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Épidémie de choléra I Ndzuani entre déni et infodémie

Épidémie de choléra I Ndzuani entre déni et infodémie

Santé | -   Faïza Soulé Youssouf

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Ndzuani a connu son premier cas de choléra le 4 mars. Trois mois après, la maladie peine à être jugulée. Ceci s’explique par plusieurs facteurs dont le déni, la manipulation des morts et l’eau qui n’est pas traitée.

 

Selon le directeur régional de la santé de Ndzuani, Anssoufouddine Mohamed, l’épidémie du choléra a fait irruption “dans un contexte politique très volatile”. Près de trois mois après la déclaration du premier cas, l’épidémie est toujours meurtrière même si une tendance baissière est en train de se confirmer. La barre des 100 décès y a été franchie la semaine dernière. L’on comptabilise officiellement 104 victimes du choléra. Le pic de l’épidémie a été atteint, lui, le 28 avril avec 241 cas de choléra enregistrés.


Les raisons de sa persistance sont nombreuses. Le docteur Anssoufouddine, qui est également cardiologue de formation a en livrées quelques-unes. Ndzuani est l’île la plus densément peuplée de l’archipel, 327 380 habitants pour 424 km2. Elle est aussi l’île la plus pauvre. Les facteurs de propagation sont nombreux. Pour notre interlocuteur, “il y a le déni de la maladie et la désinformation, la manipulation des décès communautaires par les laveurs traditionnels et l’eau de consommation qui n’est pas traitée”.


Des influenceurs très suivis ont mené une campagne minutieuse de désinformation, adaptant leur discours aux différentes phases de l’épidémie. Avant la déclaration du premier cas à Ndzuani, ils affirmaient : “Il n’y a pas de choléra, c’est juste un artifice de l’État pour attirer des fonds d’aide internationale”. Aux premiers cas enregistrés, ils prétendaient : “Ce n’est pas du choléra, mais une intoxication au riz et aux ailes de poulet avariées”.Les premiers malades qui témoignaient étaient accusés d’être soudoyés par l’État. Au plus fort de la maladie, des rumeurs circulaient sur la contamination massive de l’eau du robinet par les autorités”, a-t-il relaté en début de semaine.


Les conséquences sont juste désastreuses. Anssoufouddine Mohamed livre cet exemple. “Dans certains villages, une fois les personnes tombées malades, elles se réfugiaient à la montagne pour se cacher. Les agents devaient se rendre dans les bois pour les dénicher”. Mais comme les malades se réfugiaient à la forêt, ceux qui perdaient la vie étaient manipulés lors du lavage mortuaire. “En matière de choléra, une fois que la personne qui en est morte est manipulée par les laveurs traditionnels, cela constitue une «bombe» en matière de transmission. L’on se réveille avec des villages entiers, des quartiers contaminés”, a longuement expliqué notre interlocuteur.


Enfin, “lors de la première épidémie de choléra de 1974 à Ngazidja, Ndzuani avait une cinquantaine de cours d’eau permanents. Aujourd’hui il n’en reste que quelques rivières agonisantes où s’entassent le plastique, les couches ; les gens y font leur lessive, leurs besoins, y puisent l’eau de boisson”, a rappelé le patron de la direction régionale de la santé de l’île.

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