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Chronique Bee mensuelle : Vive la République féministe!

Chronique Bee mensuelle : Vive la République féministe!

Société | -   Contributeur

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Elle n’existe pas alors je l’appelle de tous mes vœux: que vive une république féministe. Pendant que nous sommes tous fixés sur le sort qu’il sera fait à notre constitution, notamment les jours comptés de ladite “tournante”, l’auteure de ces lignes se laisse gagner par l’espoir fou de voir advenir, de son vivant, avec l’émergence que l’on nous promet, une république féministe.

 

Elle ne portera pas ce nom naturellement, le féminisme a mauvaise presse. Tout le monde exècre le féminisme. Trop agressif, trop occidental, trop anti-homme et donc nécessairement anti-pouvoir puisque ce dernier est détenu par les hommes. Mais l’idée est là et mon espoir la fait vivre. Le modèle d’excellence en science de l’émergence est le Rwanda de Kagamé. Un modèle discutable sur nombre de points mais dont les résultats en termes d’avancement social et politique des femmes est indiscutable. Les deux sont liés. Un développement humain et économique solide ne peut faire l’impasse sur 50% des forces vives d’un pays : ses femmes. Tous ceux qui s’intéressent à la question savent qu’il est désormais établi que les entreprises qui favorisent la diversité -notamment de genre - dans les postes stratégiques sont plus performantes que les autres.

Je suis persuadée que tous ceux qui lisent ces lignes sont sincèrement convaincus de n’avoir aucun a priori envers les femmes. Ce n’est pas leur faire insulte que de faire la liste, actualisée de 2017, de tous les stéréotypes liées à la gente féminine qui empêchent une meilleure intégration dans le monde du travail notamment au niveau des postes de pouvoir. Citons pêle-mêle :
comment les femmes pourraient diriger un cabinet ou une entreprise alors qu’elles ont chaque mois leurs règles ?
les femmes ne sont pas sérieuses, elles sont frivoles et superficielles, ne s’intéressent pas à la politique ou à l’économie la maison et la vie familiale empiètera sur l’investissement professionnel.

Ce ne sont évidemment que des stéréotypes. Conscientes des nombreux clichés qui nous collent à la peau, les femmes cumulent plutôt la charge professionnelle et domestique plutôt que d’en privilégier l’une sur l’autre. Nous avons donc toute notre place dans le gouvernement, la Cour Constitutionnelle, la Présidence, Comores Télécom, les Hydrocarbures… et toutes les institutions et grandes entreprises nationales. À ceux qui m’opposeront le manque de hauts cadres féminins pour ce genre de postes, je réponds que sans politique volontariste elles ne risquent pas d’apparaître comme par magie dans quelques années. Je tiens à préciser que féminiser les cabinets ne suffit pas à faire d’une république une entité féministe.

De très nombreuses femmes intériorisent les pires aspects de la patriarchie et sont profondément misogynes : des femmes qui détestent les femmes. Pour une République féministe, il faut que non seulement nous accédions aux lieux de pouvoir mais surtout que l’accès y soit libre et sans restriction genrée, selon notamment un “dress code” ciblant particulièrement les femmes, sujet d’obsession pour nombre de politiques et dignitaires religieux.

Il faut des espaces inclusifs, élire des femmes, nommer des femmes, célébrer les femmes entrepreneures, nombreuses, qui contribuent à la richesse nationale et au rayonnement du savoir-faire et du savoir-être comoriens. Tout cela passe par la mobilisation des femmes et par la conduite d’une politique gouvernementale volontariste et moderne sur ces sujets. Pour l’instant, personne ne voit le lien direct entre avancées économiques et émancipation des femmes. Pourtant il est évident, la crise du recrutement, la rareté de la main d’œuvre qualifiée locale, la difficulté à identifier et rendre visibles les talents, une fois sorti des réseaux de la capitale rendent le recours aux femmes indispensable, incontournable. La question qui subsiste est la suivante: ces messieurs sont-ils prêts à être dirigés par une femme ?

Biheri

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