Le 14 décembre dernier 2024, l’archipel des Comores a été secoué par le cyclone Chido, l’île de Mayotte en particulier, qui a été gravement touchée, avec des pertes humaines et des dégâts matériels très importants. Quelles sont alors les dispositions prises pour venir en aide à nos frères de Mayotte, et dans quel cadre cela a été entrepris ?
Je saisis cette occasion pour adresser mes vœux de réussite, de bonheur et de prospérité à la population comorienne pour ce nouvel an 2025. J’espère que cette année nous apportera beaucoup plus de bonheur, de paix et de stabilité dans l’ensemble du pays. Je prie également Allah de nous épargner des calamités, notamment les aléas et catastrophes tels que les cyclones et autres.
Concernant les dommages causés par le cyclone Chido dans le pays, plus particulièrement à Mayotte, je présente encore une fois, au nom du gouvernement, mes condoléances aux familles et proches des personnes décédées. Ce qui s’est produit à Mayotte nous a tous touchés, car c’est une partie de notre pays, nous avons tous de la famille là-bas. Puisse Allah accueillir nos morts dans son éternel paradis. Nous prions également pour un rétablissement rapide des blessés. Nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider les sinistrés pour qu’ils retrouvent une vie normale.
Ce que nous avons fait : nous avons décrété un deuil national d’une semaine et nous avons organisé, partout dans toutes les grandes mosquées du pays, les prières mortuaires. Nous avons dépêché une mission spéciale sur place pour s’enquérir de la situation, faire un état des lieux et voir comment organiser et coordonner notre soutien à nos frères et sœurs de Mayotte. La mission a eu des échanges avec des responsables locaux, notamment des maires de Mayotte. Cela nous a permis d’être en contact direct avec eux. Nous avons également mis en place une cellule spéciale pour coordonner les efforts de gestion de la crise. Nous avons aidé et nous allons continuer à le faire, dans le cadre fraternel.
Et quelles sont les dispositions prises par votre gouvernement pour faire face à ces aléas ?
Les cyclones se multiplient dans notre zone de l’Océan indien. Cela est dû aux effets des changements climatiques. Cependant, avec les nouveaux dispositifs d’alerte et de prévention, nous sommes aujourd’hui en mesure de détecter les mouvements d’un cyclone, suivre sa trajectoire et déterminer avec précision son pic. Cela nous permet de nous préparer pour mieux nous protéger. Ce fut le cas récemment lorsque le gouvernement et la direction générale de sécurité civile ont mis en place une cellule de gestion, je m’y suis rendu régulièrement pour étudier et voir ensemble avrc eux ce qu’on pouvait faire pour protéger la population de cette catastrophe.
Ainsi, notre service de météorologie doit être à jour tout le temps, et être en mesure de nous informer en temps réel sur l’évolution de la situation dans la région. Deuxièmement, nous devons veiller sur notre climat car nous savons très bien qu’avec les progrès et le développement partout dans le monde, l’environnement est pollué et nous en subissons les conséquences. Nous devons agir de notre côté et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour nous protéger. Nous devons limiter l’usage des énergies thermiques et mieux gérer les déchets de toute nature.
C’est la raison pour laquelle d’ailleurs nous privilégions et encourageons le developpement des énergies renouvelables. S’agissant de la gestion des déchets, nous travaillons là-dessus. Lors du sommet Afrique-Corée du Sud, j’ai discuté avec le président sud-coréen. Et il a donné son accord pour nous aider dans la gestion des déchets. Alors, je recommande à tous les Comoriens d’accompagner cette politique de gestion de déchets une fois engagée dans le pays.
Ces derniers temps, les actes de violences et agressions de toute sorte prennent de plus en plus d’ampleur. Vous-même, Monsieur le président, vous étiez victimes en septembre dernier d’une agression à l’arme blanche. Comment expliquez-vous cette montée de la violence dans notre pays et comment y mettre fin ?
C’est une question très importante car cela concerne directement nos vies. Nous vivons en société et nous sommes obligés de tout faire pour mieux vivre ensemble, dans la paix et la sécurité. Chacun a besoin de l’autre. Même en politique, vous entendez souvent des partis de Gauche et de Droite. Ce n’est pas pour se détruire ou se faire la guerre, mais pour mieux réfléchir pour le développement et le bien-être de la population. Droite et Gauche doivent toujours se retrouver pour le bien de leurs partis et celui du pays. Nous avons un pays où la paix et la stabilité demeurent des valeurs essentielles ancrées dans nos traditions propres.
