L’admission des Comores à l’Organisation des Nations-Unies (Onu) fut le troisième combat mené par le Mouvement de libération nationale des Comores (Molinaco) après l’éveil des consciences du peuple comorien autour des idées d’indépendance et l’accession à l’indépendance, le 6 juillet 1975.A la fin des années 1960, la légitimité des actions du Molinaco ne fait aucun débat dans le pays. Le mouvement renforce sa popularité, jouit de la crédibilité nécessaire, consolide son assise et devient même un rempart contre toutes les idées révisionnistes potentielles et, surtout, les postures souvent ambiguës de certains acteurs politiques de l’époque.
Conscient des fragilités du pays, des volte-face de son élite politique et du vide laissé après l’indépendance, le Molinaco étend ses réseaux de soutien, met la pression sur la France et mène en coulisse des discussions avec des structures apparentées en Afrique de l’Est. Les leaders créent des antennes partout dans le monde, multiplient les rencontres à l’international, mobilisent les voix au sein de l’Organisation de l’Unité africaine (Oua, actuellement Union africaine (Ua) et fédèrent de nouvelles forces dans la region, à Madagascar et, surtout, en Tanzanie où les autorités restent plus que jamais mobilisées aux côtés du Molinaco.
Soutien du Groupe africain à l’Onu
Le mouvement a déjà gagné une première bataille en 1970 en obtenant l’inscription des Comores sur la liste des territoires «non autonomes». En Afrique de l’Est, le Molinaco avait le vent en poupe et obtient de l’Oua qu’elle réaffirme «son appui moral et matériel aux mouvements de libération des îles Comores et de la côte de Somalie dite française (Djibouti)» avant de «charger le groupe africain (à l’Onu, ndlr) de faire admettre les îles Comores au nombre des territoires non autonomes», peut-on lire dans un aide-mémoire de l’Oua.
Le Molinaco peut compter désormais sur le soutien du Groupe africain à l’Onu pour accélérer les mécanismes d’admission des Comores à l’Organisation des Nations unies. «Dans une lettre du 30 novembre 1970, le représentant du Congo demandait au Comité de décolonisation, au nom du groupe africain, de réexaminer à sa session de 1971 la question», rappelle Damir Ben Ali dans «Evolution du statut politique et administratif de l’archipel des Comores de 1814 à 1972». Et quelques mois après, le Molinaco voit sa demande porter devant l’Assemblée générale de l’Onu à New-York.
Passer à la vitesse supérieure
«J’ai l’honneur, au nom du Groupe africain, de vous demander de bien vouloir au cours de votre prochaine session, réexaminer la question de l’inscription de l’archipel des Comores sur la liste des territoires non autonomes (....). La demande du groupe africain se fonde sur la décision des instances politiques de l’Oua, décision contenue dans le paragraphe 6 de la résolution CM/Rés. 236 (XV) adoptée par les chefs d’Etat et de gouvernement africains au cours de leur septième conférence tenue à Addis-Abeba du 1er au 4 septembre 1970», soulignera le représentant du Groupe africain à l’Onu. «Les années 1971 et 1972 voient le Comité de décolonisation se saisir véritablement de la question à la suite de diverses recommandations de son groupe de travail et de nouvelles visites du secrétaire général du Molinaco à New York», souligne l’historien, Damir Ben Ali.
Une étape cruciale qui amorcera un long combat juridique devant les instances onusiennes pour préparer le dossier d’admission des Comores à l’Onu. La classe politique reste agitée à cause des ambigüités françaises sur la ligne directrice à tracer après le référendum d’autodétermination de décembre 1974. Le scénario sur le comptage des résultats «île par île» offusque le Molinaco et de nombreux acteurs politiques comoriens. De même, les agissements des responsables du Mouvement populaire mahorais (Mpm), Marcel Henry et Younoussa Bamana en tête, alimentent les fantasmes d’un retournement de la situation avec le risque d’entamer la dynamique engagée de libration du pays, la ferveur populaire sur l’autodétermination et les nombreux soutiens à l’extérieur.
Les incertitudes nées du coup d’Etat d’Ali Soilihi le 3 août 1975 poussent le Molinaco à passer à la vitesse supérieure. Le mouvement constate, très heureusement, que les nouvelles autorités qui forment le Front national uni (Fnu) font cause commune sur le principe du respect de l’intégrité de l’archipel des Comores composé de quatre îles.
La question de l’admission sera ainsi portée devant le Conseil de sécurité de l’Onu le 17 octobre 1975. «Le vote de l’Assemblée générale se fait, donc, le 12 novembre 1975. Il est suivi du discours mémorable du chef de l’Etat comorien, le prince Saïd Mohamed Jaffar*. A la suite de la recommandation du Conseil de sécurité, l’Assemblée générale de l’Onu a, non seulement admis les Comores en son sein, mais a également fixé les frontières de ce nouvel État : Grande-Comore, Anjouan, Mayotte et Mohéli», relate l’historien, Mahamoud Ibrahime, dans un article sur le processus d’admission des Comores à l’Onu.
Prochain article : la reconnaissance officielle du nouvel Etat comorien par les Nations-unies et le discours historique de Sayyid Omar Abdallah Mwinyi Baraka à l’Onu