En 1975, des endémies persistent. On enregistre plus de 75.719 cas de paludisme et plus de 70.000 cas de filariose lymphatiques (marendre, mavumbu), 13.284 cas d’infections gonococciques, 2.312 cas de rougeole, 129 cas de lèpres. De nombreux cas de pian (silifi) sont rapportés ainsi que 330 cas de syphilis. Par ailleurs, 70% des enfants de 1 à 10 ans ont une parasitose intestinale.Sous la colonisation, les Comores ont été frappées par de nombreuses épidémies – variole, rougeole, paludisme, tuberculose – qui ont, souvent, décimé des populations. La dernière expérience, celle du choléra, survient peu avant l’indépendance : le 3 janvier 1975, des pèlerins rentrent de La Mecque, le 7 février, une épidémie qualifiée par l’administration coloniale de «d’épidémie mortelle non identifiée» éclate à Mitsamihuli. Ce n’est qu’après avoir fait plus de quatre cent morts qu’elle est reconnue officiellement comme le choléra, le 10 mars 1975, plus de deux mois après. Elle aurait tué entre 1000 à 1500 personnes, une létalité de 16%.L’espérance de vie est de 45 ans. 146 enfants sur 1000 naissances meurent.
Le pays compte treize médecins comoriens (soit 0,45 médecins pour 10.000 habitants), trois infirmiers d’Etat et huit sages-femmes diplômés (0,38 pour 10.000). Et cent quarante-deux infirmiers et sages-femmes de niveau variable (souvent des auxiliaires formés sur le tas.). En 1977, il ne restait plus que cinq médecins dans les hôpitaux publics, la plupart avaient migré en France ou s’étaient installés dans le privé.Le nombre de lits d’hôpital est de 410 (Ngazidja, Hôpital El-Maarouf : 290. Anjouan, Hôpital Hombo, à Ndzuani : 150). Quatre formations sanitaires (équivalent de Centre de santé) de quarante lits chacune, quatre maternités rurales totalisant vingt-six lits. Deux centres médicaux sociaux et quarante-six postes médicaux.Le matériel médical est plus qu’insuffisant : 4 appareils de radioscopie, 2 appareils de radiographie, 3 blocs chirurgicaux simples, 7 laboratoires d’analyse simples, 2 cabinets dentaires.
50 ans : quel bilan?
Si nous devions, cinquante après, comparer avec ces éparses données de santé de 1975, on constate que la prévalence du paludisme était passée de 9% en 2013, à 1% en 2014, soit un contexte de faible prévalence particulièrement à Mwali et Ndzuani. Le pays est en phase d’élimination de la filariose. Le pian et la poliomyélite ont disparu. En cinquante ans, il a connu deux épidémies de rougeole (1238 cas en 2005, 65 cas en 2019) bien moins foudroyantes que celles d’avant 1975 où des cimetières furent carrément crées dans certains villages pour enterrer les enfants.En 2003, 80% des enfants avaient toujours des parasites intestinaux.
La réactivité face aux urgences sanitaires s’est nettement améliorée. En 1974, sous administration française, l’épidémie de choléra n’a été déclarée qu’après deux mois, avec un taux de létalité de 16 %. En comparaison, celle de 1998 a causé 1 % de décès, et celle de 2024, et avaient été déclarée en moins de vingt-quatre heures, 1,4 %.
La lèpre, avec une des prévalences les plus élevées au monde, est, aujourd’hui, dépistée bien plus rapidement. Il n’y a plus de cas avec mutilations et les rares cas détectés proviennent de Mayotte où les malades sont sous-dépistés.Sous la colonisation, les lépreux étaient traités comme des sous-hommes et isolés dans des îlots déserts. Après l’indépendance, malgré l’engagement des nouvelles équipes de santé, la lèpre reste très présente. Face à cette situation, les soignants ont puisé dans leur humanité pour développer des méthodes de lutte innovantes, uniques au monde, qui leur ont valu le prix Anne Maurer-Cecchini pour l’étude Peapole.
Une espérance de vie de 68,7 ans
En 2022, le nombre de médecins était de 353 ce qui fait une densité de 4,24 médecins pour 10.000 habitants contre 1,72, par exemple, pour Madagascar. A cette même année, le nombre de sages-femmes et infirmiers diplômés a été de 1412 ce qui fait une densité de 16,44 pour 10 000 (contre 2,81 pour Madagascar).
Environ 80 % de la population vivent à moins d’une heure de marche d’une structure de santé. Le réseau sanitaire comprend : 18 centres de santé de district, 6 centres médico-chirurgicaux, 3 centres médico-urbains, 46 postes de santé, 3 services de santé militaires, 3 centres hospitaliers régionaux, 2 centres hospitaliers nationaux (dont l’Hôpital de l’Amitié Comoro-chinoise de Bambao Mtsanga), ainsi que l’Hôpital El Maarouf, en cours de transformation pour devenir le premier Centre Hospitalier Universitaire du pays.Le pays dispose d’une Ecole de Médecine qui forme ses agents et peut compter sur un renouvellement continu des équipes par des formations spécialisant suivant un Plan de Développement des ressources humaines.Une politique des médicaments incarnée depuis plus de 30 ans par la Pharmacie nationale autonome de Comores, la «Pnac», actuellement «Ocopharma».
Des innovations en cours
Le Centre National de Dialyse, véritable pôle d’excellence, étend désormais ses services à Mwali et Ndzuani. Il dispose de la plus grande capacité de dialyse de notre sous-région de l’Océan indien, avec une prise en charge entièrement financée par l’Etat. D’autres services spécialisés renforcent également le système de santé national tels que :le service de neurochirurgie équipé, capable de réaliser des interventions crâniennes majeures et de la colonne vertébrale, apportant une aide précieuse à la population.la chirurgie par voie vaginale, qui permet des interventions complexes sur l’utérus sans ouvrir l’abdomen.la chirurgie urologique mini-invasive, moins douloureuse et à récupération rapide. la Fécondation In Vitro (FIV), accessible désormais aux couples en quête de parentalité. le service d’hépato-gastro-entérologie moderne, pour le diagnostic et le traitement des maladies digestives.n le réseau national de cardiologues comoriens qui assure le dépistage et la prise en charge des enfants atteints de cardiopathies.le service d’imagerie avec des scanners de haute résolution.
DR Anssouffoudine Mohamed
Suite et fin dans la prochaine édition de notre «Bulletin du Cinquantenaire»