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Interview du directeur général de l’Afd : 19,6 millions d’euros engagés dans le secteur de l’eau potable depuis 2010

Interview du directeur général de l’Afd : 19,6 millions d’euros engagés dans le secteur de l’eau potable depuis 2010

Société | -   Nazir Nazi

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Présente dans de nombreux secteurs dans le pays, l’Agence française de développement (Afd) met un accent particulier, bien que récent, sur le secteur de l’eau. Dans une interview que son directeur général, Daniel Lubeth, nous a accordé, l’intéressé revient notamment sur les nombreux projets en cours et les difficultés auxquelles ils font face. Il évoque entre autres les fonds déboursés et les raisons d’opter pour la coopération sur le domaine de l’hydraulique.

 


L’Afd accompagne l’Union des Comores dans son développement dans trois domaines importants, dont l’eau. A la base de quel indice l’archipel est-il éligible parmi les 17 pays prioritaires de l’aide française ?


L’Union des Comores qui fait partie des pays les moins avancés (Pma) et compte tenu de son niveau de développement, du revenu par habitant, a accès à des financements sous forme de subventions dans un très grand nombre de secteurs ce qui n’est pas le cas des pays à revenus intermédiaires(Pri) qui ont moins accès à du financement en dons.    

 


Le partenariat de l’Afd et les Comores remonte à plus de 40 ans, mais son intervention dans le secteur eau est très récente, si je ne me trompe pas c’est depuis 2004 qu’elle a orienté sa stratégie dans ce domaine. Pourquoi elle a mis du temps à concentrer son action,à améliorer l’accès à une eau potable dont le besoin se faisait toujours sentir au sein de la population ?


L’Afd appuie le gouvernement comorien depuis 1974. Dans les années 80-90 elle a soutenu financièrement l’entreprise Eau et Electricité des Comores (Eedc) et puis la société Cee (ancêtre de l’actuelle Ma-Mwé).

Une partie importante du financement était affectée au réseau d’eau potable de la capitale Moroni en plus d’une aide budgétaire pour la direction de l’énergie. Depuis 2004, l’Agencea orienté sa stratégie d’intervention vers la gestion des réseaux d’eau potable principalement en milieu rural au travers de nombreux projets.

En l’occurrence, le Projet d’appui à la gestion de l’eau communautaire (Pagec) qui date de 2004-2009 à hauteur de 1,5 millions d’euros et qui a permis la création de l’Union des comités de l’eau (Ucea et de l’Ucem).

Le Projet de renforcement des services de l’eau “ReSEAU”entre 2009 et 2011 pour un montant de 750.000 euros pour le renforcement des capacités de Ucea et de l’Ucem sur leur rôle. Egalement, le Projet d’approvisionnement en eau potable de la péninsule de Sima à Ndzuani” Aep Sima” de 2010 à 2014 avec 4,2 millions d’euros.
A Mwali, le Projet d’approvisionnement en eau potable de la région de Djandro “Aep Djandro” a commencé en 2011 jusqu’à l’année dernière avec la somme de 4,2 millions d’euros.
Quant au projet pilote de gestion du service public de l’eau en milieu rural sur l’île de Ngazidja (Geceau) de 2012 à 2017 pour 5,5 millions d’euros, il vise la mobilisation des ressources en eau à travers une campagne de forages, à l’adduction d’eau potable inter-villageoises sur deux zones pilotes et à la mise en place d’une gestion durable du service public de l’eau potable.

A Ndzuani, il y a le  Projet d’approvisionnement en eau potable de l’agglomération de Domoni (Aep) qui a débuté en 2013 et qui prendra fin en 2019. Financé par l’Union européenne à hauteur de 5,7 millions d’euros dont 4.2 délégués à l’Afd.

Nous venons de signer une convention pour le projet “Progeau” pour la période2018–2023 avec un coût financier de l’ordre de 6,5 millions d’euros qui vise à renforcer la gouvernance sectorielle de l’eau potable avec comme objectifs spécifiques Ongoni et Mjimandra à Ndzuani et Nyumashiwa et Fomboni à Mwali.

 


Selon des chiffres disponibles, rien qu’entre 2009 et 2016, l’Afd aurait engagé plusieurs millions d’euros dans le développement des infrastructures d’eau aux Comores. Peut-on connaitre les principaux intermédiaires de cette aide ?


Depuis 2004, l’agence a engagé un total de 28 350 000 euros (hors fonds de préparation de projets) pour le secteur de l’eau potable. Le gouvernement de l’Union des Comores, principal bénéficiaire de cette aide, a ensuite délégué ce financement à l’Ucem (Union des comités de l’eau de Mwali) et l’Ucea (Union des comités de l’eau de Ndzuani) pour les projets sur Mwali et Ndzuani.

