Suspension de la séance à la demande du substitut du procureur vers 15h30. Une frêle jeune fille se lève, la démarche lourde. Elle flotte dans sa longue robe noire. Les yeux humides, rougis par un trop plein de larmes. Le regard, néanmoins vide. Elle ne reviendra plus dans la salle d’audience. On ne la reverra que quand tout sera fini, son frère l’enserrant dans ses bras, au bas des marches de l’honorable palais de justice de Moroni.
Les audiences portant spécialement sur les agressions sexuelles se sont poursuivies ce 11 août au tribunal correctionnel de Moroni. Hier après-midi, il n’y avait pas grand-monde au Palais de justice. Pour sûr, il y avait plus de gendarmes que de citoyens venus assister aux débats. L’affaire portait sur une plainte déposée par un père de famille. Il accuse des hommes d’avoir abusé sexuellement de sa fille de 16 ans à l’époque des faits. 16 ans mais elle en parait 4 de moins facilement. D’ailleurs, elle vient juste de passer le concours d’entrée en 6eme. A la barre, il devait y avoir trois prévenus. Le 3eme ne s’est pas présenté. Il a reconnu les faits tout au long de la procédure mais avait néanmoins bénéficié d’une liberté provisoire. Le prévenu (au moins) en a profité pour prendre la clé des champs.
La victime en état de choc
L’un des auteurs présumés, un jeune âgé d’une vingtaine d’années reconnait les faits. « Oui, nous avons entretenu une relation amoureuse et ‘ »consentie’’ avec N., elle est venue à plusieurs reprises chez moi, souvent en soirée ou alors dans la journée quand elle n’avait pas école ». La présidente du tribunal lui demande alors s’il connaissait l’âge de N., s’il avait déjà entendu parler de détournements de mineurs ou d’agressions sexuelles sur mineurs. L’intéressé répond par la négative. Et la présidente de redemander : « pourtant devant le juge d’instruction, vous avez reconnu que ce que cette relation était illégale mais que vos envies étaient incontrôlables ».
Un autre prévenu est appelé à la barre. C’est le mari de la tante de N mais il s’en occupe comme d’un père. L’histoire est complexe. A la gendarmerie, lors de l’enquête préliminaire N. affirme que le mari de sa tante a été le premier à avoir abusé d’elle. La première fois à 14h00, la deuxième fois à 19h00 mais un autre jour, selon une déclaration lue au tribunal. L’oncle dément énergiquement. « Je ne l’ai jamais touchée, je prends Dieu et la justice à témoin ». Le tribunal a besoin que N. vienne livrer sa version des faits, ne serait-ce que pour dissiper les nuages concernant ce prévenu. Mais N. en état de choc ne viendra pas.
Un gendarme suspect
Et puis, coup de théâtre au tribunal. Le substitut du procureur affirme alors devant la Cour que la version initiale de N., laquelle faisait état d’abus sexuels par son oncle a été revue devant le juge d’instruction : « J’ai été contrainte par un gendarme de dire que le mari de ma tante m’a déflorée et qu’il a par la suite continué à abuser de moi », selon le procès-verbal lu par le procureur à l’audience. Dans son réquisitoire, le procureur a demandé la relaxe pour le mari de la tante : « les doutes bénéficient à l’accusé », a-t-on indiqué. Pour les deux autres prévenus, il a demandé 5 ans de prison fermes et a fait savoir que le troisième prévenu qui ne s’est pas présenté à l’audience allait être recherché pour qu’il purge sa peine. Le délibéré est attendu le 24 août prochain.
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