Cela fait déjà un an depuis que vous êtes à la tête de la première société comorienne des télécommunications. Quelles sont vos impressions ?
Il faut savoir que la gestion d’une société nationale, notamment Comores Telecom, est une lourde responsabilité. J’admets qu’il s’agit d’une lourde responsabilité que m’a confiée le chef de l’Etat, Azali Assoumani. J’en prends toujours acte et aspire en être digne. Je me sens plus intègre que jamais. Pour moi, servir mon pays, c’est une fierté et un honneur de patriote, surtout lorsqu’il s’agit d’être l’un des acteurs clés du développement du pays. Mes impressions vont dans le sens de la responsabilité, de l’engagement et de l’obligation de résultat. C’est une fierté pour chacun des Comoriens ayant eu la chance d’avoir de telles responsabilités.
Quels sont les premiers chantiers lancés sous votre direction ?
Au sein de Comores Telecom, nous avons initié des objectifs, des plans d’actions, une vision. Mais, tout d’abord, nous avons établi des étapes. Pour la première étape, il s’agit d’une restructuration organisationnelle qui a abouti à la mise en place d’un plan quinquennal. Celui-ci nous a permis de définir une vision nouvelle pour l’entreprise qui n’a jamais existée. Il y avait des plans d’actions, mais en réalité, il n’y avait jamais eu de vision claire.
Nous avons ainsi défini une vision qui consiste à mener le Comorien vers le plus haut niveau d’expérience du numérique. C’est une vision à laquelle nous sommes attachés. Parce que nous savons très bien que le numérique demeure le levier qui permettrait à toutes les économies de se développer. Aucune société ne peut évoluer, ni se développer sans le numérique. Nous avons défini des valeurs au sein de Comores Telecom et chaque employé doit en prendre connaissance et les respecter.
Ensuite… ?
Ensuite, nous avons travaillé avec le personnel pour instaurer un sens de responsabilités et un engagement qui doivent permettre à chacun des salariés de se sentir responsable. Pour cela, nous avons estimé qu’il est temps que chacun sache qu’il a des devoirs et des obligations de résultats. Désormais, au sein de Comores Telecom, chaque employé est évalué selon les résultats. C’est-à-dire, on doit être payé parce qu’on est employé mais aussi parce qu’on a travaillé. En réalité, c’est le travail qui permet d’être payé et non parce que tu es employé. Tout cela est mis en place pour maîtriser et contrôler les agents qui ne veulent pas travailler, pour les inciter à produire et à travailler comme il faut.
Vous voulez dire que chaque département devrait suivre une feuille de route ?
Oui. Chaque direction a sa feuille de route qui définit le plan de ses travaux. Nous avons également mis en place une commission d’évaluation pour contrôler le suivi de ces feuilles de route, le niveau d’exécution des tâches. Cette commission suit les indicateurs d’évaluation définis par l’ensemble du personnel lors de notre première réunion de réflexion.
Toutes les directions ont des rencontres hebdomadaires avec la commission d’évaluation qui, après des échanges, établit les avancées enregistrées, les problèmes identifiés, les causes, et les aspects à améliorer. Je voudrais rappeler que le plan quinquennal mis en place reste évolutif. Ce plan, comme je l’ai toujours bien souligné, s’inspire du Plan Comores émergent. Ainsi, une fois que le gouvernement donnera des directives, nous les introduirons dans notre plan avec des mises à jour déjà programmées.
Comment jugez-vous la qualité du réseau surtout après votre nomination?
La qualité du réseau était moins bonne, il faut l’admettre. Ce n’est pas qu’il n’y avait pas de connexion, mais il y avait quelques encombrements techniques, des coupures. Pour certaines régions, il nous arrivait d’avoir des soucis techniques qui prenaient du temps à être réparés. Donc, je peux dire que la qualité du réseau n’était pas très bonne à mon arrivée. Par exemple, au mois de décembre, après mon entrée en fonction, il y avait des zones qui pouvaient compter deux à trois mois de problème de réseau.
