Les députés devraient se prononcer sur l’abrogation de la Cour de sûreté de l’Etat à l’occasion d’une séance plénière qui sera organisée dans le cadre de l’examen du projet de loi portant organisation judiciaire. Si cette abrogation était maintenue lors de la plénière qui devrait se tenir incessamment, “ce serait une victoire pour la démocratie”. Le commentaire est de Me Azad Mze qui fait partie des avocats qui avaient quitté la salle d’audience le 14 décembre 2018.
Il y a ainsi presque deux ans jour pour jour, au mitan de décembre 2018, les avocats qui défendaient l’écrivain Said Ahmed Said Tourqui, l’avocat Bahassani Ahmed ou encore feu Fayçal Abdoussalam alors poursuivis pour atteinte à la sûreté de l’Etat avaient quitté la salle d’audience de façon tonitruante. La défense trouvait que ce tribunal d’exception était “une insulte à la démocratie et aux droits de l’Homme”. Deux ans plus tard, il est très probable que la Cour de sûreté de l’Etat soit abrogée. En tout cas, le sujet est à l’étude. En effet, la commission des lois a proposé sa suppression de la carte judiciaire.
“Cette abrogation est meilleure pour la démocratie, la Cour de sûreté de l’Etat est un tribunal d’exception avec une connotation éminemment politique”, a expliqué Azad Mze. Elle est perçue, toujours selon lui, à tort ou à raison, comme un instrument de règlements de comptes politiques. Et surtout, a-t-il ponctué, “elle est compétente pour connaitre les infractions politiques ou qualifiées comme telles, c’est une loi spéciale qui ne correspondait plus aux standards internationaux des droits de l’homme mais aussi de l’évolution de la société comorienne”. Surtout que l’atteinte à la sûreté de l’Etat “était un fourre-tout et que par exemple, on pouvait passer devant celle-ci si les autorités jugent que participer à une manifestation ou tagguer un mur constituaient une atteinte à la sûreté de l’Etat”.
Un autre avocat, Me Abdou Elwahab Msa Bacar lui emboite le pas. “L’élément le plus important dans cette abolition de la Cour de sûreté c’est qu’on sort de l’exception pour être dans la normalité en décidant que les délits ou les crimes vont, quelle que soit la qualification, être jugés non pas par une juridiction d’exception mais par un tribunal de droit commun”, a-t-il déclaré.
Dans la nouvelle réforme, les infractions contre la sûreté de l’Etat seront donc passibles devant le tribunal correctionnel ou la Cour d’assises selon qu’il s’agit d’un délit ou d’un crime. “La personne qui fera l’objet d’une condamnation aura la possibilité de relever appel soit devant la chambre correctionnelle soit devant la chambre criminelle de la cour d’appel”, a fait remarquer Me Abdou Elwahab Msa Bacar.
Pour mémoire, la Cour de sûreté de l’Etat statuait en dernier ressort et ses décisions étaient insusceptibles de recours. “Cette abrogation si elle se confirmait dissipera cette sinistre image véhiculée par la Cour de sûreté de l’Etat qui fut l’incarnation du mercenariat et de la tyrannie”, a soutenu Me Abdou Elwahab Msa Bacar.
La Cour de sûreté de l’Etat a été instituée sous le régime Ahmed Abdallah Abdérémane en 1981.