Les Comores font partie des rares pays où l’on peut circuler sans crainte aucune. Cependant, ce qui s’est produit récemment est une grande leçon pour nous, car celui qui m’a agressé est un militaire; il m’a attaqué avec une arme blanche, mais il aurait pu le faire avec une arme à feu. La leçon à tirer est que personne n’est à l’abri. Le président a été agressé lors d’une visite dans une propriété privée. Cela signifie que d’autres personnes sont potentiellement exposées à ce genre d’agression. Nous devons alors prendre les mesures nécessaires. Sinon, comment allons-nous vivre dans nos cérémonies coutumières, qui rassemblent des foules importantes ?
Parmi les mesures à prendre, il y a le renforcement de l’éducation civique pour mieux prévenir la violence. Car, l’éducation fait partie des leviers fondamentaux qui concourent à la préservation de la paix dans ce pays. Il y a un travail à faire pour promouvoir un vivre ensemble et garantir la paix et la stabilité. Dans nos traditions, on dit souvent qu’il faut tout un village pour éduquer un enfant. Cela veut dire que l’éducation de nos enfants ne doit pas dépendre seulement de sa seule famille mais de toute la communauté. "Mwana tsi wamdzima" (l’enfant appartient à tout le monde, ndlr).
Il fut longtemps, on se respectait l’un envers l’autre, on s’entraidait volontiers et avec grande fierté. Ces codes sociaux et ces normes traditionnelles sont en train de disparaître et la voie est ouverte à tous les excès, y compris l’avènement de nouvelles formes de violences. Nous allons organiser des assises sur l’éducation cette année, j’aimerais bien que les notions et les valeurs de paix, de solidarité et de respect mutuels soient largement et minutieusement examinées au cours de ces assises. L’éducation doit être un pilier essentiel de cohésion sociale et chacun doit jouer son rôle pour cultiver la paix et rétablir nos codes sociaux en déliquescence.
Concernant, les étrangers, nous devons aussi renforcer la sécurité et la surveillance des frontières. Il est vrai que nous sommes connus pour notre hospitalité légendaire, notre bonne façon d’accueillir les étrangers, c’est une bonne chose, mais nous devons contrôler les allées et venues, les raisons et la durée de sejours des étrangers dans notre pays, afin d’assurer la paix et consolider la stabilité légendaire qui a toujours caractérisé notre société. Car c’est ce qui va aussi pousser d’autres personnes à venir rendre visite au pays et découvrir ses merveilles.
La population reproche au système judiciaire comorien d’être biaisé et estime que la lutte contre la corruption que vous avez toujours prônée, n’est toujours pas une réalité. Comment comptez-vous, avec votre nouveau gouvernement, lutter efficacement contre la corruption et garantir une justice juste et équitable ?
Je le dis souvent que nos juges ne sont pas des étrangers, ce sont des Comoriens qui ont suivi des formations et reçu de l’éducation. Alors pour garantir durablement la paix, le système judiciare doit lui aussi prendre ses responsabilités. La justice doit jouer un grand rôle dans la préservation et la promotion de la paix et de la stabilité du pays. Son rôle est bien sûr de juger, condamner et punir pour que les infractions ne se reproduisent plus. Mais, comme nous sommes dans un petit pays où on se connait tous, on fait face à de multiples difficultés.
Nous partageons ainsi les responsabilités. Moi-même, je suis responsable. Alors, nous devons lutter au quotidien pour une justice juste et équitable. Nous avons organisé plusieurs formations de jeunes dans le domaine pour leur permettre d’avoir les connaissances requises et faire leur travail comme il faut. Ils ont effectué des stages dans ce sens. Nous pensons également les envoyer ailleurs pour des formations ou des stages pour parfaire leurs compétences et étoffer leurs connaissances en la matière et au bénéfice du pays.
Et la corruption … ?
S’agissant de la corruption, des mesures ont été prises. Mais il faut faire la nuance entre corruption et détournement car plusieurs personnes font la confusion. Toutefois, je conviens avec vous que la corruption est un fléau qui nuit au développement du pays. Par exemple, si l’on demande à un étranger, à sa descente d’avion, de donner des pourboires ou de faire autre chose de répréhensible, il ne remettra jamais son pied ici. Alors, pour lutter contre ce fléau, nous avons, à la place de la commission de l’époque, crée une section spéciale intégrée à la Cour suprême pour s’en charger.
Une loi spéciale a été adoptée. Les membres de cette section ont prêté serment. Alors, j’espère qu’ils feront leur travail comme on le souhaiterait. Le gouvernement veillera, pour sa part, à ce que les travaux se fassent comme il faut. En tout, je le rappelle bien, personne n’est au-dessus de la loi. Même les juges répondront à la justice s’ils commettent des impairs.
