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Accord-cadre pour la réconciliation de Fomboni I Quand les Comoriens épargnent leur pays de l’implosion

Accord-cadre pour la réconciliation de Fomboni I Quand les Comoriens épargnent leur pays de l’implosion

Société | -

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L’Accord-cadre pour la réconciliation a transformé l’architecture institutionnelle du pays et remodelé la nature de l’Etat dans toutes ses dimensions. Après Addis-Abeba et Antananarivo, les acteurs politiques comoriens s’entendent en 30 points sur des principes sacrés et une nouvelle approche de gouvernance du pays. Vingt-quatre ans après, le document ayant mis en place le Nouvel Ensemble Comorien (Nec) reste toujours gravé dans la mémoire collective. Retour sur cet accord qui a mis fin à l’un des pires épisodes de l’histoire politique et institutionnelle du pays.

 

La journée d’hier lundi 17 février 2025 marque le 24e anniversaire de la signature de l’Accord-cadre pour la réconciliation aux Comores. Les médias parlent de «l’Accord de Fomboni » en référence à ce document inédit signé à Fomboni à Mwali le 17 février 2001 par les acteurs politiques comoriens sous le parrainage de la communauté internationale, l’Union africaine et l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif) en tête.


Avec cet accord, les Comoriens ont évité l’implosion de leur propre pays, scellant par la force des choses et le poids des mots une réconciliation dictée par la seule et unique volonté de vivre dans un pays uni dans les frontières internationalement reconnues. «C’était un grand moment de notre histoire politique », a réagi hier Hamadi Madi Bolero, premier ministre à l’époque et l’un des artisans de premier plan de « l’Accord de Fomboni ».

«Une journée symbole»

Si aucune cérémonie n’a été organisée pour se remémorer de «cette journée symbole», nombreux sont ceux qui se rappellent de la portée historique de cet accord et des retombées politiques obtenues au lendemain de quatre années de tensions extrêmes après la sécession de l’île de Ndzuani le 3 août 1997 et l’interposition de l’armée nationale intervenue deux ans après, en 1999. L’Accord mettra ainsi fin à l’un des pires épisodes de l’histoire politique et institutionnelle du pays.


Nous sommes en août 1997. L’île de Ndzuani fait sécession et déclare son «indépendance» avec le soutien de forces occultes. Le gouvernement du feu président Mohamed Taki Abdoulkarim ne parvint pas à mettre un terme à cette crise et envoie une unité d’intervention armée pour infléchir les sécessionnistes. Mais la mission, dirigée à l’époque par feu lieutenant-colonel Combo Ayouba, se solde par un échec. La mort brusque du président Taki le 6 novembre 1998 alimentera les incertitudes et ouvre un saut à l’inconnu.

Une double crise séparatiste et institutionnelle

Un gouvernement intérimaire dirigé par Tadjidine Ben Saïd Massoundi est mis en place et entame des négociations en vue de mettre un terme au mouvement sécessionniste à Ndzuani. Sans succès. Le pays vit des mouvements de tension surtout après l’échec partiel des pourparlers inter-comoriens d’Antananarivo d’avril 1999. La délégation de Ndzuani ayant refusé de signer le document final bien qu’elle fut en bon termes avec l’esprit des discussions. L’Armée nationale de développement (And), dirigée par le colonel Azali Assoumani, s’interpose et prend le pouvoir «pour sauver le pays du chaos et de l’éclatement», selon une communication faite dans la matinée du vendredi 30 avril 1999.


Le pays fera désormais face à une double crise : séparatiste et institutionnelle. La communauté internationale tournera le dos aux Comores à cause de la rupture de l’ordre constitutionnel. Mais la partie comorienne ne désarmera pas et engagera des actions diplomatiques tous azimuts, pour, d’une part, retrouver la confiance à l’international, et, d’autre part, reprendre langue avec les sécessionnistes dont les têtes pensantes n’étaient autres que le colonel Said Abeid Abderemane, Abdallah Ibrahim et Abdallah Mohamed.


Après l’Accord d’Addis-Abeba et celui d’Antananarivo, une rencontre préliminaire comoro-comorienne aura lieu d’abord à l’Ile de La Réunion avant les premières discussions entamées à Mwali en juillet 1999 et qui aboutissent à «Un communiqué conjoint de Fomboni » signé par le Colonel Azali Assoumani, le Colonel Said Abeid Abderemane et Mohamed Hassanaly. «L’idée était de discuter et de mettre en place un nouveau cadre institutionnel qui respectera l’unité et l’intégrité du pays ainsi que la mise en place d’un comité de suivi. Les discussions se sont multipliées avec en toile de fond la discussion et la validation du Nouvel ensemble comorien convenu», se souvient Hamada Madi Bolero.Ce dernier parle «d’un processus» né à Fomboni qui aboutit à la signature de l’Accord-cadre pour la réconciliation aux Comores.

«La Déclaration de Fomboni»

Les protagonistes politiques comoriens adopteront en effet «La Déclaration de Fomboni» signée d’abord en l’an 2000 et qui reprendra presque tous les termes du « Communiqué conjoint de Fomboni» de juillet 1999 en mettant en place les fondements du futur Nouvel Ensemble Comorien (Nec). La communauté internationale commencera petit à petit à s’impliquer dans les négociations. Et les choses prendront forme à mesure que se consolide le processus de réconciliation nationale entre les Comoriens. Le dernier rendez-vous est pris le 17 février 2001 au Palais de Bonovo de Fomboni. « Il y a eu déjà des discussions et une réflexion pour enrichir le texte avant le jour J », ajoute Hamada Madi Boléro qui a consacré deux essais sur cette double crise. Le document final sera enfin paraphé par l’ensemble des parties prenantes.

Un accord essentiel et historique

L’Accord-cadre ouvrira la voie à l’élaboration d’une nouvelle constitution qui sera adoptée le 23 décembre 2001. Celle-ci instaurera la présidence tournante et accordera une large autonomie aux îles conformément à l’esprit des discussions finales qui ont eu lieu. Des structures seront mises en place, des mécanismes de suivi seront également crées pour traduire l’Accord dans les faits. (Lire encadré page 6).Des acteurs politiques ont joué un rôle clé dans l’adoption et la signature de cet Accord : le Colonel Azali Assoumani et les autres délégués dont feu le Colonel Said Abeid Abderemane, feu Abbas Djoussouf, Mohamed Fazul, entre autres. Et, côté international, Francisco Caetano Madeira de l’Organisation de l’Unité africaine (Oua) et André Salifou de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif).


Vingt-quatre ans après, «l’Accord de Fomboni» est toujours au cœur du débat politique national. Pour certains, celui-ci a permis non seulement de mettre un terme au mouvement sécessionniste à Ndzuani mais il a surtout apporté de la stabilité politique au pays après 30 ans de crises institutionnelles chroniques. Mais les termes de l’ Accord, en dehors de leurs caracteres historiques, peuvent-ils continuer aujourd’hui à influer sur le cours des affaires politico-institutionelles aprés l’adoption de la constitution de 2001 ? Les termes de l’Accord en question, (qui est une declaration politique) ont-ils encore une place après le référendum de mai 2009, les réformes constitutionnelles de 2013 et surtout après l’adoption d’une nouvelle constitution en juillet 2018 ?

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