À l’occasion de la journée mondiale du vitiligo, le 25 juin dernier, des citoyens comoriens atteints de cette maladie ont lancé l’association Vitilikom en faveur de leur cause. L’objectif est de «réunir les personnes atteintes de vitiligo afin de leur faire savoir qu’elles ne sont pas seules, mais aussi de leur offrir un soutien moral et une aide pratique », explique Soibra Chakira, présidente de l’association, elle-même atteinte de la maladie. Ils souhaitent également contribuer aux solutions en favorisant la recherche sur le vitiligo et les traitements possibles. Dans un futur proche, ils aspirent à pouvoir organiser des événements ouverts au grand public, visant à améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de vitiligo.
Aux Comores, cette maladie reste largement méconnue et peu abordée. Aujourd’hui, les personnes atteintes élèvent leur voix afin de sensibiliser le grand public. « Nous sommes convaincus que seule l’éducation peut permettre de surmonter certains obstacles », reste persuadée Soibra Chakira.
Le vitiligo toucherait entre 0,5% et 2% de la population mondiale
Pour le dermatologue, docteur Soudjay Bacar Mze, «Le vitiligo est une maladie dermatologique dépigmentante et affichante. Il se révèle par l’apparition de taches blanches sur la peau. Cette maladie est liée à la perte de cellules présentes au niveau de l’épiderme (la couche superficielle de la peau) appelées mélanocytes qui ont pour rôles de fabriquer la mélanine (pigment de la peau). Ainsi, leur disparition entraîne une perte de la couleur de la peau et donc l’apparition de taches blanches. Le vitiligo est une maladie dite << auto-immune>> ce qui veut dire qu’elle est liée à une réponse exagérée du système immunitaire (système de défense de l’organisme) contre les mélanocytes.»
Selon certaines études, le vitiligo toucherait entre 0,5% et 2% de la population mondiale, soit entre 300 000 et 1,2 million de personnes. Les hommes et les femmes sont également affectés, et toutes les teintes et couleurs de peau peuvent être touchées. Ces plaques ne provoquent généralement pas de démangeaisons, ne sont ni douloureuses ni contagieuses. Cependant, elles font l’objet de stigmatisation dans certaines sociétés.
«La chose la plus difficile, surtout au début lorsque les premiers symptômes apparaissent, est l’isolement, la solitude et les innombrables questions auxquelles nous ne savons pas toujours à qui nous adresser pour obtenir des réponses. Cela a été le cas pour mon propre témoignage», raconte Soibra Chakira. Cette maladie visible par tous peut entraîner des problèmes de santé mentale tels que «la paranoïa, la dépression, la tristesse et l’anxiété», d’après le psychologue Ben Ali Khaer. «On se sent stigmatisé et on peut avoir l’impression d’être constamment observé. Pour bien surmonter cette épreuve, il est important de ne pas s’isoler et de demander de l’aide si c’est nécessaire auprès de la famille ou même de professionnels de la santé mentale», suggère-t-il.
Des séances d’exposition au soleil
Fouad Goulam témoigne de l’impact du vitiligo sur sa vie. « J’ai eu la chance de diagnostiquer la maladie très tôt, car j’ai consulté en France après une tentative de traitement local qui a partiellement réussi. Les parties décolorées de ma peau ont été rapidement repigmentées, mais malheureusement la dépigmentation s’est étendue à d’autres zones. En France, la prévalence de cette maladie est plus élevée qu’aux Comores. C’est pourquoi j’ai rejoint une association qui propose des publications et des séances d’échanges, où l’on partage des pratiques pour faire face aux regards curieux et aux étonnements », explique-t-il.Ce haut cadre comorien affirme que le traitement qu’il a suivi au pays consistait en des séances d’exposition au soleil accompagnées d’une prise de mélanine. «En France, en raison de l’absence de soleil, j’ai dû recourir à la puvathérapie [exposition aux rayons ultraviolets associée à la prise de mélanine]. Il s’agit essentiellement du même traitement, mais il est coûteux car il n’est pas pris en charge par la sécurité sociale. Bien que la santé n’ait pas de prix, il est parfois difficile de supporter le coût élevé du traitement, ainsi que la chaleur intense des cabines de bronzage », nous confie-t-il.
Le chemin a été long, mais aujourd’hui, Fouad Goulam affirme avoir franchi cette épreuve. « Pendant un certain temps, j’ai utilisé du maquillage et du fond de teint pour camoufler les taches. Au fil des années, j’ai dépassé le stade où j’étais complexé et où je me préoccupais du regard des autres. Le fait d’être une personnalité publique a facilité les choses, car ma présence constante et omniprésente a fait en sorte que mon image soit largement diffusée, voire imposante, ce qui a eu un effet inattendu », assure-t-il. Quant aux préjugés, « il y en a certainement, car les causes de cette maladie ne sont pas connues ». « Chacun peut spéculer. En fin de compte, l’entourage est le meilleur soutien, car il aide le patient à relativiser, étant donné que le vitiligo n’est pas une maladie douloureuse au-delà de son impact esthétique », conclut-il.