Il ne se passait pas une semaine sans qu’il y ait un site qui rencontrait des problèmes techniques. Mais nous avons mis les bouchées-doubles pour stabiliser la connexion et le réseau, pour faire en sorte que la qualité de service reste bonne et régulière. Notre premier objectif est de faire en sorte que le Comorien bénéficie du réseau partout où il sera quand il voudra utiliser son téléphone. Je suis entrée en fonction au mois de décembre, dans une période où les intempéries se multipliaient, il y avait de fortes pluies.
Nous avons ainsi fait face une période difficile, surtout au mois d’avril qui a suivi où nos infrastructures d’une valeur de plus de 500 millions ont étét détériorées. Ceci étant, nous avons tout fait, nos équipes ont travaillé jours et nuits pour rétablir la situation afin de satisfaire la clientèle, sachant que 12 à 13% de nos sites étaient endommagés. En tout cas, pour le moment, tous les sites qui étaient en difficultés à Ndzuani et Mwali sont totalement réhabilités. A Ngazidja, seul notre site de Bahani est en phase de réaménagement. Il fonctionne, mais les travaux de réparation n’ont toujours pas pris fin.
Et l’autre phase… ?
L’autre phase entrant dans le cadre de l’amélioration de la qualité du réseau est l’optimisation des services. La question que l’on se pose est de savoir si le Comorien bénéficie du bon service.Ainsi, on a mis en place plusieurs travaux notamment les opérations d’optimisation du réseau mobile de janvier à septembre 2024 dont les résultats sont l’augmentation du trafic data (3G et 4G) de +18%, l’augmentation du taux de couverture réseau de 4.5G de +14% et la diminution du taux de congestion des appels de -26%.
L’amélioration de la qualité de service du réseau mobile est confirmée par le dernier rapport de campagne de test de l’Anrtic qui met Comores Telecom devant le concurrent en termes de qualité et de conformité du réseau. Pour la valeur ajoutée, nous avons lancé plusieurs services, notamment le e-Sim, Furaha Net, et l’interconnexion Data avec l’union des Meck et la Bdc ainsi que des clients internationaux. Maintenant, nous travaillons sur l’extension de la fibre dans toute l’étendue du territoire dans le cadre de la politique intitulée «Connexion partout et pour tous aux Comores»
Comment sont vos rapports avec le personnel ?
Les rapports entre le personnel et moi sont bons. Je suis en contact direct avec le personnel. Depuis ma prise de fonction, j’ai organisé trois grandes rencontres avec le personnel et à chaque trimestre, nous nous échangeons au moins une seule fois pour se dire la vérité en face par rapport à la gestion de la société. Cela permet à tout le monde d’exposer les défis de la société, mais également les problèmes personnels.out cela, c’est pour montrer à mes agents que je fais partie du personnel, mais j’ai eu la chance aujourd’hui de gérer, comme quelqu’un d’autre peut être nommé à ma place.
Il y a également les rencontres hebdomadaires avec les directeurs des différents services et départements pour faire le point, apprécier et critiquer les actions déjà menées. Nous prenons les décisions ensemble par rapport aux évaluations effectuées et au plan d’action mis en place. Ainsi, je peux dire que mes relations avec le personnel sont très bonnes, ma porte n’est jamais fermée à mes agents. Je fais des rondes régulières partout dans la société, je discute avec tout le monde. Souvent, on me trouve dans les différents bureaux en train de discuter avec mes agents.
Pouvez-vous nous parler des difficultés que rencontre votre société ?
Il y a plusieurs difficultés auxquelles notre société peut faire face. Il y a les difficultés techniques qui concernent les équipements utilisés qui peuvent être endommagés. Et cela nécessite l’achat d’autres équipements ou la réparation qui demande une expertise locale ou étrangère. Il y a eu aussi les difficultés liées à nos infrastructures, notamment avec les câbles, les groupes (électrogènes, ndlr), et les sabotages.
