Le conflit en Ukraine a-t-il une influence sur les relations russo-comoriennes?
Notre entretien se déroule dans un contexte international difficile. La Russie s’oppose aujourd’hui à l’Occident en défendant sa sécurité et ses intérêts vitaux. Nous avons été forcés de mener une opération militaire spéciale en Ukraine après que les Occidentaux aient fait en sorte que se développe un sentiment «anti-Russie» dans ce pays au cours des huit années précédentes, ce qui a posé de réelles menaces pour la sécurité de notre pays et de ses citoyens.
Des milliards de dollars ont été dépensés pour fournir des armes à Kiev, des armes biologiques ont été développées sur le territoire ukrainien et les autorités ukrainiennes ont déclaré leur volonté de posséder des armes nucléaires. Parallèlement, les citoyens russes vivant dans le Donbass ont été confrontés à un véritable génocide.
Toutes nos tentatives pour trouver une solution négociée à nos préoccupations ont été rejetées par l’Otan («Organisation du Traité de l’Atlantique Nord», ndlr). Nous voulons protéger et libérer les habitants du Donbass, et assurer la sécurité de la Russie mais nous n’avons nullement pas pour objectif d’occuper l’Ukraine ou de renverser son régime.
La Russie a toujours défendu et continuera à défendre la Charte des Nations Unies et le droit international. Je tiens à souligner qu’à côté des principes de souveraineté et d’intégrité territoriale, la Charte des Nations unies prévoit également le droit des peuples à l’autodétermination. Les régions de DPR, LPR, Kherson et Zaporojié ont exercé ce droit. Leur décision d’organiser des référendums en septembre a.c. et de faire partie de la Russie est légale et justifiée. La Déclaration de 1970 sur les principes du droit international garantit l’intégrité territoriale, mais uniquement aux États où «les gouvernements représentent toutes les personnes vivant sur un territoire donné». Il est tout à fait évident que les autorités de Kiev n’ont pas rempli et ne remplissent pas du tout ce critère, en recourant à des méthodes terroristes et à la force contre leur population civile et leurs infrastructures.
Globalement, aujourd’hui la question n’est pas celle de l’Ukraine, mais celle de la nécessité de résister aux tentatives des pays occidentaux de consolider un monde unipolaire dans lequel il y a des dominants et des dominés, et d’établir leur hégémonie dans les affaires internationales.
La Russie fait tout son possible pour que l’Occident ne porte pas atteinte à l’autorité du droit international et que les pays en développement, y compris africains, puissent exercer librement leur souveraineté et choisir des partenaires politiques et économiques en fonction de leurs propres intérêts nationaux. On sait que l’Union des Comores subit actuellement une forte pression de la part des pays occidentaux qui tentent, par tous les moyens, d’imposer leur point de vue, y compris en entravant le développement des relations russo-comoriennes.
Cependant, nos pays sont liés par une amitié ancienne qui a fait ses preuves. Je suis sûr que, dans le cadre de leur choix souverain, les Comoriens n’abandonneront pas leur ligne de renforcement des relations avec la Russie. J’espère que ma visite imminente aux Comores permettra de discuter avec les dirigeants du pays des moyens de développer la coopération bilatérale et de mettre en place des mesures pratiques dans ce domaine.
La Russie est l’un des partenaires des Comores depuis les années 1980. Elle a contribué à la formation de nombreux cadres. Ces dix dernières années, on assiste, cependant, à une tendance à la baisse en termes de formation. Comment expliquez-vous cet inversement de la courbe?
Nos relations diplomatiques ont 46 ans, mais historiquement les liens russo-comoriens sont encore plus anciens. La Russie s’est toujours tenue aux côtés du peuple comorien pour renforcer sa souveraineté et son indépendance, elle l’a aidé à développer son économie nationale et a fourni une aide humanitaire.
