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Citoyenneté économique I Quitter l’audience : était-ce le bon choix ?

Citoyenneté économique I Quitter l’audience : était-ce le bon choix ?

Société | -   Abdallah Mzembaba

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“Je ne suis pas prêt à être jugé par une cour illégalement constituée. Je demande donc à partir. Faites-moi retourner dans la prison où je suis depuis plus de quatre ans”, c’est en ces termes que l’ancien président de la République, Ahmed Abdallah Sambi a manifesté son choix de quitter l’audience dans laquelle il comparaissait, lundi 21 novembre, pour Haute trahison. Il sera imité par Mohamed Ali Soilihi à travers son avocat et Mhoumadi Ibrahima Sidi. Un choix qui n’a pas manqué d’animer les débats depuis.

 

Lundi 21 novembre, premier jour du procès pour haute trahison devant la Cour de sûreté de l’État, l’ancien président de la République, Ahmed Abdallah Sambi, l’ex-vice-président, Mohamed Ali Soilihi ou encore l’ancien vice-président de l’Assemblée nationale, Mhoumadi Ibrahima Sidi ont, avec la bénédiction de leurs avocats fait le choix de quitter l’audience jugeant que “cette juridiction n’était pas compétente pour statuer sur cette affaire”. Était-ce le bon choix ? Pouvait-il en être autrement ? Peut-on comprendre une telle décision ? Le verdict rendu lundi 28 novembre, perpétuité pour le premier (et perte de ses droits civiques), 20 ans de prison pour le second et neuf ans de prison pour le troisième, aurait-il pu être moins lourd si les intéressés étaient restés s’expliquer et surtout se défendre comme l’ont fait les autres accusés dans cette affaire ?

“Les Comoriens ont droit à la vérité.”

Ce choix, de quitter l’audience, ne laisse pas les Comoriens indifférents et chacun y va de son avis. Mahamoud Msaidié estime que les intéressés n’ont pas fait le bon choix. Cet ingénieur météorologue et révisionniste du temps insiste sur le cas Ahmed Abdallah Sambi. “Il fallait être présent jusqu’à la fin du processus pour le respect des institutions comoriennes dont il était le chef suprême ! Je condamne par l’occasion ses propos tenus durant la première séance, la seule à laquelle il a pris part, puisqu’il a qualifié l’institution de juridiction haram !”. Dans sa logique, Mahamoud Msaidié déclare que l’ancien président “aurait pu aller éclairer l’opinion et la justice sur sa défense.

 

Il doit respect et vérité au peuple comorien, celui qui l’a élu à la magistrature suprême”. Enfin, “en ce qui concerne le jugement, point de doute qu’il a été récupéré à des fins politiques et Ahmed Abdallah Sambi et Mohamed Ali Soilihi en sont les principales cibles”. Un avis que partage Kassim Ahmad, nu jeune sans emploi, mais pas pour les mêmes raisons. En effet, lui se focalise sur la manne financière de cette affaire. “Que ce procès soit juste ou injuste comme il le dit, quitter l’audience, c’est donner raison au camp adverse. Tous les Comoriens avaient besoin d’entendre la vérité, mais le choix de se muer dans le silence et opter pour la politique de la chaise vide n’était pas une très bonne idée”, soutient-il.


Il poursuivra, “maintenant, il n’y a aucun Comorien qui peut s’expliquer sur ce qu’ont fait Ahmed Abdallah Sambi, Mohamed Ali Soilihi, Bashar Kiwan et consorts. On nous a eus. En tant que comorien, je veux seulement savoir où est passé notre argent.La justice doit poursuivre son travail jusqu’à trouver notre argent, c’est ce qui m’intéresse”. Mohamed Badoro Badroudine, juriste en droit des affaires, affirme lui comprendre la décision de l’ancien président de la République. “Rien n’a été fait pour qu’il y ait les garanties et les garde-fous d’un procès équitable. Absolument rien. La double juridiction rien que ça. Même Allah te laisse la possibilité de faire appel. C’est triste, mais tout a été bâclé et c’est dommage. Je pense qu’on a raté un tournant”, allègue-t-il avant de poursuivre “Allah lui ne doit de compte à personne, mais il a fait en sorte qu’on puisse revenir sur nos actes.

 

Si c’était moi son avocat, je lui aurais conseillé de quitter l’audience. De quitter cette mascarade et laisser les gens finir leurs films. C’est une stratégie de défense et c’est la mienne, à chacun son point de vue”. Pour une autre source qui a requis l’anonymat, “je pense que ce fut une erreur de la part de Sambi de ne pas se défendre. Au moins pour deux raisons, c’est en réalité une bataille politique entre l’actuel et l’ancien président. Le premier voulant se maintenir au pouvoir éternellement, l’autre voulant le faire dégager pour revenir”. Elle poursuivra “de ce point de vue, ce procès aurait pu être une tribune politique. Une tribune que n’aura plus le président Sambi qui pourrait mourir sans avoir jamais eu la possibilité de se défendre. L’histoire regorge de procès injustes dont les victimes ont réussi à transformer en événements politiques historiques”. Ensuite, “en optant pour le silence, ils ont réduit la possibilité de pointer du doigt les failles de cette juridiction et son caractère fantaisiste ainsi que les accusations issues d’un document (rapport dit parlementaire) dont la légalité est contestée.

“Même Allah te laisse la possibilité de faire appel”

Sans compter cette histoire de subornation de témoin en la personne de Bashar Kiwan”, déclare notre source pour qui “au total, leur présence à la barre aurait été bénéfique en tant que tribune politique et pour dézinguer cette cour. Ils auraient contredit les assertions assenées au cours de ce procès. Les tribunaux dans ce pays ont toujours été entachés d’irrégularités apparentes ou cachées.Pourtant, des procès ont toujours eu lieu. Y compris celui du général Salimou dont Dieu sait combien il était vicié. Je pense que si Sambi attend le jour où il y aura une justice irréprochable pour comparaître, il n’aura pas assez de sa vie pour attendre. Il a commis une erreur d’appréciation monumentale à mon avis”.

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