Nous sommes en plein campagne pour les élections législatives et communales de 2025. Quelles sont dispositions prises pour que ces élections soient inclusives, libres et transparentes ?
Nous avons fait le choix d’un régime démocratique dans ce pays. Nous devons donc élire démocratiquement nos autorités. Alors, ces élections doivent impérativement bien se dérouler, de façon inclusive, libre et transparente. Chaque élu doit savoir qu’il incarne la représentation de sa région et porte la responsabilité de ceux qui l’ont élu. Il a ainsi une obligation de résultats. Alors, effectivement, les élections doivent se passer dans la paix et la stabilité. Celui qui remportera l’élection dans les urnes sera le gagnant. Et ça, je vous le rassure.
Par contre, je rappelle que le candidat élu représente toute sa région, même s’il n’a dépassé son concurrent que de très peu. Voilà pourquoi, nous avons le devoir de veiller à ce que ces élections se déroulent dans un climat stable et pacifique. Bien sûr les perdants seront frustrés, mais si les élections se déroulent bien, ils comprendront leurs défaites et se prépareront bien pour les échéances à venir.
Alors, pour l’organisation, les structures (Ceni, Ceii...) ont été mises en place, elles sont prêtes. La communauté internationale a accepté de travailler avec le pays. Il y aura des observateurs internationaux, c’est confirmé. Nous avons discuté avec l’opposition, même s’il y a eu des divergences, ce qui est tout à fait normal. Je recommande à tout le monde de laisser les candidats faire leurs campagnes partout où ils jugeront nécessaire.
Chacun doit être libre de se prononcer et de partager ses ambitions avec les électeurs. Le jour du scrutin, tout le monde doit être libre d’aller voter qui il veut. Nous devons éviter les pièges qui nous poussent à entrer dans de conflits. Nous devons tirer les leçons des élections passées, examiner les faits, enregistrer ce qui s’est bien passé et améliorer les manquements.
Alhamdulillah, depuis vingt ans, on ne parle pas de coups d’Etat, mais de présidents élus. Malheureusement et contrairement à nos habitudes, en 2024, il y a eu des heurts et des violences post-électorales. Alors, nous avons pris des dispositions pour que cela ne se répète plus jamais. Je tiens ainsi à adresser mes louanges à Allah et à remercier la population pour l’atmosphère paisible qui règne jusqu’ici pendant cette campagne électorale. J’appelle également les candidats, les différentes organisations politiques et civiles, ainsi que la population à accepter les résultats qui seront proclamés et issus des urnes.
Les Comores se préparent à organiser les Jeux des Iles de l’Océan Indien en 2027. Pensez-vous que nous serons au rendez-vous ?
Je l’espère bien. J’espère que nous serons en mesure de relever ce défi. Cela sera une très grande fierté et un honneur pour les Comores, car ce sera la première fois que notre pays organisera ces jeux. Je me rappelle que nous avons demandé d’abriter ces jeux à deux reprises sans succès. Alors, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour ne pas décevoir ceux qui nous les ont confiés. C’est un moment très important pour l’histoire de notre pays, nous devons alors tout faire pour réussir, sur tous les plans : organisationnel, politique, économique et sportif.
J’appelle tout le monde, responsables et athlètes à anticiper les préparatifs car nous voulons avoir deux fiertés. Une première fierté parce que nous avons fait une très bonne organisation et une seconde fierté parce que nous aurions gagné plusieurs médailles. Pour cela, nous avons nommé « le Monsieur-Jeux (Mohamed Issimaila, ndlr) » pour lancer la machine. Nous savons très bien que non seulement nous aurons besoin des espaces pour construire les sites qui seront dédiés aux jeux, mais aussi des hôtels pour accueillir nos hôtes et les différentes délégations.
Il faut qu’ils aient à manger, qu’ils circulent facilement, entre autres. Il faut assurer la paix et la sécurité à nos invités. Voilà pourquoi, je dis que tout le monde est concerné. Alors, je vous rassure que nous avons pris les dispositions qui s’imposent, la machine est actuellement lancée et il y a un très grand espoir. Toutefois, il faut savoir que la barre est placée beaucoup plus haut car notre pays va organiser ces jeux après les autres.
