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Absence de remaniement I Les avis divergent sur la légitimité de l’actuelle équipe

Absence de remaniement I Les avis divergent sur la légitimité de l’actuelle équipe

Société | -   Abdou Moustoifa

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Le maintien des membres du gouvernement un mois après l’investiture du 26 mai est un acte illégal ou juste une violation d’une tradition républicaine ?

 

Quand tombera le prochain gouvernement du président Azali Assoumani ? Depuis le 26 mai cette question est devenue de plus en plus persistante. Dans le passé, le nouveau gouvernement a toujours été dévoilé dans les dix jours suivant la prestation de serment. En 2016, il était déjà connu dès le 1er juin. En 2019, après les élections anticipées, l’opinion avait dû attendre juste deux semaines avant de voir les têtes des 15 personnes désignées pour gouverner. Mais pour ce troisième mandat consécutif, obtenu à l’issue d’une élection contestée par ses opposants, Azali Assoumani n’a pas procédé à un remaniement. Cette situation suscite encore des interrogations sur la légitimité des membres du gouvernement.


Comme toujours, ce débat a donné lieu à des avis partagés, et des interprétations opposées. « Nous sommes dans un régime présidentiel et c’est ainsi que le chef de l’État est également chef du gouvernement. A ce titre, il nomme les membres du gouvernement. C’est un pouvoir discrétionnaire. La seule obligation qui lui incombe est de composer un gouvernement qui assure une répartition équitable entre les îles et entre les hommes et les femmes», avance Me Abdou Elwahab Moussa. Toutefois, cette interprétation ne convainc pas Me Fahmi Said Ibrahim. L’ancien ministre de la Justice pense plutôt le contraire de ce qu’a avancé son confrère. «Pour ma part, je pense qu’il y a lieu de distinguer les nominations politiques et les nominations administratives incluant les directeurs des sociétés d’Etat. Les premières ne sont pas liées à un mandat contrairement aux postes comme les ministres qui ont un lien avec un mandat présidentiel», explique dans un premier temps l’avocat.

Aucune obligation

Consultant du Président de l’Union en matière juridique, Me Abdou Elwahab Moussa affirme toujours que le gouvernement en exercice est aussi légal que légitime et ses missions ne souffrent d’aucune contestation. «L’État est régi par le principe de la continuité. Rien ne lie investiture et formation de gouvernement. Il revient au seul président, chef du gouvernement, de nommer les membres du gouvernement et ceci à sa discrétion», tranche-t-il avant de relever qu’aucun article de la constitution n’enjoint au président de former un gouvernement après sa prestation de serment et sa prise des fonctions. Me Fahmi, lui, estime au contraire qu’un président de la République est élu pour une période donnée, et toute nomination politique ne peut excéder la période de validité du mandat. «Nous sommes dans un régime présidentiel, non bicéphale. La logique voudrait que toute nomination politique prenne fin en même temps que le mandat du chef de l’État», soutient l’homme d’Etat. L’ex-Garde des sceaux soulignera que les ministres qui gouvernent en ce moment avec Azali n’auraient pas été affectés par la fin de l’ancien mandat seulement si le pays fonctionnait avec un régime parlementaire ou semi présidentiel. «Dans ces cas précis, le gouvernement tire sa légitimité des élections législatives. C’est pourquoi, pendant les cohabitations en France par exemple, les présidents ont toujours dissout les assemblées nationales une fois élus pour un autre mandat», a-t-il illustré.

Fin de l’ancien mandat

Pour conclure, Me Fahmi Saïd Ibrahim réitère qu’en ce qui concerne les Comores, l’achèvement du mandat du chef de l’État met fin de facto et de jure au gouvernement précédemment nommé sous un mandat précédent. «Un gouvernement nommé sous l’empire d’un mandat ne peut pas légalement continuer sous l’empire d’un autre mandat. Maintenant, à chacun son interprétation», dit-il.


Au-delà de l’aspect juridique, se pose une question de tradition. En 2006, l’ancien Raïs Sambi avait dévoilé son gouvernement 48h après son investiture, pendant que son successeur, Ikililou Dhoinine a nommé ses ministres six jours après sa prise de fonction. Ancien chef de la diplomatie comorienne, Fahmi Said Ibrahim note tout de même que le remaniement est du ressort du chef de l’État et à lui seul. Mais avant d’en arriver là, Yhoulam Athoumani, président des Nouveaux démocrates, pense qu’il faut d’abord résoudre l’actuelle crise électorale. «Afin de maintenir les intérêts de la nation, il faudrait composer un gouvernement de transition avec comme président Azali bien sûr, composé des membres également de l’opposition», prône-t-il.

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