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Andjibu Ali Saïd : «Nos pensions sont en dessous du niveau de vie»

Andjibu Ali Saïd : «Nos pensions sont en dessous du niveau de vie»

Société | -   Hamidou Ali

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Le Collectif des retraités tiendra son congrès le 29 juillet. A cette occasion, Al-watwan s’est entretenu avec son coordinateur, Andjibou Ali Said qui est revenu sur les difficultés que rencontrent les quelque 6500 retraités comoriens. Il estime que les gouvernements successifs ont volontairement bafoué leurs conditions, oubliant qu’ils doivent tous un jour être affiliés à la caisse des retraites. L’ancien inspecteur des finances appelle le nouveau gouvernement à se démarquer de ses prédécesseurs en revalorisant les conditions des retraités.

 

Combien de personnes sont actuellement enregistrées à la caisse de retraite dans notre pays ? Comment se répartissent-elles en termes de sexe (hommes et femmes), de statuts (civils et militaires) et de profession (fonctionnaires et non-fonctionnaires) ?

Cette question m’est complexe. Toutefois, je dispose d’une estimation approximative de 6 500 retraités. Les caisses de retraite transmettent habituellement des données à la Fonction publique [Fop] concernant les cotisants dans les différents régimes. Les détails exacts sur la répartition hommes-femmes, civils-militaires et fonctionnaires-autres sont connus par les responsables de la caisse et ceux de la Fop.

On entend souvent dire que la pension de retraite aux Comores est modeste. Pourriez-vous nous donner une idée précise de la moyenne des pensions versées ?

Les pensions des retraités sont relativement modestes et varient en fonction des cotisations et des indices des retraités. Certains perçoivent une pension minimale de 13 500 francs, mais actuellement, cette pension minimale peut atteindre 200 000 à 250 000 francs pour les cadres supérieurs récemment retraités. Ceci est justement la source de plusieurs difficultés présentes au niveau des conditions des retraités car les pensions augmentent alors que les ressources stagnent. Nous continuons à plaider pour une révision et une valorisation de la pension minimale afin de l’ajuster au coût de la vie qui augmente quotidiennement.

Quelle que soit la durée du travail ou les indices, la pension minimale devrait être d’environ 60 000 francs. Il est inadmissible qu’un retraité perçoive une pension insuffisante pour acheter des médicaments ou un sac de riz, surtout s’il a des charges. Malheureusement, nos appels à la revalorisation des pensions sont ignorés par les autorités. Ils oublient que ces pensions sont nos droits, issus de nos cotisations pendant de nombreuses années. Nos conditions de vie sont difficiles, et il est inadmissible que nos pensions restent fixes, contrairement à d’autres corps et institutions. En 2023, les fonctionnaires ont bénéficié d’une revalorisation des salaires, mais pas les retraités, bien que les pensions doivent être prioritaires dans les dépenses publiques. Les nôtres sont bien en dessous du niveau de vie comparé aux autres pays. Nos autorités voyagent à travers le monde sans s’inspirer ou imiter les modèles administratifs des autres nations.

Vous avez annoncé la tenue d’un congrès national des retraités comoriens le 29 juillet prochain. Quels sont ses principaux objectifs?

Les objectifs sont multiples. Nous avons une association des retraités fondée en 2013-2014, dont les pionniers sont malheureusement décédés. Le bureau actuel n’assure plus pleinement ses missions car seul un initiateur est encore en vie et actif. Un mouvement collectif provisoire des retraités des Comores a été mis en place en octobre 2022. La mandature provisoire doit prendre fin. Ce congrès vise à élire un nouveau bureau exécutif pour défendre les intérêts des retraités et élaborer un nouveau statut. On informera l’opinion sur la réalité des conditions des retraités et le sens de notre combat.

Vous mentionnez souvent que les textes régissant la caisse de retraite ne semblent pas adaptés à la réalité actuelle. En quoi sont-ils inadaptés ?

Ces textes ne répondent plus à la situation actuelle. La caisse est régie par des textes datant de 1968, bien avant l’indépendance. La première réforme nécessaire est de moderniser ces textes qui ne reflètent plus la réalité et présentent de nombreuses lacunes. Signés par un préfet, ils organisent une caisse de retraite locale et non nationale. À l’époque, peu de femmes travaillaient, et leurs droits d’accès à la caisse n’étaient pas pris en compte. Nous manquons d’un cadre adapté à nos récents besoins socio-administratifs. Une loi ou un décret officiel est nécessaire pour organiser le fonctionnement de la caisse en accord avec nos réalités actuelles.

Il semble que la procédure d’enregistrement à la caisse pour les nouveaux retraités soit particulièrement difficile. Pouvez-vous décrire comment elle se déroule et quels sont les principaux obstacles ?

L’affiliation à la caisse n’est pas particulièrement difficile. Dès que l’âge de la retraite est atteint, on est automatiquement admis à la retraite. Les difficultés viennent principalement des questions liées aux cotisations des actifs, qui relèvent de l’employeur ou de l’administration, et non de l’agent. Parfois, il est difficile pour la Fonction publique de retrouver certains dossiers de justification datant de plus de 20 ans. C’est là que résident les quelques difficultés rencontrées par certains nouveaux retraités. Toutefois, l’accès à la retraite est une priorité suivie de près par le gouvernement pour plusieurs raisons.

Le problème des arriérés de salaires des fonctionnaires affecte le versement des pensions des retraités. Est-ce un problème qui persiste encore ? Si oui, pourquoi et quelle solution préconisez-vous ?

En 2022, nous avons réussi à résoudre la question des arriérés de salaires des retraités. En 2023, nous avons reçu nos pensions sans difficultés, mais cette année, nous risquons de revenir à la situation des arriérés. Les administrateurs de la caisse avancent des justifications, mais nous ne sommes pas leurs avocats. Nous réclamons objectivement nos droits. Nous avons proposé plusieurs solutions pour sortir de cette situation, dont le retrait d’argent des comptes des retraités au trésor, issus des cotisations non versées. Cet argent, qui s’élevait à 5 milliards de francs, a permis de payer les pensions. Cependant, les 720 millions de francs pris chaque mois ne suffisent plus à payer les 6 500 retraités dont le nombre et les pensions augmentent chaque jour.

Votre dernier mot… ?

Nous appelons le nouveau gouvernement, composé majoritairement de jeunes, à se différencier de leurs prédécesseurs qui ont ignoré la situation des retraités. Les jeunes ministres doivent comprendre que la question des retraités est apolitique et qu’elle concerne tout le monde, car chacun est destiné à devenir retraité un jour.

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