Alors, nous avons le devoir de bien le faire, de dépasser les autres pays qui les ont déjà organisés, de ne pas commettre les fautes que les autres ont déjà commises. Il faut que la population s’investisse à fond. Sachons que le pays organisateur sort toujours gagnant, que ça soit sur le plan économique ou en terme de médailles. Il faut donc éviter les pénuries des produits essentiels durant cette période. Nous devons faire la promotion de nos produits et du pays en général.
Vous avez toujours nourri l’ambition de faire des Comores un pays émergent à l’horizon 2030 et vous venez de confier cette responsabilité à la jeunesse comorienne, en formant un gouvernement composé essentiellement de jeunes. Pourquoi ce choix ?
Je saisis cette occasion pour préciser que le changement du gouvernement sortant n’est pas une sanction, les membres qui l’avait composé n’ont pas démérité, mais il s’agit d’un choix que nous avons fait pour confier les responsabilités à la jeunesse et rester derrière eux pour les accompagner, les soutenir et les conseiller. Cela reste toujours une fierté pour un père de voir ses enfants réussir. Alors, la jeunesse doit prendre conscience des lourdes responsabilités qui lui incombent et penser à des obligations de résultats. Vous devez avoir de l’espoir et nous pousser à être fiers de notre décision. En tout cas, nous avons confiance en la jeunesse et à ce nouveau gouvernement.
Ce sont des jeunes qui ont du mérite, qui ont déjà travaillé, qui ont une expérience de l’administration. Ils ont beaucoup de potentialités, notamment une très bonne santé, une énergie physique, mais aussi une force morale qui leur permettront de s’acquitter de beaucoup de choses. Le pays doit profiter de ses jeunes pour booster le développement. Nous attendons beaucoup de cette équipe, notamment en ce qui concerne la réussite de notre Plan Comores émergent. C’est notre devoir de tracer un plan de développement pour notre pays.
Nous ne sommes pas ici pour seulement gérer le quotidien. Nous devons réfléchir à l’avenir, à des projets pour les années à venir. En 2018, nous avons fait le référendum pour modifier la Constitution. En 2019, nous avons organisé des élections. Nous avons organisé la conférence des partenaires à Paris. Des bailleurs se sont prononcés pour nous aider, malheureusement la Covid-19 s’est invitée en 2020 et en 2021. Tout a été chamboulé. Ce n’est qu’à partir de 2022 que nous avons réellement lancé nos projets inscrits dans le Plan Comores émergent.
Nous espérons que d’ici 2029, cette nouvelle équipe gouvernementale saura bien travailler pour consolider les socles du développement, pour faciliter la tâche de celui qui aura les manettes du pays. Nous avons grand espoir en cette jeunesse, que ce soit pour le développement de l’Agriculture, de la pêche, du tourisme, ou du secteur de l’Energie, des infrastructures, des routes, entre autres. Nous pouvons aussi évoquer les projets sanitaires. Plusieurs projets ont démarré. On peut citer l’hôpital El-Maarouf ou d’autres projets dans le secteur de la santé à Mwali et à Ndzuani.
On peut parler de l’Universités des Comores avec les projets mis en place pour améliorer l’apprentissage et être en adéquation avec la réalité du pays. Nous devons faire en sorte pour que chaque étudiant sortant de l’université puisse trouver du travail. Nous avons lancé plusieurs projets, notamment la construction de plusieurs hôtels, la rénovation de l’aéroport international avec un projet émirati, la construction des ports internationaux et secondaires, entre autres.
Actuellement, le pays fait face à une inflation très forte, la vie devient de plus en plus chère, il est difficile de remplir le panier de la ménagère Comment comptez-vous répondre aux attentes de la population dans ce contexte difficile ?
Actuellement, personne n’est en mesure de faire quoi que ce soit pour réduire la cherté de la vie. Car il s’agit d’un phénomène mondial qui touche pratiquement tous les pays. Par contre, nous devons nous préparer pour mieux gérer la situation et l’affronter. La hausse du coût de la vie dépend beaucoup plus de facteurs exogènes. Il y a une conjoncture internationale à prendre en compte dans l’analyse de la situation.
Cela est dû aux crises qui gangrènent le monde, notamment la guerre russo-ukrainienne, les conflits entre des pays africains, la guerre au Moyen-Orient. Pour notre part, le gouvernement a accompagné les opérateurs économiques, en débloquant des fonds pour les accompagner dans la commande de leurs produits pour contribuer à une baisse des prix. Maintenant, le rôle du gouvernement est d’éviter les pénuries des produits. C’est l’essentiel.
