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Colonel Soilihi Abdallah Rafick I «Nous réduisons la vulnérabilité communautaire et bâtissons un pays résilient aux catastrophes»

Colonel Soilihi Abdallah Rafick I «Nous réduisons la vulnérabilité communautaire et bâtissons un pays résilient aux catastrophes»

Société | -   A.S. Kemba

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Le directeur général de la Sécurité civile fait le point sur la gestion du cyclone Chido qui a sérieusement endeuillé les îles, le 14 décembre dernier, à Mayotte plus particulièrement. Soilihi Abdallah Rafick étale les forces et les faiblesses du Plan de secours spécifique cyclone (Pssc), se félicitant d’une meilleure appropriation du dispositif d’alerte par ses équipes et la population. L’officier reconnait des avancées en matière de gestion des risques de catastrophes mais appelle toutefois à une sensibilisation accrue des décideurs politiques et des citoyens sur la vulnérabilité de l’archipel, exposé, de façon irrémédiable, à différents types d’aléas naturels.

 

Quelles sont les premières leçons à tirer du cyclone Chido ?


Les premières leçons à tirer de cet événement pour la Direction générale de la Sécurité civile sont de trois ordres : D’abord la communication de l’alerte : la Dgsc dispose de réseaux de communication à la population qui sont les chefs de villages, les maires et les imams des mosquées de vendredi. L’expansion de l’information numérique aussi a fait que le groupe WhatsApp crée à l’occasion, a bien marché, ce qui a permis d’avertir les principaux acteurs de se tenir prêts sans affoler la population.

Ensuite, les infrastructures vulnérables : les infrastructures ne sont pas résilientes. Les maisons, les infrastructures publiques et privées n’étaient et ne sont pas suffisamment résistantes pour faire face aux vents cycloniques de plus de 160Km/h. Il est plus que nécessaire de revoir les normes de construction des infrastructures, telles que les habitations, les hôpitaux et les aéroports pour les adapter aux conditions météorologiques de notre région et c’est exactement ce qui est prévu dans les documents stratégiques du gouvernement tel que le Pce.

Enfin, le Plan d’évacuation et d’hébergement : il est nécessaire d’alimenter nos bases de données communautaires en vue de mettre à jour nos procédures d’évacuation et d’hébergement. Durant le cyclone Chido, nous avions identifié des lieux d’hébergement pour 2667 personnes dans les zones à risque d’être impactées, ce qui est largement insuffisant pour les 3 îles.

Quel bilan faites-vous de cette catastrophe ?


Bien que les dégâts soient relativement limités par rapport aux prévisions initiales, le cyclone Chido a eu des impacts significatifs dans certaines localités de Ndzuani et de Mwali et ce malgré les dispositions prises par la Direction générale de la sécurité civile et les forces de l’ordre pour assurer la sécurité de la population. Le bilan de l’évaluation rapide faite à Ndzuani et Mwali se présente comme suit : 64 167 personnes affectées, 218 maisons impactées (partiellement détruites, totalement détruites et inondées), 45% des cultures agricoles sont détruites. Pour l’élevage, on compte seulement 4% et pour l’éducation 18 établissements scolaires impactés.

Quelle évaluation faites-vous du Système d’alerte précoce, le dispositif a-t-il fonctionné à tous les niveaux ?


Il faut savoir que nous disposons d’un plan de contingence national et d’un Plan de secours spécifique cyclone (Pssc) qui définissent ensemble la marche à suivre en cas de cyclone. Ce dernier détaille tous les scenarios possibles et les différents canaux de transmission des messages depuis l’émission de l’alerte jusqu’à la levée d’alerte vers la population. Aujourd’hui on peut dire qu’au niveau opérationnel, notre système d’alerte a bien fonctionné, ce qui nous ramène à un bilan positif sans pertes humaines bien que le vent y soit de moins d’intensité.

La Dgsc a pu compter sur : Une coordination efficace avec les services météorologique, qui a permis de diffuser des alertes avant l’arrivée du cyclone. Je remercie au passage les hommes du docteur Abdoulwahab de la Dtm pour le travail de précision qu’ils ont remis continuellement à la Dgsc. Elle a pu compter aussi sur une bonne interprétation des messages d’alerte, car nous avons formé les communautés vulnérables sur comment interpréter les messages d’alerte et agir dans des situations similaires.

Encore une fois, la création du centre d’alerte multi risques à la Dgsc a été d’un grand apport nous devons continuer à l’améliorer. Enfin, il faut noter une très bonne collaboration inter-agences avec l’implication des autorités locales à savoir (les maires, les préfets, les gouverneurs.), des forces de sécurité (Police nationale, la Gendarmerie, la Force comorienne de défense) et du mouvement scout.

Les services de la Dgsc étaient-ils vraiment à la hauteur de la menace, quelles sont les failles et les succès du Plan spécifique cyclone ?


