A Ndzuani, où la maladie a fait et continue de faire le plus de ravage, les autorités sanitaires ont longtemps buté contre le déni de la population, qui ne croyait pas en son existence. Mais maintenant que l’on annonce le vaccin, les réactions sont plutôt agréablement surprenantes. Ahamadi Moussa, 39 ans, agriculteur et père de deux enfants, est favorable au vaccin anticholérique.
"Le vaccin, c’est bien surtout pour les enfants. J'irai vacciner mes enfants et je le ferai moi aussi", affirme-t-il. Ali Kassim, 45 ans, couturier, est lui aussi pragmatique. "J'ai déjà entendu parler de ce vaccin dans les médias. Je serai obligé de faire ce vaccin pour ne pas attraper le choléra", lâche-t-il. Siti-Hadidja, 35 ans, mère de quatre enfants, est du même avis, même si elle se sent un peu forcée. "Je vais vacciner mes enfants puisque c'est gratuit. Dans leur école, on m'a dit que les enfants devaient être vaccinés. Je n'ai pas le choix et je me ferai aussi vacciner", dit-elle.
Des avis partagés
Elle est cependant loin de l’enthousiasme affiché par Élisa Dhakouane, 27 ans, mère de trois enfants, qui y voit une opportunité. "Je vaccine toujours mes enfants. Ce vaccin va les protéger même s'il arrive en retard. On aurait dû y recourir lors de la première vague de choléra. Beaucoup de gens sont morts…"
Cet intérêt nuancé pour le vaccin contre la terrible épidémie des "mains sales" n’est toutefois pas partagé par tout le monde.
Haffar Ousseni, 34 ans, vendeur et père de deux enfants, est sceptique. "Je ne crois pas à ce vaccin. Je ne sais pas si je vais y aller. J'ai d'autres affaires plus importantes, je veux du riz", s’énerve-t-il, visiblement préoccupé par la pénurie du précieux grain qui sévit actuellement dans l’île. Abou Houmadi, 48 ans, célibataire, est carrément méfiant : "Je me méfie de ces vaccins. Qui nous dit que c'est du vrai vaccin ? Nous avons des ennemis étrangers qui voudraient nous empoisonner". Quant à Akidar Salim, 30 ans, vendeur de friperies, il est toujours habité par le déni. "Les gens sont malades à cause des mabawa [ailes de poulet] pourris. Arrêtez de nous embêter avec vos poisons", réplique-t-il.
Dans un établissement scolaire de la ville de Domoni que nous avons visité, les élèves ont également partagé leurs avis sur ce vaccin oral. Il faut dire que leurs préoccupations sont tout autres. Fatima Saindou, une élève de 5ème âgée de 12 ans, a été "témoin de la maladie chez un voisin" et exprime sa peur. Elle est déterminée à se faire vacciner pour "éviter de vivre la même situation", d'autant plus que ses parents l'y obligeront.
En revanche, Anthoumane Abou, un lycéen de 18 ans en classe de 1ère, est méfiant vis-à-vis du vaccin. Il doute de son efficacité et mentionne "des rumeurs en ville selon lesquelles le vaccin serait du poison". Quant à Hamida, une étudiante de Terminale âgée de 20 ans, est prête à se faire vacciner "uniquement pour éviter des problèmes", comme l’obligation de présenter son carnet pour accéder à la salle d’examen, surtout qu'elle passe le baccalauréat cette année.
Par Issoufou Abdou Goli