logo Al-Watwan

Le premier journal des Comores

Charif Assiata, directrice générale de la Caisse de retraite I «La caisse pourrait disparaître si les choses restent en l’état»

Charif Assiata, directrice générale de la Caisse de retraite I «La caisse pourrait disparaître si les choses restent en l’état»

Société | -   Nassila Ben Ali

image article une
"La balle est dans le camp des autorités". Créée en 1962, la Caisse a aujourd’hui 57 ans d’existence. Le système de pension est vieillot, selon la patronne de cette institution. La Caisse est confrontée à plusieurs problèmes, notamment de paiement de pensions des retraités. Après des études réalisées par le Fmi, les analyses laissent entendre que la Caisse pourrait disparaître du jour au lendemain. Ces études ont également montré que les problèmes allaient commencer en 2020 si rien n’était mis en place fait. Que faut-il faire pour sauver cette institution ? Quels sont les autres problèmes auxquels est confrontée la Caisse ? La directrice livre son point de vue. Interview.

 

Le ministère des Finances débloque chaque mois 134 millions pour aider la Caisse à payer les pensions des retraités. Quelle solution proposez-vous pour sortir de cette dépendance ?

 Il faut savoir que la Caisse est soumise au régime de la répartition. Cela veut dire que ce sont les agents qui sont en activité qui financent les pensions des retraités. La Caisse n’a jamais obtenu l’intégralité de ses avoirs, qui permettraient d’assurer tous les mois le paiement des pensions. Tout se fait par jeu d’écriture.

En effet, la Caisse ne perçoit pas les cotisations des agents de l’Etat en liquide. Les cotisations s’effectuent par jeu d’écriture. Une partie est versée directement à la Caisse et le reliquat est versé sur notre compte à la trésorerie publique. Pour sortir de cette dépendance, aujourd’hui ce montant est identifié et la Caisse souhaiterait que la restitution de cet argent fasse l’objet d’un échelonnement dans le but de permettre à la Caisse de constituer des réserves et disposer des moyens pour payer ses retraités à date fixe.

Il en va de même pour le secteur privé, nous accusons des retards de paiement des cotisations impactant fortement le paiement des pensions. C’est ce qui explique le fait que ces derniers mois la Caisse n’arrive pas à honorer ses paiements à date fixe. Cependant, nous déployons tous nos efforts pour que chaque retraité puisse toucher sa pension de manière régulière. Je sais aussi que ce problème préoccupe au plus haut point les autorités de l’Etat concernées, à commencer par le chef de l’Etat lui-même.

 

La Caisse demande à plusieurs personnes de payer des compléments de cotisations pour pouvoir percevoir leurs pensions au niveau normal. Comment expliquez-vous cela ?

 Lors d’un Conseil du gouvernement du 26/09/2012, il a été autorisé aux agents devant être admis à la retraite de procéder à la régularisation administrative et financière de leurs avancements lors de leur départ à la retraite. Il s’agit des agents de la Fonction publique (Fop) admis à la retraite ayant obtenu des avancements avant leur départ sans avoir pu bénéficier du salaire correspondant. Ces avancements ont eu des répercussions sur le niveau de leur cotisation à la Caisse de retraites. La pension du nouveau retraité est calculée sur la base de l’indice de salaire correspondant à ses cotisations auprès de la Caisse. Mais s’il veut tirer avantage des avancements qui lui ont été accordés au moment de son départ, la Caisse établit un état des décomptes de ses arriérées de cotisation qu’il doit honorer. La Caisse n’est pas habilitée à gérer la carrière des agents de l’Etat.

La caisse de retraites est actuellement alimentée par des cotisations des agents de la Fop et des sociétés d’Etat seulement. Où en est-on avec les employés du Secteur privé ?

 Si les structures publiques contribuent largement aux cotisations, la Caisse a mené une campagne de sensibilisation auprès des entreprises privées pour accroître leur contribution dans les cotisations reçues par la Caisse. Les retraités du secteur privé représentant encore une faible part des pensionnés actuels. La Caisse a tenu à ce que le secteur privé participe également à l’effort national pour que la totalité des actifs comoriens puissent bénéficier de manière pérenne du droit à la retraite. Aujourd’hui, nous comptons plus de 120 entreprises privées affiliées à la Caisse réparties entre Ngazidja, Ndzuani et Mwali pour plus de 7.000 affiliés.

Une étude réalisée par le Fmi laisserait entendre que votre institution est vouée à la disparition. Confirmez-vous cela ?

 Dans le cadre des réformes envisagées, la Caisse a pendant longtemps recherché un financement pour effectuer ces études consistant à analyser et à évaluer notre système de pension à court et à moyen terme. A mon arrivée à la direction de la Caisse, avec l’appui du ministère des Finances et du Budget, ces études ont été réalisées à partir de 2017. Sur les 6 régimes formellement relevant de la Caisse, trois seulement sont fonctionnels. Ce sont ces trois régimes qui ont fait l’objet de cette analyse. Il s’agit du régime des Fonctionnaires, celui des non fonctionnaires et enfin le régime parlementaire. Sur ces 3 régimes, 2 sont déficitaires cela veut dire que c’est le régime restant qui finance les autres. Au cours de l’année dernière, une restitution de cette étude a été faite auprès de nos autorités et la décision de sa mise en application revient à nos politiques.

Quelles sont les solutions proposées par le Fmi pour sauver l’institution ?

 De cette analyse, il en est ressorti que 2 régimes sur 3 sont en grande difficulté voir déficitaires et des mesures correctrices doivent être prises. Parmi elles, le versement en intégralité des cotisations des agents de l’Etat ; le relèvement d’un point d’indice afin de revaloriser les petites pensions ; l’établissement et la mise en œuvre d’un plan de rattrapage des arriérés logés à la trésorerie publique et la révision de la pratique de rattrapages des avancements. Ces études ont également montré que les problèmes allaient commencer en 2020, si rien n’était mis en place fait. Crée en 1962, la Caisse a aujourd’hui 57 ans d’existence. Le système de pension est vieillot.  Ces études techniques étaient nécessaires et doivent être engagées avant de passer à la législation technique et institutionnelle.

L’encours de crédit auprès de la Trésorerie publique est estimé à 4 milliards. Comment en est ont arrivé là et que faut-il faire pour récupérer cette somme ?

 Il est vrai que nous avons un compte domicilié au Trésor public qui est constitué des reliquats des cotisations des agents de la Fop non versés à la Caisse de retraites. Il est également vrai que la Caisse aimerait pouvoir disposer de ses fonds qui lui permettraient de payer les pensions régulièrement et à date fixe. Mais l’Etat lui-même est confronté à plusieurs contraintes que nous ne sommes pas censés connaitre.

18 millions de francs auraient été dérobés à la Caisse, un agent de la Caisse a même été détenu mais libéré après, où en est-on avec cette affaire ?

 Le dossier est toujours entre les mains de la Justice. Mais il faut savoir que suite à cet acte, qui a eu lieu en janvier 2018, la Caisse a mis en place le système de bancarisation. Il a été demandé à chaque retraité de communiquer à la Caisse l’Etablissement bancaire ou Financier mutualiste de son choix où domicilier sa pension. Les retraités qui étaient payés en espèce ont été basculés dans le paiement par virement. Cela a permis de sécuriser les fonds de pension et d’éviter toute manipulation. Cette réforme longtemps demandée a été une bouffée d’oxygène pour nous et nous a permis de nous recentrer sur d’autres missions de la Caisse.

 

Commentaires