoignent sur la maladie de l’endométriose

Santé publique I Des femmes témoignent sur la maladie de l’endométriose

Santé | -   Nourina Abdoul-Djabar

image article une
À l’occasion de la célébration de journée internationale des droits des femmes couplée avec la journée mondiale de l’endométriose, Al-watwan a échangé avec des femmes qui nous font part de la particularité de cette maladie. De sa découverte à l’errance médicale en passant par ses divers traumatismes. Témoignages.

 

Sania Hamada,

“J’ai 30 ans, je suis comorienne, née et grandi aux Comores. J’habite actuellement en France. C’est en surfant sur internet pour connaitre l’origine de mes règles douloureuses que je découvre cette maladie “ endométriose”. Loin de m’éterniser sur cette découverte hasardeuse, j’étais obnubilée par d’autres multiples causes de ces douleurs mensuelles. A l’époque, j’étais encore à Dakar pour les études. J’avais de plus en plus du mal à vivre mes menstruations. Cela a commencé à tinter. Il était temps que je sache la raison de cette douleur insupportable, malgré plusieurs allers-retours à l’hôpital avec pleins de médicaments, pilules et piqûres.
Une fois en France en 2016, devant un arrêt de bus, une campagne de sensibilisation lançait un slogan “les règles c’est normal, pas la douleur”. D’où, mes recherches à nouveau jusqu’à un diagnostic. Les symptômes les plus courants sont les douleurs pendant les règles, pendant la rencontre entre un homme et une femme, douleur pelvienne chronique, règles abondantes, douleurs lombaires, troubles digestifs et urinaires, douleur neuropathique, fatigue chronique...


J’ai assez de symptômes. La douleur de cette maladie varie d’une femme à une autre. Il y a plusieurs types d’endométrioses. Certaines femmes ont plus de symptômes que d’autres. Mais la complexité de la maladie reste la même, on n’en guérit pas. J’ai été diagnostiquée tard, à l’âge de 26 ans. Pourtant, c’est à onze ans que j’ai vu pour la première fois mes règles. Alors, après quinze ans d’errance médicale, de souffrance et d’ignorance. Adolescente aux Comores, j’allais consulter presque tous les mois. Malheureusement, je repartais bredouille avec mes parents. Sans réponse, sans soulagement, et parfois on ne me croyait pas en liant mes douleurs à mes règles.

Soutien des proches

Après être diagnostiquée, j’ai informé directement mes grandes sœurs. A partir de là, elles étaient inquiètes et prenaient toujours soins de moi. On envisageait de m’opérer à cause de l’importance des lésions de l’endométriose dans mon ventre. Ma famille est toujours d’un grand soutien, autant physique, moral que financier.
Ce diagnostic était mon soulagement pour car on connait la cause de cette douleur. Bien que je sois stressée à cause du caractère incurable de la maladie. Cependant, il existe des solutions pour mieux vivre avec l’endométriose et être soulagé. Elles ne sont pas universelles. Cela peut fonctionner pour X femme et ne pas fonctionner pour moi.
Actuellement,  je vis très mal cette maladie. J’apprends encore à vivre avec elle mais c’est compliqué. Avec un diagnostic tardif, je n’ai toujours pas eu quelque chose qui me soulage vraiment au quotidien. Elle me fait souffrir tous les jours.Même après mon opération, je n’ai pas trouvé d’apaisement. Et l’endométriose me cause des problèmes de fertilité. C’est une des premières causes d’infertilité pour la femme. Je me retrouve malheureusement avec ce problème devenu mon combat quotidien silencieux. Chaque personne ne doute jamais de ses douleurs. Qu’elle n’ait pas honte de demander de l’aide, de poser des questions, de chercher à comprendre pourquoi elle souffre pendant les règles, car si ce n’est pas l’endométriose cela peut être autre chose.

