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Chronique Bee mensuelle : Tout le monde le fait, seules les femmes en paient les frais

Chronique Bee mensuelle : Tout le monde le fait, seules les femmes en paient les frais

Société | -   Contributeur

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Le plus court chemin vers le cœur d’une femme, c’est le sexe. Encore aujourd’hui, pour blesser une femme, l’assassiner socialement, on évoque sa sexualité. C’est la manière la plus sûre d’atteindre une cible féminine en plein cœur et de la tuer sur le coup.

 

Mentionner l’intimité d’une femme, c’est l’insulter. Pour un homme, on passera par le sexe de sa mère. Tout un symbole. Comme si emprunter ce passage désacralisait le corps et l’esprit de la femme en entier. C’est l’insulte facile et efficace. L’arme de prédilection des hommes médiocres à court d’arguments. Le “slutshaming”.

Associer notre sexualité à la prostitution. Décréter qu’on ne peut être que sainte ou prostituée. Un moyen de réduire les femmes au silence et d’associer le désir à une tare honteuse à cacher à tout prix. On croirait presque -  vivre dans une société qui tait de manière si obsessive le sexe des femmes- que nous sommes issus d’une divine procréation. Un peuple d’éternelles vierges Marie et de Jésus, fruits d’une immaculée conception. 

Les premières expériences sexuelles sont déterminantes dans le rapport de défiance qu’entretiennent les femmes comoriennes avec leur sexualité. “S’offrir” peut mener à notre perte. Même si bien souvent, on n’a pas le temps de désirer s’offrir que déjà les hommes se servent.

La distinction importe peu de toute façon car on comprend très tôt que tout ce qui se passe dans l’intimité sera systématiquement retenu contre nous. C’est une arme. Des hommes menaceront de divulguer votre statut d’être sexuellement actif si vous osez refuser une faveur sexuelle.

C’est un engrenage. La première fois peut être l’aboutissement d’un amour sincère ou la conclusion d’un rapport contraint, toujours est-il que jusqu’au mariage, vous devez prétendre ignorer tout de la chose et jouer un jeu. Le plus surprenant c’est que ce petit jeu ne s’arrête pas au mariage.

Une femme non-mariée est considérée comme abstinente et que dire de ces mariages où “mwana ha hundriha” alors que la “mwana” en question est une femme déjà mariée et maman ? Qu’en est-il de ceux qui considèrent encore qu’apparaître enceinte en public constitue une offense aux bonnes mœurs ? Cette hypocrisie générale peut prêter à sourire… Sauf qu’elle a de sérieuses conséquences socio-sanitaires.

Dans un pays où les femmes ne font prétendument pas usage de leur appareil génital, y a-t-il besoin d’accès à la contraception ? Aux préservatifs ? À l’Interruption Volontaire de Grossesse ? Aux traitements pour la fertilité ? À la prévention des Maladies ou Infections Sexuellement Transmissibles ?
Est-il possible aujourd’hui de tenir un discours de bon sens, dépassionné, progressiste sur la sexualité ? Essayons de voir !

Commençons par dire:
Oui les comoriennes sont sexuellement actives mais elles le sont souvent à un (trop) jeune âge. À force de dissimuler cette part de la vie, les enfants exposés à ces actes ne savent pas en parler ou s’en prémunir. Les femmes en âge de consentir exercent difficilement leur pouvoir de décision, partagées entre clandestinité et culpabilité. Elles peuvent rarement se confier, en cas de problème, elles sont les seules sur lesquelles on jette l’opprobre.

Continuons en rappelant que :
sexualité maîtrisée c’est d’abord des filles qui étudient mieux et plus longtemps sans interruption de cursus pour cause d’avortement artisanal ou autres grossesses précoces. C’est aussi des femmes qui vivent plus longtemps et en meilleure santé sans le spectre de grossesses ou d’MST à répétition avec les risques de mortalité ou de séquelles qui vont avec.

C’est enfin la moitié d’un peuple qui peut prendre pleine part à la vie économique, sociale, politique, associative sans peur du regard des autres et des mauvaises langues.
Concluons par :

le sexe est comme le feu. Invention indispensable à la survie de l’humanité, n’est-ce pas ? Et qui attendrait qu’un enfant soit en âge d’allumer un feu avant de lui apprendre les dangers qu’il y a à jouer avec ?

Biheri

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