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Chamsoudini Mzaouiyani, directeur général l’ANDN : « Notre mission est de piloter la révolution numérique du pays »

Chamsoudini Mzaouiyani, directeur général l’ANDN : « Notre mission est de piloter la révolution numérique du pays »

Société | -

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Mise en place officiellement au mois de janvier 2019, l’Agence nationale de développement numérique est en plein installation. Il s’agit des principales recommandations issues du séminaire gouvernemental sur le numérique organisé à Moroni, au mois d’octobre 2018. Moins de quatre mois après sa prise de fonction, le directeur général de l’Andn, Chamsoudini Mzaouiyani, et son adjoint, Mohamed Soilihi Fahar, ont accepté de répondre aux questions d’Al-watwan sur les tâches qui les attendent. Entretien.

 


Quelles sont les principales missions assignées à l’agence nationale du numérique ?


 

L’Agence fait partie de la gouvernance numérique, définie dans la stratégie nationale sur le numérique, élaborée en 2018. Notre principale mission est de mettre en œuvre celle-ci. Ce qui inclut un accompagnement du secteur économique du pays pour qu’il emprunte le chemin de la transformation numérique. Il nous incombe, bien évidemment, d’élaborer un dispositif qui permettra de mobiliser les ressources nécessaires pour financer la stratégie composée de six axes. Pour l’instant, notre principal partenaire est la Banque mondiale. En gros, notre travail consiste à piloter la révolution numérique des Comores.


Sur le court terme, quels seront les projets que votre institution souhaite entreprendre ?


 

L’avant dernier axe de la stratégie nationale du numérique prévoit la mise en place de ce qu’on appelle e-administration ou e-Gouv. Le processus a commencé depuis un moment. Avant même la mise en place de l’agence. Mais nous allons reprendre la main et continuer ce travail. Ce projet vise à transformer numériquement l’ensemble de l’administration publique. L’idée est de faciliter la vie des citoyens. Comme par exemple, faire en sorte que la création et la gestion des entreprises soit disponibles sur un portail en ligne. Ou faire la demande d’un acte d’état civil sur le net au lieu de faire le déplacement.
Il sera possible pour le visa aussi de se le procurer en un clic. Mais parvenir jusqu’à un tel stade nécessite des études au préalable. C’est un travail titanesque qui peut durer plusieurs mois. Des questions concernant le lieu de stockage de ces milliers de données dématérialisées data center, la protection des données doivent trouver des réponses d’abord. Un point plus important car on ne peut pas prétendre devenir un pays numérique sans songer aux méthodes de défense contre les actes malveillants qui sont monnaie-courante dans le monde numérique.


La formation reste primordiale et il est clair que le pays connait un manque criant de jeunes formés sur des domaines tels que la cybersécurité. L’agence a-t-il concocté un plan pour remédier au problème ?


 


Il n’est un secret pour personne que le virage vers le numérique ne peut se faire sans un capital humain. La formation en est sans conteste l’unique moyen si l’on veut y parvenir. Il faut commencer l’enseignement du numérique dès le primaire.
A l’Université des Comores, un aggiornamento s’impose. On compte mettre en place cinq filières sur le numérique. L’idée qui est sous-jacente est d’identifier de manière pertinente des domaines qui débouchent sur les emplois du numérique, devenu un secteur prometteur, afin de pouvoir « exporter» nos compétences vers l’extérieur.
Au niveau régional et continental. Nous avons prévu de mettre en place un centre de recherche et techniques, dont le but est d’y apporter une réponse au pays sur la cybersécurité. Un programme d’identification et de formation des ressources au niveau national sur cette thématique.
Le responsable du département de la cybersécurité de l’agence a été déjà recruté. Il a débuté les descentes sur le terrain pour rencontrer des acteurs. A la fin, un cahier de charges sera publié à l’attention des firmes internationales qui s’occupent des questions de cybersécurité.


Dans le secteur, il y a un ministère des Télécommunications, une direction des Tics. Où se situera le champ d’action de l’Agence ?



Je pense que la réponse revient aux décideurs politiques. Mais il faut préciser une chose. Le président de la République a décidé de faire entrer le pays dans le numérique. Il vient de créer une agence chargée du développement pour coordonner la migration vers la gouvernance du numérique. Un conseil national du numérique verra le jour. De notre côté, nous misons sur les résultats. Je reste persuadé qu’il n’y aura pas de chevauchements entre nous.