Un des principaux axes de notre assistance a toujours été la formation des cadres comoriens. Au cours des dernières décennies, plus de mille Comoriens ont été formés dans les universités de notre pays. Annuellement jusqu’ici, nous avons offert onze bourses d’études aux Comores, et à partir de l’année prochaine, ce sera vingt bourses. Il y a aussi beaucoup de Comoriens qui suivent leurs études en Russie dans des instituts payant. Aujourd’hui, des diplômés des universités russes et soviétiques occupent d’importants postes gouvernementaux. Il n’est donc pas exact de parler d’affaiblissement de l’aide russe. Au contraire, il existe une nette tendance au développement de la coopération entre la Russie et les Comores dans le domaine de la formation des cadres nationaux.
La Russie s’est beaucoup impliquée surtout dans le secteur agricole. Mais il apparait qu’à partir des années 2000, cela à, tendance à ralentir. Que compte faire la Russie pour revitaliser la coopération agricole en particulier et la coopération économique de manière générale?
Comme j’ai déjà répondu aux questions précédentes, la Russie a toujours essayé d’aider la partie comorienne à renforcer son potentiel économique national.Bien sûr, les événements difficiles liés à l’effondrement de l’URSS, ainsi que les processus politiques internes complexes dans votre pays, ont pu affecter la dynamique des relations bilatérales. Néanmoins, nous voyons un réel potentiel pour notre coopération dans les domaines de l’exploration et de l’exploitation minière, de l’énergie, de l’agriculture et de la pêche. Toutes ces questions sont maintenant à l’ordre du jour dans les contacts entre la Russie et les Comores.
Il y a une génération de médecins comoriens formés en Russie. Y a-t- il un programme spécifique pour renouveler l’engagement de la Russie dans la formation de nouveaux?
Nous avons aidé et continuerons d’aider les Comores dans la formation du personnel médical.Les Comoriens peuvent étudier pour devenir médecins en Russie dans le cadre du programme de bourses dont j’ai déjà parlé ci-dessus. Nous sommes également prêts à examiner toutes les demandes des autorités comoriennes sur les autres formes de coopération dans ce domaine.
Quels sont les domaines pour lesquels la Russie souhaite développer sa coopération avec les Comores?
Nous sommes prêts à envisager toutes les options de coopération, en tenant compte des intérêts nationaux des Comores. Il me semble que dans un avenir proche nous pourrions établir une coopération mutuellement avantageuse dans le domaine de la pêche et de l’agriculture.Nous avons de bonnes opportunités d’accroître les échanges, notamment grâce à l’expansion des approvisionnements russes en céréales, en engrais, en équipement, etc. Nous serions intéressés par des propositions de travail conjoint sur le développement des infrastructures dans votre pays.
Le conflit en Ukraine a bouleversé l’économie mondiale et impacte des pays comme les Comores. Comment votre pays compte-t-il faire pour amortir le choc que subissent des pays en développement et les Comores en particulier?
Les problèmes économiques internationaux d’aujourd’hui sont largement liés aux actions mal conçues et illégales des pays occidentaux.
De nombreuses restrictions et de sanctions imposées par l’Occident à la Russie ont gravement compromis la sécurité alimentaire et énergétique de nombreux pays. Avec leur désir de nuire à la Russie, ils créent des problèmes pour toute la communauté internationale.Il en résulte une augmentation des prix mondiaux de produits alimentaires, des engrais, du pétrole et du gaz. Les accords d’Istanbul du 22 juillet 2022, soi-disant «Accord sur les céréales», ne fonctionnent pas tout à fait comme prévu. Les navires transportant des céréales ukrainiennes vont principalement en Europe, et non dans les pays les plus pauvres, et les obstacles financiers et logistiques créés par les États unis et l’Union européenne à l’exportation de céréales et d’engrais russes n’ont pas été complètement supprimés.
