Lors de votre dernier salon, avez-vous informé les investisseurs étrangers de la caution de 25 millions de francs imposée par le tribunal commercial ? Si oui, quelles ont été leurs réactions ?
Pour rappel, lors du dernier salon des entreprises «Business In Komor 2025», nous avons convié des investisseurs pour les inciter à saisir les opportunités d’investissement offertes par notre pays. Est-ce que nous leur avons parlé de l’existence d’une caution à déposer pour avoir le droit d’implanter leurs activités aux Comores ? La réponse est évidemment non. Pour la simple et bonne raison que notre rôle était de leur présenter le cadre légal applicable à l’investissement, tel qu’il est établi par les textes en vigueur, notamment le Code des investissements.
Ce cadre repose sur des principes clairs, dont l’égalité de traitement entre investisseurs nationaux et étrangers. Et fort heureusement, je peux vous attester qu’aucun des investisseurs présents ne s’est vu exiger de déposer une telle caution lors de son immatriculation. Cela démontre d’une part que la dite caution n’est pas une exigence légale, et qu’elle n’est donc pas exigée de façon systématique par le Tribunal de Commerce.
Comment expliquez-vous l’écart entre le message d’attractivité porté par l’ANPI et une mesure juridique qui pourrait dissuader les investisseurs ?
Il est important de rappeler que les Comores œuvrent de longue date pour instaurer un cadre incitatif pour les investisseurs. Pour ce faire, il est nécessaire de trouver constamment l’équilibre entre les exigences de sécurité juridique, de préservation de l’ordre publique et de protection des secteurs sensibles d’une part, et de simplification des formalités administratives d’autre part. Il existe donc la règle mais aussi des exceptions, qui peuvent être justifiées et admises lorsque la loi en décide. C’est ainsi que les textes instaurent un capital social minimum qui peut être plus ou moins élevé en fonction de la forme sociale ou du secteur d’activité.
À titre d’exemple, un investisseur qui souhaite ouvrir un établissement bancaire aura l’obligation de constituer une société anonyme et devra souscrire un capital minimum de 1 milliard de francs conformément à la réglementation, et cela n’est en aucun cas un frein à l’attractivité dans la mesure où les textes énoncent cette condition de façon claire et non équivoque. Cet exemple vise à démontrer qu’il n’y a pas de contre-indication à réglementer dès lors que cela se fait dans les règles de l’art et que l’investisseur peut accéder à l’information en amont de la décision d’investissement. Ce type de cas de figure se retrouve dans toutes les économies du monde.
Nous constatons a contrario, sans la légitimer, que la pratique de la caution dont vous parlez semble s’adresser au cas par cas à des entreprises exerçant des activités de commerce et non à des investisseurs au sens strict du terme. Nous pensons que si le but de cette pratique est de répondre à des préoccupations spécifiques tels que la solvabilité ou la localisation des associés, il revient de se référer aux garde-fous prévus par les textes, plutôt que d’édicter des règles qui en plus d’être discriminatoires, sont appliquées de façon arbitraire et discrétionnaire.
Quelle est l’appréciation de l’Anpi concernant l’impact de cette caution sur la clarté et la prévisibilité du cadre juridique pour les investisseurs étrangers ?
La prévisibilité et la lisibilité du cadre juridique sont essentielles pour attirer des investisseurs. Une mesure qui n’est pas prévue par les textes et qui n’est pas appliquée de manière uniforme est donc à proscrire. Il convient à nouveau de rappeler que le cadre légal des affaires en vigueur fixe déjà les garanties et les obligations applicables aux investisseurs. Lorsque des pratiques s’en écartent, il est dans l’intérêt collectif qu’elles puissent être clarifiées afin de préserver la confiance dans l’environnement des affaires.
Quelles actions l’Anpi compte-t-elle entreprendre pour harmoniser la promotion des investissements avec les pratiques du tribunal commercial ?
Nous favorisons la concertation institutionnelle. L’objectif est de parvenir à une compréhension partagée des enjeux liés à l’attractivité du pays. Nous travaillons à renforcer la circulation de l’information, à rappeler les principes du Code des investissements et à veiller à ce que les mesures touchant directement ou indirectement les investisseurs soient alignées sur le cadre légal existant. Nous espérons être entendus. La coordination entre les institutions est essentielle : chacun agit dans son domaine, mais il est important que l’ensemble reste cohérent pour préserver l’image du pays comme destination d’affaires fiable et structurée.
Si certains commerçants locaux et le tribunal évoquent l’existence d’opérateurs peu fiables, quelles alternatives existent pour y faire face ?
Les outils pour y répondre existent déjà dans notre législation. Parmi eux, la régulation sectorielle, qui exige des autorisations dans les domaines énumérés par la loi tels que les finances, l’éducation, la santé, la sécurité, l’agroalimentaire, etc. ; l’exigence d’une résidence aux Comores pour accéder au statut de commerçant ; les mécanismes de contrôle fiscal, douanier et commercial ; la réglementation contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ; les règles relatives aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers ; Les règles relatives à la liquidation des entreprises ; Etc.
Nous pensons que la meilleure réponse consiste à appliquer ces dispositifs, plutôt qu’à introduire des mesures financières qui ne sont pas prévues par la loi et dont l’efficacité n’est pas démontrée. Les garde-fous existent donc déjà, et c’est à la loi et non à des pratiques ponctuelles de fixer les règles de protection nécessaires. C’est dans ce cadre que nous appelons au bon sens institutionnel et à la cohérence.

