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Affaire Nazra Saïd Hassani I La Meck-Moroni dans la tourmente

Affaire Nazra Saïd Hassani I La Meck-Moroni dans la tourmente

Société | -   Abdallah Mzembaba

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L’établissement de crédit est au centre de nombreuses questions en lien avec les agissements jugés frauduleux de Nazra Said Hassani. Cette dernière aurait usé de son statut d’administratrice pour obtenir des fonds dont l’usage suspect avait peu inquiété les instances décisionnelles malgré les mises en garde répétées.

 

La directrice de la Meck-Moroni, Laila Saïd Hassane, qui n’a aucun lien de parenté avec Nazra Saïd Hassani, a été mise en congé dans un souci de «transparence». Sous les ordres de la Banque centrale des Comores (Bcc), il a été demandé à la Meck-Moroni «de prendre des mesures conservatoires contre toutes les personnes engagées dans cette affaire afin de faciliter la manifestation de la vérité ».

Le «président du conseil d’administration (Pca) et le directeur général de l’Union des Meck, ainsi que le Pca de la Meck-Moroni, ont demandé la mise en congé de Laila Saïd Hassane, directrice exécutive de la Meck-Moroni, à titre de mesure conservatoire».

Selon nos informations, Nazra Saïd Hassani, élue vice-présidente du conseil d’administration de la Meck-Moroni le 1er juillet 2022 et qui a pris fonction après un avis de non-objection de la Banque centrale des Comores (Bcc), courrier N°743-22/DSBR du 2 juillet 2022 , est décrite au sein de la mutuelle d’épargne comme une «femme intelligente, vive d’esprit, ayant un leadership certain et une force de proposition qui lui permet de prendre un ascendant sur les membres du conseil ». Une description qui pourrait expliquer pourquoi «de nombreuses réunions du conseil d’Administration, fait inédit, se tenaient à son domicile ».

«Investissement ou prêt», c’est selon

Au cours de notre enquête, nous avons également découvert que Nazra Saïd Hassani a reçu dix-huit millions de Laila Saïd Hassane. Mais là, le pourquoi et la finalité de cet argent divergent selon nos sources. Convoquée à la Bcc le 7 avril dernier, Laila Saïd Hassane apprend que Nazra l’a mise sur la liste de ses «investisseurs» et que la patronne de la Meck aurait perçu des intérêts suite à investissement. Une information démentie par son entourage de la Meck-Moroni qui parle, elle, d’un «prêt» accordé à l’ex-vice-présidente du conseil d’administration par la directrice de la Meck. Les deux parties s’accordent sur une chose : le montant, qui est de 18 millions de francs comoriens.

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Notre source est formelle : la directrice exécutive est «tombée dans un piège». «Nazra est venue la voir en décembre dernier pour un prêt de 25 millions afin de dédouaner deux conteneurs de matériel de télécommunications que sa société, Halfat, a importé pour le compte de Comores Télécom et Telma. Elle lui a montré un contrat entre sa société et Huawei, des factures et des connaissements, sachant que Laila est une fervente supportrice de l’entrepreneuriat féminin. Nazra a touché une corde sensible et comme elle avait des documents solides, la directrice lui a prêté l’argent sauf que c’était 18 millions au lieu des 25 demandés. Voilà la vérité», jure notre interlocuteur.


Peu après, Nazra sonde la patronne de la Meck pour savoir si elle veut travailler avec sa société, Halfate, mais «Laila botte en touche» assure notre source laquelle précise que le prêt devait normalement être remboursé le 5 janvier dernier, au plus tard. En plus des 18 millions, Nazra avait aussi promis de «partager la marge commerciale sur la vente des matériels de télécommunications». Finalement, il n’en sera rien puisque «après insistance, elle paiera les 18 millions le 19 janvier, malgré une autre proposition soumise à Laila Saïd Hassane : payer les intérêts et réinvestir le capital dans un fonds de placement. Cerise sur le gâteau, elle dira avoir payé 20 millions alors qu’en réalité c’était juste les 18 qu’elle a empruntés».


C’est à ce moment-là que «Laila comprend que l’histoire des conteneurs a été montée de toutes pièces et que la vérité était ailleurs. Elle nous parle et nous met en garde contre Nazra et sa capacité de nuisance», raconte un autre responsable de la Meck. Après cet épisode, a ajouté ce dernier, la Directrice a refusé d’investir et décidé de «couper les ponts. C’est le début des divergences entre les deux femmes. Quant à Laila, elle aurait poursuivi sa campagne de mise en garde contre la vice-présidente du conseil.

Le Conseil d’Administration soutient Nazra envers et contre tous ?

Au mois de février, les problèmes de paiement de la société Halfate font surface. Tout a commencé par un mail d’information de la Bcc datant du 14 février. Le préjudice de ces émissions de chèque sans provision est évalué à 60 millions de francs comoriens. Saisis par la direction, les différents services de la Meck, demandent la saisie du conseil d’administration (CA) pour sa révocation du Conseil. Dans un courrier en date du 1er mars, auquel nous avons eu accès, la direction informe le président du conseil, Abdulatif Ahmed, de la décision d’interdit bancaire frappant la société Halfate suite à l’émission à répétition de chèques sans provision par sa patronne, Nazra Said Hassani, poursuivi aujourd’hui pour «abus de confiance » présumé. Mais, le conseil estimant ne pas être «convaincu de la nécessité de prendre des mesures, maintiendra sa vice-présidente».

 

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A la Bcc, on nous confirme aussi que «Abdulatif Ahmed est venu nous voir. Il disait être dans l’impasse, car Nazra devait quitter le conseil à cause de son statut d’interdit bancaire, mais ayant le soutien de la majorité du conseil, elle n’est pas inquiétée. On lui a demandé d’aller appliquer les textes qui ne tiennent pas compte des connivences des uns et des autres. Apparemment, ils n’ont pas appliqué les textes», regrette notre source de la banque centrale.

Silence généralisé

Finalement, le 3 avril, soit le jour où l’affaire éclate au grand jour, la direction de la Meck-Moroni reçoit un courriel accusant réception d’une lettre de démission de Nazra. Cette lettre est  datée du 15 février.


Certaines personnes au sein de la Meck et de la Banque centrale qui ont reçu une copie de la démission quand l’affaire a éclaté émettent des doutes sur la date et pensent qu’elle a été antidatée, car Nazra aurait siégé au conseil au mois de mars et aurait même perçu des jetons de présence. Pourquoi antidater la lettre ? Qui a soutenu Nazra dans sa décision ? Al-watwan a tenté à maintes reprises de joindre le Dr Abdulatif Ahmed, mais ce dernier n’a pas donné suite à nos messages textos et WhatsApp ainsi qu’à nos appels.


Nous voulions notamment lui demander pourquoi le conseil siégeait parfois chez Nazra ? A la Meck également, la chargée de communication n’a pas souhaité faire de commentaires car «pas habilitée». Elle nous a conseillé de nous diriger vers d’autres responsables. Approchée, la directrice exécutive, Laila Saïd Hassane, nous a fait savoir qu’elle «n’avait aucune information à donner».

La Meck aurait émis de sérieuses réserves

Nazra Said Hassani a bien obtenu un prêt de la Meck Moroni. La rumeur persistante ces derniers jours a été confirmée par une source autorisée. Elle a ainsi obtenu 70 millions en décembre dernier en hypothéquant la maison familiale. Le chef du service contrôle de la Meck aurait émis de sérieuses réserves mais la quasi-totalité des élus du Conseil d’Administration auraient fait bloc pour que Nazra obtienne gain de cause.

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