En août de 2022 la Commission européenne a déclaré que l’approvisionnement en engrais potassiques russes via les ports européens n’est autorisé qu’aux pays de l’Ue. En même temps, les exportations en transit vers les marchés d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine sont interdites. Qu’est-ce que c’est sinon une discrimination directe contre les pays en développement?
La Russie rappelle depuis plusieurs mois que trois cent mille tonnes de nos engrais sont retenues dans les ports européens et propose de les transférer gratuitement vers les pays africains dans le besoin, mais l’Union européenne ne répond pas.Pour notre part, nous sommes prêts à augmenter, par tous les moyens, l’offre de produits pétroliers, d’engrais et de céréales aux pays en développement, y compris aux Comores, et à examiner toute demande du gouvernement comorien sur ces questions.
La Russie envisage un forum avec l’Afrique en 2023. Quels devraient être les grands axes de la coopération Russie-Afrique?
Nous poursuivons les préparatifs actifs du deuxième sommet «Russie-Afrique» qui se tiendra en juillet 2023 à Saint-Pétersbourg.
Nous prévoyons d’inscrire à l’ordre du jour une discussion sur les questions liées à la construction d’une nouvelle architecture de l’ordre mondial dans le cadre du renforcement de la multipolarité, y compris dans le domaine de la sécurité internationale.
Les thèmes de la sécurité alimentaire et énergétique, de la santé, de la coopération humanitaire et d’un certain nombre d’autres questions d’intérêt mutuel pour la Russie et les pays africains seront abordées.Nous espérons que S.E.M. Azali Assoumani, Président de l’Union des Comores, profitera de l’invitation qui lui a été faite par S.E.M. Vladimir Poutine, Président de la Fédération de Russie, et participera au prochain sommet, qui deviendra un stimulant supplémentaire pour le développement des relations russo-comoriennes.
Des menaces multiples planent sur la zone Océan indien. Que peut faire la Russie dans la zone pour aider les pays limitrophes à faire face aux multiples menaces sécuritaires?
La Russie, en tant que partenaire de dialogue de l’Association des États riverains de l’Océan indien (IORA), déploie des efforts importants pour renforcer les liens et la coopération entre tous les pays de la région. Dans le cadre de la coopération bilatérale et multilatérale, nous participons systématiquement à la résolution des problèmes liés au renforcement de la sécurité maritime, à la lutte contre la piraterie et au trafic de drogue, au développement de mécanismes d’intervention d’urgence, etc.
Nous voyons ici de bonnes opportunités pour renforcer la coopération russo-comorienne.
La Russie fait toujours allusion à l’île comorienne de Mayotte dans les grands forums et sommets internationaux en demandant le retour de cette île dans son ensemble naturel. Que peut faire la Russie aujourd’hui pour aider l’Union des Comores à recouvrer son intégrité territoriale totale ?
La Russie a toujours soutenu l’Union des Comores dans sa volonté légitime de restituer l’île de Mayotte sous sa souveraineté. La Russie a toujours insisté sur la mise en œuvre pratique des résolutions respectives de l’Assemblée générale des Nations Unies de 1976 et de 1979. Nous considérons cela comme la condition la plus importante pour l’achèvement du processus de décolonisation globale. Nous sommes prêts à l’interaction la plus étroite avec Moroni pour un règlement politique rapide de la situation autour de Mayotte, comme le prévoit les résolutions de l’Assemble générale des Nations unies.
Comment voyez-vous la coopération Russie-Comores dans les dix prochaines années?
Je suis sûr que la coopération russo-comorienne poursuivra son développement progressif. Nos relations sont construites sur la base d’un dialogue d’égal à égal et mutuellement respectueux, de non-ingérence dans les affaires intérieures de l’autre. Les liens d’amitié et de coopération mutuellement avantageux qui nous unissent constituent un bon potentiel pour le développement de nos liens divers et d’une coopération étroite sur la scène internationale. Nous sommes convaincus que les relations russo-comoriennes ont un avenir prometteur.