Abdou Ousseni, ancien président de l’Assemblée nationale
« Les principaux facteurs qui menacent aujourd’hui la paix dans notre pays relèvent des dimensions sociales et politiques. Sur le plan social, l’absence d’éducation civique à l’école, une jeunesse désœuvrée, le taux de chômage élevé et la pauvreté extrême poussent les jeunes à l’exil, ce qui fragilise notre cohésion sociale. De plus, la famine due au manque d’aliments de base et l’absence de services de santé dignes constituent des réalités pesant lourdement sur la population.
D’un point de vue politique, le manque d’équité dans la constitution actuelle et les modifications fréquentes de celle-ci, sans tenir compte des avis de la population, sont préoccupants. Il est essentiel d’assurer l’indépendance de la justice, d’améliorer la répartition des richesses et d’instaurer un dialogue constructif entre le gouvernement et l’opposition pour favoriser une paix durable. La décentralisation des îles et des régions, ainsi qu’un engagement sincère entre les autorités et toutes les parties prenantes, sont nécessaires pour restaurer la stabilité et la cohésion dans notre pays.»
Me Fahmi Said Ibrahim, avocat et ancien ministre
« Pour moi, c’est très simple hélas : le principal facteur qui menace la stabilité, c’est l’appauvrissement du peuple comorien. Il y a une pression démographique importante, une économie introvertie et incapable de créer des richesses ; un point d’équilibre est rompu. Dès lors, on peut basculer dans l’instabilité économique chronique. Cette instabilité peut menacer la paix, comme ce fut le cas en Haïti. Nous pouvons nous en sortir, bon an mal an, mais si aucune réforme profonde et sérieuse n’est engagée, nous continuerons à nous appauvrir, et le spectre de l’«haïtisation » des Comores est une conséquence qu’il faut prendre très au sérieux.
Le gage de la paix et de la stabilité pour notre pays, c’est que nos gouvernants comprennent les enjeux et engagent très rapidement les réformes structurelles capables de stabiliser notre pays et de créer les conditions d’une éducation rationalisée et de l’enrichissement de la nation comorienne. Sans rationalisation de nos actions, aucune réforme sérieuse ne peut aboutir. Le peu qui est fait dans notre pays aujourd’hui est grâce à nos partenaires multilatéraux et bilatéraux qui initient les réformes et aident à les mettre en place.
Je vais vous livrer un chiffre pour conclure : le Pib des Seychelles est de 1,588 milliard dollars américains en 2022, alors que celui des Comores est de 1,243 milliard pour la même année. Mais savez-vous que la population des Seychelles est de 119 000 habitants, alors que celle des Comores est d’un peu moins de 900 000 ? Cela signifie, en fin de compte, qu’un Comorien est sept fois moins productif qu’un Seychellois. Il est donc temps de nous retrousser les manches.»
Toufé Maecha, journaliste
« La confiscation des droits et libertés fondamentaux demeure, à mes yeux, l’une des principales menaces à la paix dans notre pays. Les manifestations post-électorales de janvier et l’agression à l’arme blanche dont a été victime le chef de l’État le 13 septembre devraient éveiller les consciences des pouvoirs publics, qui, au lieu d’engager un dialogue avec le peuple pour parvenir à des solutions concrètes, ont choisi de n’apporter qu’une réponse policière, parfois sanglante, aux préoccupations de la population souveraine.
Les jeunes tués par balle ces derniers mois et d’autres décédés dans des circonstances troubles, sans que des enquêtes sérieuses soient menées, ainsi que les hommes politiques emprisonnés ou contraints à l’exil pour des motifs souvent arbitraires, sans oublier la crise de la faim qui plonge le pays, forçant la population, notamment à Anjouan, à déterrer du riz avarié pour sa propre consommation au péril de sa vie, brossent un tableau peu reluisant qui nuit à la préservation de la paix et de la stabilité.
Les pouvoirs publics ont la possibilité de changer leur approche en offrant des réponses démocratiques aux préoccupations légitimes du peuple souverain, notamment en améliorant les conditions sociales, telles que l’accès à l’eau et à l’électricité, et en restituant les libertés fondamentales, à commencer par la liberté d’expression. Cela permettrait d’apaiser, au moins en partie, la colère et, par ricochet, de préserver la paix.»
Youkna Issouf Haidar, sortant de l’Université des Comores
« Je crois fermement qu’il est essentiel d’avoir une chose pour garantir la paix : la liberté d’expression. Il est déplorable de constater que l’Ortc, qui est pro-gouvernement, ne permet que rarement aux citoyens d’exprimer leurs opinions sur le pays, le gouvernement en place, ou même sur des faits critiques. En plus, il y a un manque de transparence, et l’information est centralisée sur une seule île, même pour des données basiques. Enfin, l’entrepreneuriat souffre d’un manque de liberté, car tout est taxé, rendant difficile le lancement d’une activité (sic).
Tout d’abord, il est impératif de disposer d’un média libre et transparent. Encourager les médias indépendants est une étape cruciale. Ensuite, il est nécessaire d’établir une politique de décentralisation pour garantir un accès facile aux informations essentielles. Enfin, il convient de donner à chacun la possibilité de vivre de son entreprenariat en supprimant certaines taxes, tout en respectant les règles en vigueur. »