Le premier leader du Mouvement de libération nationale des Comores (Molinaco), Abdou Bakari Boina, est originaire de Kuwa ya Mitsamihuli. Il est né en 1937 d’un père, cheikh de la confrérie chadhouliyi de Mitsamihuli et d’une mère de Kuwa. Après ses études primaires effectuées à Mitsamihuli, il entre, en 1952, à l’Ecole régionale de Mitsamihuli sous le statut “d’enfant indigent”.
Issu d’une famille modeste, le jeune Abdou Bakari Boina ne réunissait pas les conditions requises sur le plan social pour accéder à cette Ecole régionale dans laquelle, en ce début des années 1950, il n’y avait que les classes de 7ème, 6ème, 5ème et 4ème.
Pour être exempté de l’obligation du trousseau complet, le jeune Abdou Bakari Boina a dû rédiger une lettre à l’attention des autorités coloniales établies à l’époque à Mayotte, dans laquelle il déclarait son statut d’enfant indigent.
Après l’accord ainsi obtenu, Abdou Bakari Boina a pu ainsi accéder à l’internat du collège en ayant en tout et pour tout 2 chemises et 2 culottes courtes. Le jeune Abdou Bakari était de la même promotion qu’Ali Ahmed Bacar, Mohamed Fazul, Jean Mchangama, Abdérémane Said Omar, Mohamed Rachid, Said Ali Youssouf, Ahmed Ben Cheikh et Said Omar Mansour, entre autres.
Abdou Bakari Boina a été un élève très brillant qui a occupé de la 7ème à la 4ème la place de premier de la classe. Pour la classe de troisième, le jeune homme va quitter les Comores, en 1955, pour Madagascar, plus précisément à Majunga. En 1958, il retournera aux Comores avec dans sa poche une proposition d’affectation à l’école de Bangwa Kuni qui venait d’ouvrir ses portes. Le jeune instituteur auréolé de ses diplômes, est empêché in extrémis d’exercer son métier par la population de la ville de Bangwa Kuni sous prétexte que les enfants du village “ne pouvaient pas recevoir un enseignement de la part d’un natif d’un petit village de la région”.
Molinaco
Ainsi, il sera envoyé à Moya, à Ndzuani où il a pu débuter son métier d’enseignant. Il y est resté en poste durant deux ans. Son départ de Moya a été souhaité par les représentants de la Société coloniale. Abdou Bakari Boina avait commis un crime de lèse- majesté en aidant les paysans de la région à écrire une lettre dénonçant les pratiques des sociétés coloniales et réclamant un meilleur traitement.
En 1960, Abdou Bakari Boina revient à Ngazidja où il est affecté à l’école de Ntsudjini. Il va se faire remarquer, à nouveau, pour son activisme et ses tournées dans les villages de l’Itsandra pour inciter les jeunes villageois à s’inscrire à l’école de Ntsudjini. Cette campagne de sensibilisation pour l’inscription des enfants à l’école (des blancs) lui valut la grogne et le courroux des grands notables de la ville qui voyaient en l’inscription d’enfants issus de milieux modestes, une menace de l’ordre établi.
Durant son séjour à Ntsudjini, il côtoie le jeune Ali Soilihi, un des animateurs de l’Association de la jeunesse des Comores (Ajc) dont la philosophie de base était l’éveil des consciences des comoriens. Après plusieurs contestations de la part des autorités de la région d’Itsandra auprès des autorités locales et coloniales, les notables de Ntsudjini finissent par avoir le dessus et obtiennent l’affectation du jeune instituteur “offensant”. En octobre 1961, Abdou Bakari Boina est renvoyé dans une école de sa région natale, en l’occurrence l’école primaire de Wela.
Emprisonné sous AAA et Djohar
En février 1962, M. Russel, à l’époque directeur de l’Enseignement du premier bureau de Moroni, informera le jeune enseignant qu’un poste était disponible à l’Ecole franco-comorienne de Zanzibar et qu’il était pressenti pour l’occuper. M. Russel lui demandera de formuler une demande écrite tout en attirant son attention sur l’existence de nombreux concurrents qui disposent “d’appuis solides au sein de l’administration”.
En mai 1962, Abdou Bakari Boina se rend enfin à Zanzibar, après moult problèmes à l’aéroport de l’île. Pour la petite histoire, l’agent consulaire local, un originaire de Mitsamihuli, refuse d’aller le chercher à l’aéroport par peur que le nouvel arrivant ne lui prenne sa place du fait que Abdou Bakari Boina parlait mieux la langue de Molière que lui. Zanzibar était à cette époque sous la coupe des descendants arabo-persiques. La communauté comorienne était fortement représentée dans les instances de décisions de l’île. Elle est fortement imprégnée de nationalisme et de désir d’indépendance.
Créé en 1962, le Mouvement de libération nationale des Comores (Molinaco) aura un lien direct avec l’indépendance de la Tanganyika le 9 décembre 1961 et à celle de Zanzibar et Pemba proclamée le 10 décembre 1963. Son siège était installé provisoirement à Dar-es-Salam (Tanzanie).
Abdou Bakari Boina a été emprisonné sous le régime d’Ahmed Abdallah et Djohar. Il sera gouverneur de Ngazidja durant le mandat de Taki. On notera aussi qu’il a travaillé à la Société comorienne des hydrocarbures.
Engagé très tôt pour l’indépendance, il est aussi un ardent combattant des coutumes rétrogrades. Abdou Bakari Boina va adhérer au Molinaco dans lequel il poursuivra non seulement son combat pour la décolonisation des Comores, mais également l’autre combat contre le grand mariage et ses excès. Il est une des rares personnes de sa génération à ne pas avoir fait le Anda.
Et pourtant il va épouser Moinaecha Aboudou, fille d’un grand notable de Mitsamihuli et cousine du Dr Mtara Maesha, grand notable et homme politique. De cette union, naitront quatre enfants. Sa première épouse Nissoiti Ismaël qui lui a donné trois enfants, est aussi issue d’une lignée de grands notables anjouanais de Vassy, localité proche de Moya. Pendant son long séjour en exil, Abdou Bakari Boina a également eu deux autres enfants respectivement avec une épouse tanzanienne et une autre d’origine indienne.
Sources : Dr Ahmed Ouled
auteur du livre
“Abou Bakari Boina,
Une figure emblématique du
MOLINACO”