Cette année, il y a eu plusieurs sabotages de nos infrastructures. Nous avons porté plainte pour certains. Nos câbles sont souvent vandalisés, on se trouve dans l’obligation de souder pour palier avant d’en acheter d’autres. Mais là, nous perdons de la qualité. Je saisis cette occasion pour sensibiliser tout le monde qu’il s’agit de notre société. Il faut donc la protéger. Vandaliser les infrastructures de Comores Telecom, c’est mettre toute la population comorienne en difficulté.
L’autre difficulté que je voudrais mentionner concerne l’énergie. Nous produisons à peu près 5 mégawatts. C’est beaucoup pour une société des télécommunications dont le travail n’est pas de produire de l’énergie. Je trouve qu’on investit trop dans ce secteur. Ici, dans notre centrale de Volovolo, nous utilisons environs 600 watts, mais la Sonelec nous isole souvent, pour satisfaire les autres clients. Nous sommes obligés à ce temps-là d’utiliser nos groupes électrogènes. Presque partout dans nos sites, nous avons investi dans le domaine de l’énergie, 12% de nos sites sont autonomes, alors qu’en réalité nous devrions investir pour améliorer la qualité de nos services et non de l’énergie.
Comment vous vous en sortiez en cas de difficultés techniques liées au câble Easy ?
S’agissant du câble, nous utilisons le câble Easy, cependant, ce sont des compétences de Comores câbles. Nous avons ainsi nos centres de transit. S’il y en a un parmi ceux-là qui rencontre un problème technique, on doit rapidement chercher une solution. Là, nous sommes appelés à recourir à une autre capacité en urgence à Comores câbles, laquelle coûte chère. Mais, pour que les clients ne se sentent pas lésés, pour un service continu, nous cherchons d’autres solutions, en attendant la réhabilitation.
Ces derniers temps, nous avons rencontré ce genre de problème quand le câble Easy avait des soucis en Afrique du sud. Heureusement, avec la fibre optique, les solutions sont toujours trouvées à Comores câbles. Voilà pourquoi maintenant, nous pouvons exposer notre fierté de la qualité de nos services.
En 2024, Comores Telecom a lancé le e-Sim. Selon vous, ce nouveau service a-t-il séduit la clientèle de Comores Télécom ?
Nous lançons des services parce que nos clients le sollicitent, ou bien le besoin s’est fait sentir. Pour le e-Sim, on peut dire que nos objectifs sont atteints dans la mesure où il n’y a pas de requêtes négatives montrant que ce service ne satisfait pas les clients. Notre deuxième satisfaction, les clients étrangers ou qui séjournent dans le pays pour les vacances arrivent à utiliser le service comme il faut. Ils l’apprécient énormément car ça leur facilite la communication. Nous avons ainsi commencé et maintenant nous pensons à la généralisation du service pour permettre à tous les Comoriens de l’utiliser partout où ils se trouveront.
Voulez-vous nous parler des perspectives de la société ?
Pour les perspectives, je vous ai déjà parlé des programmes de restructuration pour l’année 2025. Il y a la feuille de route de l’Etat, mais il y a également nos projets spécifiques en lien avec les innovations de l’entreprise. Nous allons changer plusieurs choses avec de nouveaux services. Comores Telecom prend toujours le devant. Nous avons commencé avec la 2G, puis la 3G, et maintenant nous sommes avec la 4,5G. Nous allons lancer la 5G.
Pourquoi pas ? Voilà pourquoi nous avons travaillé durement pour garantir la stabilité de nos services, pour rendre la qualité meilleure, pour que les services soient permanents, pour qu’il y ait une résilience de tous ceux-là. Alors, ce service minimum est déjà assuré, pourquoi priver notre clientèle de la 5G. ils ont le droit de rêver. Alors, cap sur la 5G en 2025.
Nassila Ben Ali