Alors la solution de la cherté de la vie reste l’emploi des jeunes. Lorsqu’on travaille, on est payé et cela aide à alléger les difficultés de la vie qui tire sa source en grande partie du chômage. Heureusement, le ministère des Finances arrive à assurer le paiement régulier des salaires. Il y a également les subventions, les commandes et les achats financés par l’Etat. Toutefois, je reste convaincu que la solution définitive pour lutter contre la cherté de la vie est la formation des jeunes, laquelle leur permettrait de parfaire leurs compétences et de garantir leur insertion professionnelle. Je saisi ainsi cette occasion pour rendre hommage aux jeunes qui, après l’université, ont accepté de se lancer dans l’entrepreneuriat.
C’est un domaine plein d’opportunités qui leur ouvrira plusieurs portes. Je suis très content pour eux et pour le pays car si ces jeunes s’investissent dans l’agriculture, la pêche et les autres formations professionnelles, cela aiderait à améliorer leurs conditions de vie et le processus de développement du pays. Ainsi, selon les chiffres déjà publiés, il y a 22 000 jeunes recrutés ou embauchés, et 16 000 petites et moyennes (ou) entreprises (Pme) créées. Je les encourage à ne pas baisser les bras, il faut multiplier les efforts.
C’est pour cela que nous avons mis en place le dialogue public-privé pour permettre au secteur dont ces jeunes font partie, de se développer encore davantage. Un fonds spécial, sous garantie de l’Etat, est sous le pilotage de la Banque centrale pour accompagner ces jeunes. Il faut croire en la formation car les besoins en main d’œuvre sont là. Imaginez la main d’œuvre qui sera recherchée après l’inauguration de l’hôpital El-Maarouf ou dans les hôtels en chantier.
Parmi les difficultés qui touchent le pays, il y a l’épineuse question de l’énergie. Quelles solutions votre gouvernement et vous-même préconisez-vous pour résoudre durablement cette problématique ?
Quand je suis venu au pouvoir en 1999, presque tous les foyers utilisaient des bougies pour éclairer leurs maisons. Nous avons beaucoup travaillé et en 2003, nous avons commandé des groupes électrogènes et rétabli l’électricité. J’ai quitté le pouvoir en 2006, la situation était stable, mais à mon retour en 2016, j’ai trouvé la même situation énergétique qu’en 1999. On était obligé d’acheter des groupes électrogènes pour rétablir la situation. Sans m’enorgueillir, vous devez reconnaitre les efforts fournis. Nous sommes conscients des difficultés énergétiques auxquelles fait face la population.
Nous n’avons pas croisé les bras. Nous travaillons beaucoup pour améliorer la situation. Il y a ainsi une commission mise en place qui travaille déjà pour l’amélioration de l’énergie thermique (celle fournie avec les groupes électrogènes, ndlr). Des groupes seront bientôt commandés avec des pièces pour la réparation des anciens pour qu’ils soient rapidement fonctionnels. Nous travaillons également pour la construction et l’installation des énergies renouvelables.
Dernièrement, nous avons lancé la centrale solaire de Mitsamihuli qui vient s’ajouter à celles de Fumbuni au sud de Ngazidja, de Pomoni à Ndzuani et Mwali. Les travaux d’une centrale solaire dans la région de Washili ont déjà démarré. Avec tous ces chantiers, la société Innovent laisse entendre qu’une fois toutes ces centrales raccordées et avec l’appui des groupes électrogènes, la situation sera rétablie une bonne fois pour toute.
Dans deux mois, nous allons entamer le mois sacré de Ramadhwani pendant lequel la demande énergétique est forte. Je voudrais rassurer la population que toutes les mesures et dispositions sont prises pour améliorer la situation. Il y a aussi le projet de la géothermie sur lequel nous travaillons avec nos amis japonais et kenyans qui ont déjà l’expérience dans ce domaine. Nous nous sommes rencontrés pour capitaliser la géothermie et la photovoltaïque. En tout cas, je comprends les soucis des Comoriens sur l’énergie, un des leviers qui peut booster le secteur économique. D’ailleurs, c’est avec cette énergie qu’on peut capitaliser les investissements évoqués.
Et s’agissant de l’eau… ?
Plusieurs projets ont été déjà engagés pour améliorer le secteur. On peut citer le projet de Moroni qui est financé par l’Arabie Saoudite. Nous avons fait face à des difficultés avec la société mauricienne dans l’exécution des travaux. Cependant, des discussions sont entamées pour mettre un terme à cette situation. D’autres projets existent dans plusieurs régions. Je tiens d’ailleurs ainsi à remercier toutes les communautés qui ont engagé ces chantiers. J’ai recommandé aux autorités compétentes de les accompagner afin que ces projets soient opérationnels rapidement.
