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Témoignage d’un diabétique I «J’ai 38 ans, je suis diabétique et je suis en train de perdre la vue»

Témoignage d’un diabétique I «J’ai 38 ans, je suis diabétique et je suis en train de perdre la vue»

Santé | -   Faïza Soulé Youssouf

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Mais tout n’est pas encore perdu pour Abdoul-Djabar. Le jeune homme a introduit une demande d’aide médicale au ministère des Finances. Si les fonds sont débloqués, il se rendra à Madagascar pour une intervention chirurgicale qui lui permettra d’avoir une meilleure vision, laquelle lui rendra son indépendance.

 

Sa démarche est mesurée. Son phrasé, tout aussi modéré. Abdoul-Djabar Chakira Ahmed, 38 ans, livre des éléments de sa vie sans donner l’air de vouloir se plaindre. Il évoque des évidences, sur le ton de la confidence. Parmi elles, son diabète compliqué. Compliqué est un doux euphémisme. Nous faisons la connaissance de ce monsieur, diplômé en «gestion et comptabilité» par l’entremise du chef de projet de l’Ong «Santé diabète», Youssouf Said Ali. Il nous donne son numéro de téléphone et nous parle d’un cas «singulier» alors que les Comores célébraient, le 28 novembre dernier, la journée mondiale du diabète.

Combiner études et traitement

Rendez-vous est pris. Abdoul-Djabar habite à Nkurani ya Mkanga, dans le Mbadjini, non loin d’Uziwani. Il nous reçoit dans un salon aux couleurs «bleu roi». Il a eu, selon lui, une enfance normale. A la fin de la vingtaine, il pèse un peu plus de 100 kilos. La vie s’écoule sans trop de griefs. Il poursuit ses études dans une école iranienne, aujourd’hui fermée, qui se trouvait dans la capitale comorienne. L’avenir s’annonçait bien. Et puis, la maladie survient, il y a 10 ans, en 2015. « J’ai passé 4 mois à l’hôpital El-Maarouf, 3 mois au Caritas, les médecins me traitaient principalement pour une typhoïde », s’est-il remémoré. Il se souvient également de sa très grande faiblesse. C’est le directeur de l’école iranienne qui, demandant ses nouvelles, apprend qu’il est malade. «Il est venu me rendre visite au Caritas. Et quand il a vu mon état, il m’a tout de suite conduit dans une clinique iranienne qui était située à Maluzini (au sud de Moroni). « C’est là-bas qu’on a déterminé que j’avais le diabète, un diabète élevé et qu’il me fallait voyager très vite. C’est ainsi que deux semaines après le diagnostic, je me suis rendu à Madagascar », fait-il savoir sans acrimonie.


Une fois sur la Grande-Ile, où il passe 6 ans, il tente de combiner études et traitement. « J’ai pu difficilement acquérir une licence, en gestion et comptabilité. J’étais trop malade. Et à vrai dire, je n’avais pas les moyens financiers mais pas que, de me traiter et de poursuivre mes cours », souffle notre interlocuteur. « En plus, pour ne rien arranger dès 2019, ma vue a commencé à baisser, une complication de mon diabète », dit-il. Le jeune homme perd jusqu’à quasiment la moitié de son poids. « A un moment, je ne pesais plus que 57 kilos. En 2023, j’ai décidé de rentrer à Moroni puisque ne voyant aucune amélioration à Madagascar », ajoute-t-il.

Se rendre à Madagascar

La vie est sans doute bien difficile pour bon nombre de Comoriens. Elle l’est sans doute un peu plus pour ceux qui sont malades, désargentés et qui doivent prendre un traitement qui coûte jusqu’à 30 000 francs par mois. « Je n’ai pas de revenus, pas de subvention. Ma mère fait ce qu’elle peut. Elle nous accompagne », relate notre interlocuteur. En plus, quand on est diabétique, il faut prioriser les légumes dans son alimentation. «Les légumes coûtent trop chers aux Comores», regrette celui qui admet que «manger 3 fois par jour, ce qui est recommandé par les médecins, est compliqué». Il a bien essayé de travailler, pour acquérir une certaine autonomie. Dans son domaine, il est hors de question pour le moment puisqu’il ne voit pas. Il tente autre chose mais a dû rapidement renoncer. «Avant, je travaillais dans une société de topographie mais c’était dangereux. Nous nous rendions dans des endroits où je risquais de me blesser. J’avais tout le temps peur d’attraper une infection», explique-t-il.

 

Conséquences du chômage. «J’ai passé 3 mois sans me piquer parce que je n’avais pas les moyens de m’acheter de l’insuline. Durant cette période, j’évitais de mesurer ma glycémie par peur d’un choc», rembobine-t-il. Fort heureusement, à l’en croire, depuis qu’il a fait la connaissance de «Santé Diabète», les choses se sont améliorées. «J’ai bénéficié de formation qui me permet de mieux appréhender ma pathologie. Il y a des médecins qui me suivent et que je peux appeler en permanence», indique-t-il. Et quand l’insuline vient à manquer, il sait désormais chez qui demander de l’aide.Seul espoir cependant. Une intervention qui lui permettra d’améliorer sa vue. L’opération ne pouvant pas se faire ici, il aimerait bien se rendre à Madagascar. Faute de moyens financiers, on lui a parlé d’un dispositif public qui lui permettrait d’entreprendre ce voyage. «J’ai introduit une demande d’aide médicale au ministère des Finances dans ce sens en avril. Le dossier suit son cours. J’espère vraiment que ma requête va aboutir». C’est tout le mal qu’on lui souhaite.

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