 

Soilhat Elamine

“J’ai découvert la maladie via mes recherches personnelles suite aux douleurs, aux malaises (au moins deux fois par mois, aux règles abondantes, à l’écoulement sanguins en dehors des règles et les pertes blanches qui n’étaient en réalité pas blanches mais marrons et noirs etc). Après ma licence, je suis partie dans une autre ville pour le master et j’ai appris que l’un des grands spécialistes d’endométriose s’y trouvait. J’ai décidé d’aller le voir. J’ai vécu une errance médicale qui a duré plus de 15ans. Il faut savoir que j’ai eu mes premières règles en 2005 et j’ai été diagnostiqué en 2018. En réalité, je suis encore dans l’errance parce que plus le temps passe plus il y a des difficultés. Plus les doutes s’installent autant de mon côté que du côté de mes médecins.J’ai fait deux malaises aux Comores. La première fois à 15 ans en classe de seconde. Après consultation, un gynéco m’a annoncé devant mes parents qu’il s’agit d’un avortement raté. Je vous laisse imaginer la violence vécue ce jour-là puis les jours, semaines mois suivants. Heureusement avec mes parents compréhensifs, me faisant confiance, et avec qui je discutais. Ils ont tout de suite compris que le diagnostic était faux.

Un traumatisme

La deuxième fois, c’était le dernier jour du bac. J’ai fait un malaise en plein épreuve et me suis réveillée à l’hôpital. Là-bas, on m’a dit que c’était le stress du bac mais rien de particulier. Heureusement que j’ai eu mon bac malgré tout. Avant ces deux incidents, on m’a toujours dit à plusieurs reprises que c’était normal d’avoir mal et d’avoir des saignements abondants. Le deuxième trauma, l’annonce des médecins sur le fait qu’elle n’aura jamais d’enfant.


Aujourd’hui, je vais beaucoup mieux avec le soutien de mes parents, de certains de mes proches, et particulièrement l’énorme soutien de mon mari qui m’a accompagné dès le début du diagnostic et qui continue de le faire. J’ai eu la chance d’avoir un enfant contre toute attente avec une grossesse sans aucune difficulté, un accouchement normal et un enfant en parfaite santé. Je considère la maladie comme « un combat». Si un médecin vous dit quelque chose de faux comme un avortement ou fausse couche, dénoncez-le, quitte même à porter plainte. Ce n’est pas de ta faute s’ils ne connaissent pas l’endométriose. Les mamans, accompagnez vos filles, renseignez-vous, lisez des témoignages, posez des questions, amenez vos filles chez le gynéco même quand tout vous semble bien aller”.

 

Neymat Abou Jaffar, présidente de l’Association Emg de lutte contre l’endométriose en France et en Afrique

“Depuis ma puberté, j’ai toujours eu des douleurs de règles insupportables. On m’a toujours dit que c’était normal et que ça allait passer au fil du temps. Ça irait mieux une fois mariée et obtenu des enfants, me disait-on. On me conseillait le Spasfon (doliprane). J’ai donc fait preuve de résilience en me disant que j’étais peut être plus douillette que la normale.

e vivais mes douleurs en silence Jusqu’au jour où je perds connaissance (car la douleur était trop forte). Ce fut le déclic! J’ai commencé à me poser des questions... 
Un jour, je tombe sur une émission de la chanteuse Imany (marraine de l’association Endomind); je me reconnais dans son discours... j’avais l’impression qu’elle parlait de moi! Je découvre le mot Endométriose. J’ai fait des recherches, consulté des médecins puis Irm, puis le diagnostic puis opérations à répétitions etc. Toutes ces années, je souffrais de l’endométriose sans le savoir…


Seule une Endogirl comprend une autre

Une errance médicale de 17 ans (la moyenne étant de 7 ans) depuis le début de mes règles jusqu’à mon diagnostic. Après le diagnostic, j’ai eu la chance d’avoir le soutien de ma famille, ceux de mes amis (es) et de mon mari. Cela ne m’empêche pas de vivre le sentiment de solitude face à la maladie car seule une endogirl comprend véritablement une autre endogirl.Diagnostiquée, je ne connaissais personne dans mon entourage ayant l’endométriose (le tabou étant une des causes). Je me sentais seule face à ce défi...Raison pour laquelle j’ai créé l’association pour aider et accompagner les femmes (principalement celle de ma communauté). Une façon d’éviter de vivre le même calvaire. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de femmes qui m’écrivent en privé. Je suis fière de pouvoir les aider! L’endométriose comme un « handicap ». Soyez à l’écoute de vos filles, amies, sœurs, épouses, collègues. Avoir mal n’est pas normal. Soutenez les patientes, apportez de l’amour et de la bienveillance car il en faut pour supporter le quotidien. Cette maladie touche la femme et c’est avant tout un problème sociétal.

 

Commentaires