A Ngazidja, c’est la Dgeme (Direction générale de l’énergie des mines et de l’eau), division technique de la vice-présidence en charge de l’Eau qui est le maitre d’ouvrage du projet Geceau (projet pilote de gestion du service public de l’eau en milieu rural sur l’île de Ngazidja).

 


Plusieurs milliards de francs comoriens investis en 7 ans, mais les pénuries d’eau récurrentes en plus d’une inexistence d’installations dans la plus grande partie du pays rendent leur impact encore moins visible sur le terrain. Comment expliquez-vous cela ?


Depuis l’année 2010, 19,6 millions d’euros (9 642 567 900 de francs comoriens) ont été engagés par l’Afd dans le secteur de l’eau potable (dont 4,2 millions d’euros en délégation de fonds de l’Union européenne) pour la réalisation de différents projets.

Nous sommes dans une phase de concrétisation des investissements et les résultats commencent à être plus visibles pour la population. A cet égard, je vous rappellerai nos interventions, leur niveau de réalisation et les impacts :  

Pour le projet AepSima à Ndzuani, trois ans après la fin du projet, les infrastructures distribuent de l’eau potable aux 20 000 habitants de la péninsule allant du village de Bungweni jusqu’à Bimbini. En 2017 et hors période de sécheresse (tour d’eau durant le mois de novembre), aucune interruption du service n’a été déclarée. Le service a atteint l’équilibre d’exploitation à l’aide d’une tarification adaptée au recouvrement des charges, dont le salaire du personnel.

AepDjandro à Mwali: sept réseaux sont aujourd’hui fonctionnels pour alimenter 13 000 personnes dans 10 localités dont les sept villages de la région de Djandro et trois villages (Hamba, Barakani et Miringoni) de la région de Mwambao. Des problématiques socio-politiques empêchent la fourniture en eau potable des localités de Hagnamwada, Miringoni, Hamavuna et Hamba.

Quant au projet Geceau à Ngazidja les réseaux de Mitsamihuli-Nyumamdro Kiblani, de Shuwani-Bangwa sont aujourd’hui fonctionnels et le service public démarre. Les travaux dans les communes de Mitsamihuli et de Nyumamdro Kiblani sont terminés depuis le 13 décembre 2017.
Le réseau de Misudje-Salimani devrait être prêt pour la seconde quinzaine d’avril. Les trois opérateurs d’exploitation (un par système) sont constitués et bénéficient d’un appui au lancement du service par une maitrise d’œuvre sociale.

A Domoni à Ndzuani, les travaux sont en cours de démarrage. Le processus de recrutement de l’opérateur d’exploitation doit démarrer au mois d’avril. La construction d’un captage sur la source Galani permettra, selon les études préalablement réalisées, de fournir de l’eau en quantité suffisante toute l’année (même en période sèche) sous réserve du bon entretien des infrastructures.

 

 


L’intervention de l’Agence dans certaines localités et régions, notamment à Ngazidja, laisse les communautés bénéficiaires un peu dubitatives. Peut-on savoir pourquoi l’adduction du réseau de Shuwani-Bangwa, presque finie dans la région de Hambu, n’est pas encore opérationnelle ?


La réception provisoire du réseau a eu lieu le 28 mars 2018. Un des préalables à la réception était la finalisation de l’installation des équipements électromécaniques du site de pompage de Bangwa dépendant de la réalisation des travaux d’approfondissement du puits.

Il était prévu d’y installer deux nouvelles pompes mais l’entreprise n’a pas réussi à installer côte à côte deux crépines suffisamment ancrées au fond de l’ouvrage. Un deuxième puits, non prévu, a donc été creusé pour installer la seconde pompe.  

 


D’autres partenaires apportent une aide au secteur eau aux Comores. La part de l’Afd peut être estimée à quelle hauteur actuellement ?


Compte tenu des projets engagés par l’Afd aux Comores aujourd’hui, nous pouvons être considérés comme le premier partenaire des Comores dans le secteur de l’eau. Cependant, en dépit des financements accordés chaque année pour la réalisation d’infrastructures hydrauliques, le taux d’accès des populations à l’eau potable reste très faible et est estimé à près de 15%.

Le défi de l’accès à l’eau reste donc important. Le vrai sujet est qu’il faudrait le concours de plusieurs partenaires pour le relever, or peu de bailleurs interviennent aujourd’hui dans le secteur de l’eau aux Comores.


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