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Ce qu’ils retiennent du mufti Said Toihir Bin Said Ahmed Maoulana

Ce qu’ils retiennent du mufti Said Toihir Bin Said Ahmed Maoulana

Société | -   Mhoudini Yahaya

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Al-watwan a recueilli quelques témoignages de cadres et intellectuels qui reviennent sur la personnalité du troisième mufti des Comores. Chacun, avec ses anecdotes personnelles, livre ses impressions sur la stature de l’homme et ses particularités propres. Témoignages.

 

Aboubacar B. Said Salim, Ecrivain

Moi, ce qui m’a le plus frappé chez lui c’est son amour pour l’éducation et la connaissance. J’ai eu l’occasion d’avoir un de ses fils comme élève au Groupe Scolaire Fundi Abdulhamid (Gsfa).Je me rappelle aussi de sa régularité dans le paiement des écolages. À chaque fin de mois, sa silhouette typique d’homme en Djuba souvent bleu et en châle blanc qui lui tombait sur les épaules se pointait à la comptabilité pour les écolages soit pour les payer soit négocier un rééchelonnement en cas de période difficile.


Cet amour de l’éducation et de la connaissance en faveur de ses enfants, est certainement dû à son érudition. Il ne se lassait pas de fouiller dans les livres traitant des sujets différents de sa formation. Un jour j’ai eu l’occasion de prendre le Mufti Said Toihir en stop. Il aimait marcher à pieds pour faire du sport mais aussi pour aller à la rencontre du peuple. Durant notre conversation j’ai eu à le taquiner en lui disant que ce qui manquait dans ses darssa où il citait beaucoup de savants arabes. Je lui ai dit que j’aimerais bien un jour entendre quelqu’un dire, « Kala Said Toihir Bin Said Ahmed Maoulana dans son livre... » . Il m’a répondu qu’effectivement il était en train d’écrire. J’espère que ces héritiers pourront retrouver ses manuscrits et publier ses écrits.

Mohamed Ahmed Safari, Enseignant

Fils spirituel, j’ai vécu au côté de l’ancien Mufti depuis 1976. À l’époque j’étais en classe de Cm2. Mufti Said Toihir avait cette faculté de maîtriser n’importe quelle discipline. Je me souviens à l’époque d’Ali Soilihi lorsque l’ancien président avait réuni tous les savants pour leur expliquer la politique mondiale et il a cité Mao. Et un jour l’ancien Cadi de l’époque est venu demander à Mufti dans quelle catégorie pouvait-on placer Mao parmi les savants. Et Mufti s’est mis à lui expliquer l’histoire de Mao, de tous les problèmes qu’il a causés et tout d’un coup le Cadi s’est mis à pleurer.

C’est une petite anecdote pour montrer à quel point il maîtrisait tout. Mufti Said Toihir éprouvait un énorme respect aux Cheikhs, professeurs et leur donnait une estimation profonde. Il n’avait pas cette habitude de prendre la parole sans que la permission ne lui soit donnée et ne se permettait pas de s’incruster dans une ville sans que le grand Fundi ou le Cheikh de celle-ci ne l’ait invité.

Dr Djaffar Mmadi,Professeur des Universités

Un homme qui avait un charisme exceptionnel car tout en modération, mais aussi en pondération, empreint d’une sincère humilité, qualité rarissime de nos jours. Une vie de sacrifices et de discipline au service de la théologie musulmane, de la nation comorienne, au service des autres, au service de tous les musulmans tout simplement.
Il n’était pas non plus un ange, comme il le disait lui-même. L’épilogue de son parcours actif que furent ces plusieurs années passées à la tête du Muftorat, laissait pourtant un goût d’inachevé.

En cela, il avait une stature qui dépassait très largement les frontières de notre pays. A ses débuts, il n’était pas à proprement parler un politique, mais par la force des choses, il est devenu un politicien très engagé en faveur du pouvoir actuel et il a su faire preuve d’habileté face à ses anciens adversaires.
L’homme est mort et nous laisse orphelins. Mais son œuvre, en tant que théologien, reste immense et ne saurait être effacée.

Dr Ahmed Ouled, Universitaire

Tout ce que je sais, Mufti Said Toihir Said Maoulana est à la fois un érudit des sciences islamiques, un intellectuel des temps modernes et un chercheur dans le domaine de la théologie. Sa grande capacité à allier la pratique religieuse avec la culture et les traditions populaires a été son point fort. Cet homme qui a fréquenté la prestigieuse université d’Al-Azhar Sharif dans les années de nationalisme et d’effervescence révolutionnaire sous Nasser, a su, à son retour au pays faire la part des choses et inscrire son action dans le sillage des lettrés Comoriens. Il avait une bonne connaissance de la société comorienne avec ses codes mais aussi ses travers.

Il a su tisser des liens à la fois avec la vielle classe politique mais aussi avec la génération montante des années 70-80. Il était le prédicateur des cérémonies de grandes mariages de beaucoup d’intellectuels comoriens dont certains étaient des réfractaires de cette coutume. C’est un chercheur avéré qui lisait les auteurs occidentaux et orientaux. Il fut un rempart solide contre tous les extrémismes et les intolérances.

 

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