C’est le dernier scandale en date. N. et I. deux jeunes filles, deux Comoriennes d’une vingtaine d’années, auraient formulé l’envie de se marier religieusement. La rumeur persistante s’agrémente de précisions. Originaires d’une localité voisine de Moroni, elles se seraient mêmes présentées devant un cadi, autorité coutumière pour qu’il les marie. Interrogé le 10 juin dernier, le cadi en question, Ahmada Youssouf, oppose un démenti catégorique.
« Quand même, comment aurait-on osé formuler pareille demande », s’indigne-t-il. « Cette histoire, je l’ai entendue le jour même de leur arrestation (le 04 juin, ndlr). Un gendarme est venu dans ce bureau pour me demander si on m’avait demandé de contracter un mariage entre deux personnes de même sexe », poursuit-il. Pour le religieux, il est impensable qu’une telle chose se produise dans le pays. Mais alors si le cadi n’a jamais été approché ni directement, ni indirectement à cet effet, d’où vient l’information ?
Samedi 8 juin, le procureur de la République de Moroni, Ali Mohamed Djounaid, publie un communiqué. N. et I sont placées en détention provisoire 4 jours après leur arrestation et comparaitront « incessamment » devant le tribunal correctionnel « pour des faits d’actes à caractères sexuels contraires aux bonnes mœurs et contre-nature », réprimés par l’article 300 du code pénal.
Le procureur a décidé d’ouvrir une enquête, en tant que garant de l’ordre public après avoir eu vent que deux personnes du même genre avaient dans l’idée de se marier. « Il n’est pas établi que ces filles se sont présentées chez un prédicateur (…) », lit-on dans sa déclaration à la presse. Il corrobore là les propos du juge cadial. En revanche, « elles entretenaient une relation amoureuse entre elles depuis presque deux ans qu’elles habitent ensemble » selon le même document.Pour Me Maliza Said Soilihi, l’origine de l’affaire qui secoue l’archipel, toujours confuse « résulte d’une délation, d’une dénonciation ».
Le procureur de république, lui, évoque une discussion sur une place publique, qui aurait conduit à l’ouverture d’une enquête. « L’on y commentait le mariage civil de la Comorienne et la Réunionnaise sur l’île comorienne de Mayotte. Un homme lance : vous devriez vous occuper de ces deux filles, habitant à quelques pas de là et qui, elles, envisagent de le faire », argue le parquetier contacté à plusieurs reprises afin de comprendre les ressorts de cette affaire. Il explique par ailleurs que « la relation entre les deux inculpées était notoire ».
Notons que les inculpées n’ont pas encore d’avocats pour leur défense pour livrer leur version des faits. « La commission d'office d'avocat est obligatoire en matière criminelle », explique ce juriste. L’affaire des 2 filles relevant du tribunal correctionnel, elles pourraient donc ne pas avoir d’avocats, selon la loi.
Cependant, la meilleure défense provient du père de N, l’une des protagonistes. Celui-là même qui hébergeait I. Yssoufa Bamou, inquiet se dit « dépassé » par l’affaire, assure « ne pas la comprendre ». « Je ne sais pas d’où vient cette histoire mais je reste persuadé que les deux filles entretiennent une relation fraternelle », fait-il savoir ce lundi, alors qu’il nous reçoit dans sa maison. « I. est venue habiter ici à un moment où elle ne savait pas où loger. Elle est comme notre enfant », poursuit-il.
Les deux jeunes aiment le football et s’entendent très bien. « J’envisage de lire un hitma pour que Dieu maudisse ceux qui sont à l’origine de cette histoire et aussi pour laver notre honneur », déclare sobrement celui qui dit ne pas avoir les moyens de payer un avocat à sa fille. N. et I. risque 2 ans d’emprisonnement et 300 000 KMF d’amende.« Cette question d’homosexualité révélée à Mayotte a plongé l’archipel dans une forme de paranoïa. L’affaire des deux femmes ici n’est qu’un écho de ce qui s’est produit là-bas », analyse Hasbat Saïd-bacar, sociologue.