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Chronique Bee mensuelle : Avoir mal, ce n’est pas normal

Chronique Bee mensuelle : Avoir mal, ce n’est pas normal

Société | -   Contributeur

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Une femme qui souffre, c’est banal. On peut nous voir perchées sur des talons inconfortables. Vous nous verrez le front tiré plusieurs centimètres vers l’arrière dans de fines nattes serrées. Souvent aussi, nous plaquerons un masque d’impassibilité sur notre visage pendant un rapport douloureux ou nous vaquons à nos activités quotidiennes alors qu’un feu de mille soleils déchire nos entrailles.

 

La douleur est notre cadeau. Enfin, c’est l’idée que l’on intègre en tant que fille et ce dès le plus jeune âge.
Se brûler en faisant la cuisine ? Normal. Douleurs pendant les relations sexuelles ? Normal. Douleurs pendant la grossesse ? “Bien sûr, à quoi tu t’attendais ?”. Douleurs à l’accouchement, évidemment. Ça ne s’arrête pas là. Allaiter fait mal. Les conséquences des actes médicaux réalisés pendant l’accouchement créent de la douleur à plus ou moins long terme. Selon que l’on pratique une épisiotomie ou une césarienne, la douleur elle est toujours là. “Mais c’est normaaaal” on vous répète. Être fatiguée pour une femme, c’est normal. Avoir mal, c’est la norme.

Dès un âge tendre où, face à ma mère armée d’un peigne fin et tirant sur mes cheveux et un cuir chevelu tout aussi tendre, je m’entendais dire qu’il ne fallait pas pleurer. Qu’il fallait souffrir pour être belle. Manière de dire qu’il faut souffrir pour être femme. C’est limite un devoir.  On m’a appris comme tant d’autres à accepter la douleur comme partie intégrante de la condition féminine.


Iyo de heli.

D’autres femmes vous loueront même pour votre capacité à faire abstraction de la douleur. Physique et psychologique. Puisque finalement endurer la douleur c’est se faire violence. La violence fait mal mais en tant que femme, nous sommes censées comprendre que le bien vient d’avoir mal. La beauté, l’amour, un bébé. Bref, donc on l’intègre, c’est comme ça.

Sauf que non. Non ce n’est pas normal et banaliser la douleur a des conséquences dramatiques pour les femmes en général et leur santé en particulier.
Prenons le cas d’une maladie comme l’endométriose qui comme le nom l’indique affecte l’endomètre et donc l’utérus. C’est une maladie de l’intime. Une maladie de femme. Une maladie dont le symptôme premier est la douleur.

C’est une des raisons qui en fait une maladie diagnostiquée très tardivement. Souvent au moment où la femme essaie de procréer. Au moment du diagnostic après moult examens, on pourra entendre un médecin s’exclamer : “Mais n’aviez-vous pas de règles douloureuses et abondantes ?” Et la patiente réalisant que les années de calvaire mensuel n’était pas juste une preuve de sa fragilité ou même de son imagination : “Si, mais c’est normal ça.. “.

Et la liste des symptômes de douleurs ignorées soit de la patiente soit des spécialistes censément plus au fait de cette affection est longue comme le bras “douleurs à la miction, à la selle, pendant les rapports et autres syndromes prémenstruels, menstruels, post-menstruels… “. Des proches qui souffrent de cette condition me parle d’un avant/après. Avant quand tout le monde trouve que vous en faites trop, que les règles ne sont pas une raison valide pour rater les cours ou le travail. Avant quand votre gynécologue vous accuse de mentir quand vous dites avoir tellement mal pendant vos règles que vous perdez connaissance.

Et puis l’après. Quand on dit “j’ai mal” sans avoir peur de passer pour une femme faible ou douillette. Quand on met des mots sur ce que votre corps vous inflige, qu’on apprend, souvent tard qu’on n’est pas seule, qu’une femme sur 10 en souffre et donc probablement d’autres femmes de votre entourage qui ont minimisé ces manifestations de douleurs tout autant que vous. Après quand on décide de se battre contre une maladie qui n’a toujours pas de traitement connu.

Après quand on commence à écouter son corps, à respecter ses cris et à lui donner le droit de souffrir et se donner le droit d’être désolée pour soi-même. La douleur est un cri du corps. Et c’est reconquérir toute une dignité et une intégrité que de l’entendre, de refuser de subiri et de le soigner. Sœurs comoriennes, votre corps vous parle, saurez-vous l’entendre.


Biheri

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