Le numérique est devenu partout dans le monde un pilier de l’économie, dont les dividendes sont assez conséquents, malheureusement le pays est à la traine sur cet aspect. Par quels moyens envisagez-vous inverser la tendance ?


 


Permettez-moi de vous dire une chose : le plus grave n’est pas le fait de se retrouver en retard mais plutôt de ne pas s’en rendre compte. Comment faire entrer le pays dans cette voie, c’est là où réside l’ampleur de notre mission. On a devant nous un document élaboré par un comité de travail. Nous sommes-là pour libérer en quelque sorte les énergies. Déjà, il ne faut pas oublier que bon nombre de gens gagnent de l’argent depuis les Comores grâce au numérique.
Les accompagner est primordial. Ce soutien repose sur l’apport des outils. Notre jeunesse a besoin d’être formée, avec les enseignements nécessaires, pour qu’elle puisse s’exprimer et s’imposer dans ce nouveau territoire, à savoir le numérique.
Se doter d’un cadre règlementaire et juridique qui répondra aux normes internationales est important aussi. Une fois cette batterie de reformes terminées, le pays gagnera la confiance des usagers, et des professionnels qui voudront se lancer. Nous devons créer des synergies au niveau régional. Il se pourrait que des banques souhaitent procéder à la dématérialisation de leurs documents, mais elles restent sceptiques en raison de ces vides juridiques.
La confiance, la conviction, la bienveillance et la détermination sont des notions sans lesquelles, on risque de piétiner. Une chose est sûre : les talents existent au pays.


Nombreux jeunes ont créé leur propre startup, mais ils se disent abandonnés. Avez-vous prévu des mécanismes de soutien à ces jeunes ?



Certains se sont déjà imprégnés du contenu de la stratégie. Nous avons décidé d’avoir une approche agile. Une démarche souple et intelligente. On a d’ailleurs pu rencontrer une partie des plateformes du e-commerce. Tout d’abord pour leur dire que nous reconnaissons leur existence et que désormais, elles savent vers qui se tourner en cas de besoin. Cette réunion nous a permis d’identifier ensemble à la fois les problèmes auxquels ils font face et les solutions urgentes et rapides à mettre en place. Ces jeunes ont besoin de dispositif de financement, un environnement propice, un cadre juridique qui va les rassurer. Parmi les options qui s’offrent à nous, il y a la recherche de financeurs.
Ce sont des bailleurs qui accompagnent le plus souvent des startups. Il ne reste plus qu’à les mettre en relation. Un espace de coworking national verra le jour vers la fin du mois d’août. A l’intérieur, ils n’auront qu’à se concentrer sur leurs créations. Nous devons mettre en valeur nos startups. Si l’on veut attirer les autres, nous devons créer un environnement pays. Il existe en Afrique l’alliance smart africa composé de dix à l’instar du Kenya, du Rwanda…. Ceux-ci ont déjà opéré leur transformation numérique. Nous n’avons pas encore intégré ce club, mais avons la possibilité de nous en rapprocher. Nous gagnerons un retour d’expérience. Un jeune comorien bien diplômé peut travailler pour une entreprise malgache ou un pays de l’Afrique orientale.

 


Les pays de l’Océan indien cultivent un partenariat sur le numérique. Une délégation régionale a même séjourné à Nairobi récemment. Vous étiez du voyage. Qu’est-ce qu’on peut retenir de ce séjour de travail ?


 

Pour notre part, ce voyage répondait à plusieurs objectifs. Primo, faire la promotion de notre nouvelle agence en informant à nos voisins régionaux, continentaux, que les autorités comoriennes viennent d’embrasser la révolution numérique et disposent d’une agence spécialisée dans le secteur. Secundo, j’ai voulu en tant que responsable de celle-ci, partir à la rencontre des acteurs clefs du numérique de la région. Pourquoi ? Par ce que nos voisins sont des acteurs plus qu’incontournables.
Le message que l’on peut retenir de ce voyage des pays de l’Océan indien au Kenya est qu’ensemble, on peut devenir attractifs. Figurant dans le top 3 des pays africains les plus digitalisés. Il faut songer à nos talents. Stratégiquement, ça a été l’occasion de prospecter le marché kényan, un pays de plus de 40 millions d’habitants.

 

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