Quelles sont les particularités du budget 2025 ?
Parmi les nouveautés de cette nouvelle loi de finances 2025, il y a l’augmentation des recettes internes. Cela proviendra des efforts d’élargissement de l’assiette fiscale. Ces recettes nous permettaient uniquement de payer les salaires des fonctionnaires et agents de l’Etat, mais maintenant, elles vont nous permettre d’investir dans certains de nos projets, de réhabiliter ou construire certaines routes. Alors, avec cette loi, nous serons en mesure de mettre en place quelques projets et ne pas toujours contracter des prêts auprès des partenaires. Je tiens ainsi à féliciter le ministère des Finances pour son travail très remarquable.
Avec ce budget, on a pu mettre en place une rubrique spéciale pour la gestion des déchets et une rubrique pour la réfection des routes, même si cela reste toujours insuffisant, car nous avons un réseau routier à la fois important et dense. Il y a une rubrique dédiée au financement des Jeux des îles de 2027, mais également une autre pour subventionner les activités de l’équipe nationale de football, les Cœlacanthes, car cette équipe nous honore énormément. J’espère qu’elle sera également qualifiée pour la prochaine Coupe du monde. Cette loi des Finances a prévu une rubrique spécifique pour appuyer la caisse des retraites afin d’éviter les difficultés que rencontre cette institution pour payer régulièrement les pensions des retraités.
Notre pays a eu l’honneur d’assurer la présidence de l’Union africaine pendant l’année 2023. Quels sont les acquis obtenus pour notre pays et au niveau du continent africain ?
Je tiens tout d’abord à remercier les Comoriens et à les féliciter pour deux raisons. Premièrement, parce que la responsabilité confiée à l’Union des Comores en 2023 n’était pas la mienne mais celle du pays. On m’a confié cette responsabilité grâce aux efforts déployés par les Comoriens pour consolider la paix et la stabilité dans leur pays.
Je saisis également cette occasion pour remercier mon frère William Ruto, président du Kenya, qui a accepté de retirer la candidature de spn paysau profit de celle des Comores. Si on continuait à faire les coups d’Etat, à nous chamailler ou à faire perdurer nos divisions, je ne pense pas que l’Afrique nous aurait permis de présider aux destinées du continent. On nous a confié ces responsabilités parce que depuis 2001 Alhamdulillah, nous sommes un pays stable. Alors, le fait de nous laisser présider l’Union africaine est un grand message aux Comoriens. L’Afrique voulait nous faire passer son message de fierté et honorer notre engagement à préserver nos valeurs d’entente, de paix et de stabilité.
Deuxièmement, je remercie les Comoriens car avec la paix qui régnait dans notre pays, j’ai pu accomplir tranquillement ma mission de président de l’UA. S’agissant des acquis, lors de notre présidence, l’Afrique a accédé au cercle des grands décideurs économiques du monde entier appelé G20. L’Afrique bénéficiait d’un statut d’observateur. Mais nous nous sommes rendus nous-mêmes au Japon, à Hirochima, et nous avons déposé notre candidature, qui a été validée par plusieurs pays. Et lors de la rencontre suivante qui a eu lieu en Inde, l’Afrique est devenue membre à part entière du G20. C’est une fierté pour l’Afrique en général, mais également une fierté pour les Comores car cette intégration a eu lieu lors de notre présidence.
Parlant toujours des acquis, il y a eu également des avancées énormes dans le processus de la mise en place de la Zlecaf. Nous avons accéléré le processus et la machine d’intégration régionale avec des résultats concrets. La présidence comorienne de l’Union africaine a, en outre, porté la voix et plaidé pour l’adhésion de l’Afrique au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. Les travaux d’examen de la candidature ont démarré. Plusieurs pays et institutions nous ont félicités pour une présidence réussie. J’espère que mon successeur fera comme nous ou mieux que nous pour le bien de l’Union africaine.
Que pensez-vous des conflits qui sévissent dans le monde notamment au Sahel, au Soudan et dans la région des Grands Lacs, au Moyen Orient et entre la Russie et l’Ukraine ?
Nous sommes évidemment un pays souverain, nous avons donc notre mot à dire par rapport à ces conflits qui déchirent le monde entier ; que ce soit au niveau de l’Union africaine, du Comesa, de la Sadc, de l’Oif ou de la Ligues des Etats arabes. Plusieurs de ces conflits se sont déclenchés, par coïncidence, quand j’étais président de l’Union africaine.
