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Chronique Bee mensuelle : Attention, hommes fragiles

Chronique Bee mensuelle : Attention, hommes fragiles

Société | -   Contributeur

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Ah les hommes.... Leur omniprésence, leur omnipotence. Ils sont partout, ils savent et peuvent tout. Si la représentation politique ou la couverture médiatique donnait quelques indications sur la société qu’elle dépeint, on croirait les Comores quasi-exclusivement peuplés d’hommes. De préférence de plus de quarante ans. Mais c’est également comment les hommes se présentent et se représentent qui est intéressant. Une fois n’est pas coutume, cette chronique s’adresse aux hommes.

 

On les voit parader en boubou l’air important, intervenir en qualité d’expert de sujets dont ils ne connaissent rien, donner leur avis d’un ton définitif quand on ne leur a rien demandé. Bref, les hommes donnent cette impression de force et de confiance à la limite de l’invulnérabilité.

Et pourtant. Être un homme de son temps n’est pas si facile. Cuisiner, faire le ménage et les tâches domestiques, s’occuper des enfants, exprimer son amour et son affection pour ses enfants, ses amis, sa femme... Beaucoup d’entre eux s’interdisent nombre de ces activités personnelles ou sociales. D’une part, parce qu’il y a une peur du jugement des autres et d’autre part, car pratiquer ces activités socialement vues comme féminines remettrait en cause leur masculinité.

Je ne suis pas un homme, je me garderais donc bien de parler en leur nom. Je leur pose donc la question: est-ce que votre masculinité réside dans un objet ou une activité ? Cesse-t-on d’être un homme en berçant un enfant ? Moi en tout cas, je ne me suis jamais sentie moins femme parce que je portais un pantalon !

C’est toute la question posée par le concept de masculinité fragile. On élève les petits garçons dans l’idée que pleurer ferait d’eux des filles, et être assimilé à une fille leur est présentée comme une tare. Les enfants intègrent qu’être une fille c’est être faible et que les tâches ménagères sont peu valorisantes.

Le concept même de masculinité est si fragile que porter certaines couleurs suffit à le remettre en question. Des hommes qui aiment cuisiner pour leur femme, j’en connais. Mais laisser un homme cuisiner pour une femme et la servir n’est pas accepté. Vous le verriez dans un foyer que les familles crieraient au scandale.

Les problèmes posés par la masculinité sont donc multiples. Elle opprime les femmes bien sûr, en les maintenant dans un rôle stéréotypé d’éternelle ménagère,  mais elle opprime aussi les hommes qui ne se conforment pas à ce dogme, ou les hommes qui adoptent les codes vestimentaires dits “féminins”. Cette masculinité étouffe les élans créatifs, les inclinaisons affectives, des vocations entières car il faut se conformer à tout prix au risque de perdre le statut d’homme.

À titre personnel, je pense que les hommes qui sont à l’aise dans leur identité d’homme n’ont pas besoin de s’accrocher de manière obsessionnelle à d’insignes marques de masculinité. Des signes si dérisoires. Ils savent qui ils sont, ils n’ont besoin de la validation de personne. Ils osent remettre en question les assignations sociales et n’en sont pas prisonniers.

Et je souhaite à tous les hommes de se libérer de ce carcan toxique. De ne pas retenir leurs larmes quand elles montent aux yeux, et d’avoir l’audace de se définir par des termes plus larges que ce qui leur a été imposé, souvent par eux, parfois malgré eux.


Biheri

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