Myriam Abdallah, est une passionnée. Aider les femmes à donner la vie, c’est plus qu’un métier, c’est un sacerdoce. Elle est âgée de 40 ans, mariée et mère de 3 enfants. ”Je rêvais de devenir médecin, je suis partie à Madagascar pour faire la formation mais je suis arrivée en retard et je devais attendre le concours l’année suivante. J’ai alors commencé par faire informatique de gestion, puis le concours dans une école privée à Madagascar pour faire sage-femme”, se souvient-elle
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Mais dans cette école le métier de sage-femme était une spécialité. “Pendant trois ans, j’ai fait infirmière d’Etat, entretemps, il y a eu la grève entre Ratsiraka et Ravalomanana, et je suis revenue ici, et c’est à l’école de santé, que j’ai fini mon cursus en 2002 et devenue sage-femme”, confie-t-elle. Elle ajoutera qu’étant la majore de la promotion, elle a été envoyée à l’île de La Réunion pour un stage de perfectionnement de six mois en 2004. A son retour, elle a commencé à travailler la même année à la maternité d’El-Maarouf.
En 2010, elle bénéficiera d’une formation hospitalière pour devenir cadre de service et en ce moment, elle exerce en tant que major de service de la maternité et à la salle d’accouchement. “Si tu vois une femme qui est là en train de souffrir et que tu n’y es pas sensible c’est que tu ne mérites pas d’exercer cette profession”, souligne cette accoucheuse, du haut de ses 14 ans d’expérience.
En effet, dans l’exercice de leur métier, ces femmes qui aident à donner la vie sont souvent confrontées à des cas difficiles, voire des décès. “Il faut savoir gérer cela, en même temps, c’est un travail très passionnant qui apporte beaucoup de bonheur car quoi de plus beau que de contribuer à donner la vie”, décrit-elle.
Des mauvais souvenirs ?
Oui elle en a. Et c’est avec le cœur serré et le visage triste que Myriam se remémore de cette femme qui voulait accoucher et qui est morte l’année dernière, suite à une embolie amniotique, une maladie rare, une des pathologies qui peuvent survenir pendant la grossesse et qui touche 1% de notre population. “Malheureusement c’est arrivé à une de mes patientes. Elle est venue toute seule à l’hôpital car elle avait des contractions, on l’a installée sur la table d’accouchement et tout d’un coup elle a fait un arrêt cardiaque et j’ai perdu en même temps la mère et l’enfant, je n’arrive pas à oublier, ni à avaler cette histoire”, se remémore-t-elle, peinée.
L’amour du métier
Myriam, n’a pas eu que des mauvais souvenirs. Des bons, elle a en aussi, et plusieurs, comme cette fois où elle a aidé à la naissance de jumeaux qui vont bientôt faire le concours d’entrée en 6ème. “Je les ai vu récemment. Ce jour-là j’étais très heureuse car l’un a été céphalique et l’autre était en siège, des présentations qui n’étaient pas normales et elle a pu accoucher normalement”, dit-elle, L’émotion qu’elle a eu la première fois qu’elle a tenu un bébé dans ses mains en tant que sage-femme ? Sourire.
Des souvenirs lui reviennent. “Déjà quand elle était en plein travail, je poussais avec elle, je n’arrivais pas à la laisser pousser toute seule, je voulais vraiment l’aider à pousser, c’était automatique, et au moment où l’enfant est sorti j’ai eu des larmes aux yeux et j’ai poussé un ouf de soulagement. Même les sages-femmes n’arrivaient pas à comprendre pourquoi je pleurais”, se souvient-elle, le sourire aux lèvres. Et de confier “je suis comme ça, quand j’ai une femme en travail, je stresse".
Après 14 ans de travail, sa passion est encore vive et déplore que les jeunes sages-femmes qui arrivent dans son service ne soient pas motivées et n’ont pas la niaque. “Il faut aimer ce métier pour le faire car c’est un travail où il faut se donner et ne rien attendre en retour, des fois tu reçois des remerciements qui vont te marquer à vie, des fois tu reçois des insultes. Et les nouvelles venues n’ont pas cette patience, ni l’amour du métier”, regrette-t-elle.