Nous avons essayé de trouver des solutions pour ces conflits qui impactent l’économie mondiale. Nous nous sommes déplacés pour rencontrer les présidents russe et ukrainien. Nous avons essayé de convaincre Poutine et Zelinski de s’asseoir ensemble et discuter sur la paix, mais en vain. Nous avons également engagé plusieurs démarches pour apaiser les tensions et contenir les conflits qui sévissent en Afrique. J’ai même envoyé mon conseiller diplomatique dans ces pays pour trouver des solutions.
Pour ce qui est du génocide commis au Moyen-Orient, cela est très grave. Malheureusement, la communauté internationale continue de fermer les yeux. Le Palestine est occupée depuis 70 ans maintenant, imaginez un Palestinien âgé de 70 ans qui n’a jamais vécu une journée de paix avec sa famille. Les actes perpétrés par les Palestiniens ne sont pas justifiés mais sont ainsi compréhensibles. Malheureusement, les médias internationaux ne parlent que du 7 octobre et oublient les causes profondes de ce conflit.
Nous avons condamné les actes commis par le Hamas, cependant on ne peut pas comparer 1000 Israéliens enlevés à 50 000 Palestiniens tués dont 70% sont des enfants et des vieillards. Les Israéliens prétextent la présence de terroristes dans les hôpitaux et les écoles pour massacrer des populations. Paradoxalement, les occidentaux continuent de condamner les agissements de la Russie en terre ukrainienne, mais ne disent rien face à ce génocide qu’Israël est en train de commettre sur la population palestinienne. Nous sommes tous responsables, et chacun doit apporter sa contribution pour faire cesser ce conflit.
Quand Ramafosa a introduit la plainte à la Cour pénale internationale, nous l’avons soutenu. Benjamin Netanyahou doit être jugé pour les crimes qu’il commet. Sinon, est ce que la Cpi a été mise en place pour juger uniquement les Africains ? Nous avons une part de responsabilités, nous les Arabes et les Musulmans. Je pense qu’on doit se rencontrer pour voir comment réagir face à ce génocide.
Les Etats-Unis qui sont le principal allié d’Israël doivent être saisis pour peser de tout leur poids afin de mettre un terme à ce conflit. Nous savons très bien qu’ils ont les moyens, ils pourront le faire s’ils veulent bien. Israël doit comprendre qu’on ne choisit pas ses voisins. Et le monde doit se demander comment se fait-il qu’Israël ne s’entende pas avec tous ses voisins. Nous devons agir vite pour apaiser les tensions et garantir la paix et la sécurité de toutes les parties.
Vous avez fait le plaidoyer en faveur de la réforme du Conseil de sécurité des Nations-Unies. Où est-ce qu’on en est ?
Notre demande a été bien prise en compte et bien accueillie. Les travaux relatifs en lien avec notre plaidoyer avancent bien. A ce jour, trois des pays membres permanents du Conseil de sécurité jugent favorables notre demande et se disent prêts pour que l’Afrique soit membre à part entière au sein de cette instance. Pour les autres pays, le dossier évolue bien. Peut-être que sous peu, notre demande sera acceptée. Maintenant, il reste à l’Afrique de voir comment elle va être représentée. Sur ce dossier, je crois que nous avons perdu beaucoup de temps, mais le monde a compris que l’Afrique est émancipée, elle est en mesure de se prendre en charge, de gérer ses affaires, surtout qu’elle regorge de richesses diverses et variées.
Que vous pouvez nous dire sur les relations entre l’Union des Comores et certains de ses partenaires bilatéraux ?
Les relations entre les Comores et ses partenaires bilatéraux sont au beau fixe. Quand j’étais président de l’UA, nous avons saisi l’occasion et nous avons renforcé notre coopération avec les pays amis et les relations avec les institutions partenaires. Nous nous entendons très bien avec plusieurs pays. Nous avons mis en place des commissions mixtes pour travailler ensemble avec ces pays de façon à ce que les relations deviennent de plus en plus efficaces et fructueuses. Je tiens à citer notre ami la Chine avec qui nous allons célébrer les cinquante ans de notre coopération.
C’est le premier pays qui a reconnu notre indépendance. Je citerai la France, malgré la question de l’île comorienne de Mayotte qui nous oppose. Je citerai également le Maroc, le Sénégal, ou encore l’Egypte pour leurs appuis précieux dans l’éducation, le secteur énergétique et la construction des hôtels et des ports. Il y a les Emirats arabes unis pour leur accompagnement avec plusieurs soutiens, notamment dans le secteur énergétique.
