Arrivé à Dakar la veille de l’événement, le président comorien, accompagné du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye et d’autres dirigeants africains, a d’abord déposé une gerbe de fleurs au cimetière de Thiaroye pour la mémoire des tirailleurs sénégalais et d’autres pays africains tombés ou massacrés lors de la séconde Guerre Mondiale Cette cérémonie a été suivie d’une visite au mémorial dédié aux tirailleurs sénégalais, comoriens, malgaches, et autres combattants africains. Lors de cette visite, les hôtes du président sénégalais ont assisté à une conférence donnée par le professeur Mamadou Koné, intitulée «Thiaroye 44 : une mémoire blessée».
La seconde partie de la commémoration s’est déroulée au camp Lieutenant Amadou Lindor Fall, où des hommages ont été rendus aux tirailleurs africains qui ont été mitraillés par les forces coloniales françaises le 1er décembre 1944, alors qu’ils réclamaient le paiement de leurs primes et allocations. Ce massacre a eu lieu au camp militaire de Thiaroye, près de Dakar. Le président Azali Assoumani a rendu un hommage appuyé aux victimes de ce massacre abominable, et réitéré l’engagement de son pays à préserver la mémoire des victimes.
«La participation du président comorien à cet événement témoigne également de l’importance des relations historiques et fraternelles entre les Comores et le Sénégal, deux pays unis par des liens solides d’amitié et de coopération», a indiqué le service de communication de Beit-Salam. Selon ce dernier, ces relations «fondées sur des valeurs communes de solidarité et de justice, se renforcent au fil du temps, pour le bien-être de nos peuples respectifs.»
«Les relations historiques et fraternelles entre les Comores et le Sénégal»
Le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a rappelé que «des héros africains sans défense, armés de courage, de dignité et de fraternité africaine, ont été froidement abattus. Il s’agissait là d’un massacre ». Il a ajouté que, 80 ans après ces crimes de masse, le silence autour de Thiaroye reste assourdissant. «Aujourd’hui, par devoir de mémoire, de vérité et de justice, nous ne pouvons oublier les exécutions sommaires ici au camp de Thiaroye. Il est impératif de rappeler l’histoire, toute l’histoire, sans trous de mémoire. C’est ce qui fonde l’essence universelle des valeurs de paix, de liberté et d’égale dignité attachées à la nature humaine», a-t-il souligné.
Le président sénégalais a insisté sur le fait que cette commémoration ne devait pas être vue comme «une porte ouverte pour susciter le ressentiment ni entretenir la colère et la haine», mais plutôt comme «un devoir de mémoire contre l’oubli» et une «dette morale vis-à-vis des tirailleurs et de leurs familles». Le président en exercice de l’Union africaine et chef d’État mauritanien, Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, a salué, pour sa part, les efforts du Sénégal pour contribuer à restaurer la vérité sur cet événement tragique. «Le massacre de Thiaroye symbolise la violence dont les Africains ont souffert à cause de la traite et des formes manifestes et insidieuses des colonisateurs. Il symbolise aussi, dans le même temps, l’engagement des Africains à lutter pour leur dignité et leur devoir de s’affranchir définitivement de toute forme de domination», a-t-il déclaré.
Jean-Noël Barrot, ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, représentant le président Emmanuel Macron, a également pris la parole. «Rien ne peut justifier que les soldats de la France aient ainsi retourné leurs canons contre leurs frères d’armes », a-t-il déclaré. Le chef de la diplomatie française a réaffirmé l’engagement de la France à restituer les archives afin de faire toute la lumière sur cette «plaie béante de notre histoire commune».
Le massacre de Thiaroye a eu lieu au matin du 1er décembre 1944, lorsque des tirailleurs sénégalais revenus de la Seconde Guerre mondiale, cantonnés au camp de Thiaroye près de Dakar en attendant leur rapatriement, ont été froidement exécutés par l’armée coloniale française alors qu’ils protestaient contre la rétention de leurs primes et allocations. Le bilan officiel, qui faisait état de «35 à 70 morts», est remis en question par les historiens qui estiment que ce chiffre est largement sous-évalué, évoquant des centaines de morts.