Les points forts du plan spécifique cyclone réside, d’abord dans la préparation et l’anticipation : si la sécurité civile avait préalablement identifié les zones à risque, mis en place des stocks stratégiques (vivres, matériels de secours) et simulé des scénarios d’intervention, cela constitue un succès en termes de préparation. Les formations régulières des équipes renforcent leur capacité à réagir efficacement. Ensuite, la réactivité : une mobilisation rapide des équipes sur le terrain, associée à une bonne coordination avec d’autres acteurs (Scouts, Ong, forces armées), témoigne de l’efficacité de la sécurité civile.

Il y a aussi l’efficacité de la communication. La diffusion de consignes claires à la population, via des moyens variés (médias, réseaux sociaux, microphone des mosquées, alertes Sms), peut prévenir les pertes humaines. Enfin, le soutien aux populations : si des abris sécurisés ont été activés à temps et les populations vulnérables (personnes âgées, malades, enfants) prises en charge, cela souligne un bon fonctionnement.

Et les failles ?


En ce qui concerne les failles potentielles, il y a le manque de moyens matériels : une pénurie de ressources, comme des véhicules tout-terrains, des hélicoptères ou des équipements de secours, peut ralentir les opérations. Il y a aussi l’accès difficile aux zones isolées : si certaines zones ont été coupées (routes inondées, ponts détruits), cela révèle des limites dans la logistique d’urgence. L’on notera aussi une sensibilisation insuffisante : une population mal informée ou non préparée à réagir aux consignes (évaluation tardive, manque d’abris) peut alourdir les conséquences.


Enfin, il y a le surmenage du personnel : en cas d’alerte prolongée ou de catastrophes multiples, un effectif insuffisant peut épuiser les équipes. Dans le cas du cyclone, nous avions testé et mis en place avec la direction technique de la météo, un plan de secours spécifique cyclone et inondation qui définit toutes les procédures, les niveaux d’alerte et leurs différentes caractéristiques. Nous étions donc déjà préparés. Malgré toute cette préparation face à un événement d’une telle intensité (385Km/h), nous étions conscients de la vulnérabilité des infrastructures communautaires, publiques et privées.

Vous avez fait savoir que le pays entre dans la saison cyclonique qui s’étale de novembre à Mai. Qu’est ce qui doit être fait maintenant ?


Tout d’abord, nous insistons sur la nécessité de sensibiliser les autorités et toute la population comorienne sur les risques auxquels l’archipel des Comores est exposé. Des équipes de la Dgsc plus précisément la Sous-direction des études et de la prévention et le chef du Cosep, sous mon autorité en collaboration avec nos partenaires, ne cessent d’organiser des campagnes de sensibilisation à l’échelle nationale portant sur la saison cyclonique. Nous faisons donc appel à tous les acteurs et les communautés de nous rejoindre dans cette initiative pour qu’ensemble nous réduisons la vulnérabilité communautaire et bâtissons un pays résilient aux catastrophes liés au climat.

Quel rôle joue un chef d’État en période de crise et quel est votre sentiment par rapport à l’implication directe du président Azali Assoumani dans la gestion du cyclone Chido ?


Tout d’abord, la Dgsc tient à témoigner son entière reconnaissance au président de la République, Azali Assoumani pour son implication directe dans la gestion du cyclone Chido et son soutien moral, mais il faut savoir qu’en tant que tel, il préside la commission nationale de gestion de crise pour donner les grandes orientations face à une catastrophe prévisible ou imminente. En effet, nous disposons d’une Plateforme nationale de réduction de risques de catastrophes composée de deux Organes :


La commission nationale (où se prennent toutes les décisions stratégiques) regroupe tous les départements ministériels. La coordination nationale qui regroupe tous les techniciens et assurant la mise en œuvre de la Stratégie nationale de réduction des risques de catastrophes dont je suis le coordinateur national

À Mayotte, le bilan est extrêmement grave. Certes, l’île est sous occupation française mais quel type de soutien la Dgsc pourrait-elle proposer en coordination avec la Piroi pour apporter assistance aux sinistrés ?


D’abord par la même occasion je saisi cette opportunité pour présenter nos condoléance aux familles attristés, me solidariser avec les sinistrés. Bien sûr, nous offrons notre total soutien. La Dgsc dès la fin de l’alerte rouge et ayant eu le bilan de Mayotte causé par le cyclone, nous avons activé le plan de préparation et de réponse multisectorielle afin de voir ce que l’on peut apporter à nos sœurs et frères mahorais. Il faut savoir que la Dgsc travaille en étroite collaboration avec tous les acteurs régionaux impliqués dans la gestion de risques de catastrophes, y compris les pompiers de Mayotte.


De ce fait, dès que le gouvernement comorien nous donne l’ordre, la Dgsc est prête à déployer de Sapeurs-pompiers, des analystes de données, des cartographes et des spécialistes en recherche et sauvetage et une équipe médicale d’urgence pour aller appuyer les équipes sur place dans la recherche des rescapés, les évaluations des dégâts et l’assistance aux personnes touchées par le Cyclone Chido.

 

 

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