Ce sont eux qui vont construire la centrale photovoltaïque de Washili. Lors de notre présidence de l’Union africaine, ils nous accompagner à 50 ou 60%. Ils ont mis un avion à notre disposition pour mes déplacements. Il y a bien sûr le Royaume d’Arabie Saoudite qui nous accompagne dans la reconstruction de nos infrastructures. Notre diplomatie a bien obtenu de résultats, mais notre présidence de l’Union africaine nous a bien aidés également.
Nous nous approchons du cinquantième anniversaire de l’Indépendance de l’Union des Comores. Nous aimerions savoir si quelque chose de particulier est prévu ?
Pour le moment, ce que je peux dire c’est rendre grâce à Allah. Mais le temps viendra pour faire le bilan des cinquante ans de notre indépendance. Mes conseillers travaillent déjà sur l’organisation de cette célébration. Et je pense que le moment viendra pour parler de tout cela, d’évoquer les avancées enregistrées, mais également les ratés observés après l’indépendance.
En général, on est fier d’être indépendants. Nous avons enregistré plusieurs acquis. En tout cas, c’est une grande fierté. Tout le monde doit se vanter de ça, les anciennes et les nouvelles générations doivent se bomber les torses pour cet évènement.
Après 50 ans d’indépendance, l’île comorienne de Mayotte reste toujours sous administration française. Ne nous approchons nous pas encore d’un dénouement ? N’y a-t-il pas de solutions ?
Si, les solutions ne manquent pas. Toutefois, je ne pense pas que dire seulement que Mayotte est comorienne est la solution. Sinon, tous les jours, on le dit. Même devant l’Elysée avec Emmanuel Macron, je l’ai dit. Il a dit que Mayotte est française et j’ai répliqué que Mayotte est comorienne. Je crois que nous devons nous poser les vraies questions, à savoir ce que nous devrons faire pour assurer un retour de l’île dans son giron naturel. A mon avis, il y a trois solutions possibles. Premièrement, il faut faire la guerre à la France, mais je ne pense pas que nous disposons de cette force, donc ce n’est la solution appropriée.
Deuxièmement, il y a le chemin que nous avons emprunter pendant plusieurs années, celui des résolutions des Nations-unies. Mais l’histoire nous a montré que ce chemin n’aboutira nulle part. On n’est pas le seul pays à ne pas pouvoir l’exploiter. Des années durant, nous nous sommes appuyés sur les résolutions, mais les résultats ne sont pas satisfaisants. La Palestine a suivi ce chemin depuis 1973, il y eu plusieurs résolutions, mais rien n’est réglé. L’autre solution est le dialogue avec la France. Et je crois que c’est le chemin le plus approprié.
Car, c’est la France qui occupe illégalement Mayotte, mais elle reste un partenaire avec qui on peut discuter. Pour moi, je pense que la solution est là. Si nous arrivons à expliquer aux Français que le mieux est de traiter avec quatre îles et non une seule, je pense qu’ils devraient comprendre. Lors de mon premier mandat, j’ai rencontré Chirac, je lui en ai parlé, il m’avait compris.
Et, ensemble, nous avions mis en place la commission pour étudier la question de Mayotte. Une fois, nous nous étions mis d’accord d’intégrer les Mahorais dans la commission car nous avons pensé qu’il n’est pas judicieux de réfléchir sur la destinée de Mayotte sans les Mahorais. Donc, je pense qu’il faut trouver la pédagogie pour expliquer aux Français et à nos frères et sœurs mahorais la réalité. C’était aussi l’idée de Mitterrand. En 1990, quand il était venu aux Comores, il avait dit aux Comoriens de capitaliser ce qu’on peut faire ensemble. Je crois qu’aujourd’hui cette idée est toujours d’actualité.
Nous devons mettre en avant ce qui nous unit, en attendant de voir la forme appropriée pour l’unité. Si vraiment les Comoriens veulent que leurs frères et sœurs mahorais retournent dans leur giron naturel, on doit les encourager. Faire mieux qu’eux au lieu de prendre les Kwasa et mourir tous les jours en voulant traverser le bras de mer qui sépare Ndzuani de Mayotte.
On doit rendre les autres îles meilleures et faire en sorte qu’on n’ait pas à aller Mayotte pour des soins médicaux ou pour des études. Travaillons ensemble pour cela, Mayotte reviendra d’elle-même. Je saisis enfin cette occasion pour remercier nos illustres personnalités qui ont proclamé cette indépendance. Puisse Allah accorder le paradis à ceux qui sont décédés, une longue vie plein de bonheur à ceux qui sont en vie, car ils ont posé un acte héroïque.