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Chronique Bee mensuelle : Où sont les femmes ?

Chronique Bee mensuelle : Où sont les femmes ?

Société | -   Contributeur

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En tant que comoriennes, on ne craint rien de plus dans notre quotidien que les mauvaises langues et le mauvais œil. Si de nombreux facteurs expliquent l’absence des femmes dans l’espace public, on finit toujours par revenir à ce constat: tant que l’adage “pour vivre heureux, vivons cachés” sera d’actualité, nous allons passer à côté d’une génération de femmes leaders qui fuiront les débats publics pour préserver leur réputation.


La plupart de nos décisions sont influencées par le “qu’en-dira-t-on”. Se maquiller sans être mariée, se balader tête nue, sortir après 15h en plein mois de ramadan, assister à une manifestation publique depuis le premier rang, se mettre en avant professionnellement ou même physiquement, ce sont des actes que des milliers de Comoriennes ne prennent pas à la légère.

Nous sommes conscientes de ce qui est considérée comme notre place et nous sommes conscientes de transgresser les normes sociales quand nous la refusons. Les griefs prennent la forme de critiques directes “wola ye udjiwona” et d’actes de réprobation sociale comme ne plus être conviée aux événements de la communauté ou être considérée comme infréquentable.

Première conséquence de ce constat, beaucoup de femmes, une fois dans l’espace public, se sentent obligées de jouer un rôle. Celle que nous sommes dans le privé laisse place à notre soi du dehors. Un personnage socialement acceptable, un cliché ambulant.


Hari hari

Si depuis l’enfance on intègre un certain nombre de codes qui contribue à nous rendre invisibles, il ne faut pas s’étonner qu’une fois adulte, ce soit notre mode de survie.

L’activité préférée des citoyens c’est d’être commentateur sportif de la vie des gens. On glose à longueur de journée et on épie les faits et geste de tous. Les mauvaises langues peuvent mettre fin à votre vie sociale, vous empêcher de trouver un partenaire ou un emploi.

Alors que nous savons le nombre de postes occupés par des hommes aux mœurs douteuses, nous devons être parfaites pour prétendre à un emploi. Notre réputation est la valeur à l’aune de laquelle nous sommes jugées.


Matso-matso

Le mauvais œil est une croyance selon laquelle la malveillance des gens porte malheur. Avérée ou pas, elle nous pousse à minimiser nos réussites pour ne pas susciter de jalousie, à mentir parfois pour éviter d’être enviée.

Conséquence secondaire de cette invisibilité, on ne connaît pas assez les femmes et quand on les cherche on ne les voit pas. L’image publique des femmes reste superficielle. Mashuhuli  basi.

Vous côtoyez des femmes dans votre quotidien, savez-vous quelles études elles ont entreprises ? Quels postes elles ont occupés ? Ont-elles un talent particulier ? Les interactions sociales avec les femmes sont si pauvres, que l’on nous côtoie sans réellement nous connaître.

Une fois ce constat établi, quelles solutions peuvent aider les Comoriennes à s’affirmer tout en restant elles-mêmes ? Faisons preuve de volontarisme. Si on apprend aux jeunes filles à ne pas se mettre en avant, en tant qu’enseignant(e), employeur (euse), époux (se), mettons les comoriennes en avant.

Lors des réunions, donnez la parole à une femme en premier et veillez à équilibrer la prise de parole entre hommes et femmes. À la mosquée, au bangwe, sur les réseaux sociaux, au salon, au bureau, les hommes monopolisent la parole et les écrits.

La parole des femmes est plus rare et porte moins loin. Si vous vous considérez comme un allié des femmes, votre rôle n’est pas de parler en notre nom mais de nous pvesheleya. Les femmes s’émancipent également par l’exemple.

Voir l’une d’entre nous écrire, nous donne envie de prendre la plume, en voir une autre prospérer dans le commerce nous encourage à faire de même. Pour faire émerger  la nouvelle génération de femmes cadres dirigeantes, célébrons les membres de la génération de cadres actuelle. Souvent, on se dit, si cette autre femme peut le faire, pourquoi pas moi ?

Biheri

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