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Commission Electorale Nationale Indépendante : “Céniques” péripéties

Commission Electorale Nationale Indépendante : “Céniques” péripéties

Société | -   Mohamed Youssouf

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La réélection d’Ahmed Mohamed Djaza en tant que président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) au terme d’une élection (dont seule la Ceni a le secret) continue de soulever des questions jusque là sans réponses. Dernier fait “marquant”, le courrier envoyé par la Cour des comptes, le 11 septembre dernier dans lequel le président de la Ceni est sommé “d’envoyer les pièces établies dans le cadre du paiement de la totalité des montants versés à la Ceni” provenant de l’aide budgétaire saoudienne. La Commission électorale aurait reçu 501 millions en 2015 et 400 millions en 2016 sans qu’aucun justificatif ne soit envoyé à la Cour des comptes…

 

Tout commence lorsqu’en fin 2015 et après les élections harmonisées des députés, des maires et des conseillers insulaires, la Cour des comptes a publié un rapport accablant qui parle de détournement de fonds et de gestion opaque au sein de la commission électorale. “La gestion financière de la Ceni est jugée loin d’être transparente. Entre absences de plan comptable, de bilan comptable et de compte de résultats, il faut ajouter que, les dépenses de la Ceni ont été faites soit par le président soit par le secrétaire général sans un comptable public” (Al-watwan édition No 3015 du vendredi 23 septembre 2016).

Dans ce rapport, il est indiqué que plus de 153 millions seraient utilisés sans justificatifs ou avec des justificatifs insuffisants. Peu de temps après ce rapport, des commissaires de la Ceni ont signé un courrier pour demander la démission du président Ahmed Mohamed Djaza et du secrétaire général Ali Mohamed.

Djaza l’impassible

Cette missive du 16 décembre 2015, signée entre autres par Saïd Mzé Dafiné et Latuf Abdou, revient sur le rapport de la Cour des comptes et des 153 millions qui se seraient volatilisés. “Nous vous demandons de faire preuve de nationalisme en vous retirant de vos fonctions respectives de membres du bureau de la Ceni” pouvait-on lire sur le courrier. Mais ça c’était avant pas aujourd’hui.

Le 21 décembre 2015, Al-watwan rapportait dans son édition No2825 que les membres de la commission électorale sommaient “les deux premiers responsables de l’institution de remettre leurs démissions” et demandaient

 

la mise à l’écart d’une partie de l’équipe à qui ils reprochent de vouloir ternir l’image et la réputation de l’organe en cette période charnière.

 

Rappelons que la tenue des élections présidentielles était imminente au moment des faits. La réponse du président de la Ceni ne s’est pas fait attendre puisqu’en janvier 2016, Saïd Mzé Dafiné et Latuf Abdou étaient officiellement suspendus de leurs fonctions.
Ces suspensions ont eu l’effet de précipiter la démission de la secrétaire de communication de la Ceni. S’en est suivie une bataille juridique qui a vu la réintégration des suspendus par la Cour constitutionnelle.

 De la prison à la réélection

Il faut dire en effet que dans l’édition No 2846 du 21 janvier 2016 du journal Al-watwan, Saïd Mze Dafine et Latuf Abdou avaient laissé entendre qu’ils ne connaissaient toujours pas les fautes qui leur étaient alors reprochées. “Sincèrement, nous ne savons pas ce qu’on nous reproche surtout que nous étions en mission de formation quand la décision a été prise” avait expliqué Latuf Abdou. Parler d’un climat délétère à ce moment-là relevait de l’euphémisme.

Au cœur de la tempête, Djaza est resté impassible et a fini par rester à son poste et à organiser les élections présidentielles malgré les nombreuses suspicions qui l’entouraient. A la fin de l’inédit troisième tour des élections présidentielles, Dr Ahmed Mohamed Djaza s’est encore distingué en prenant la fuite le soir même de l’élection partielle mais en prenant le soin d’emporter avec lui les urnes et donc les résultats.

 


Lire aussi : La nuit où le président de la Ceni a pris la fuite


 


Divergences internes

Cette attitude a provoqué l’ire de la vice-présidente de la Ceni qui a assumé ses responsabilités en proclamant les résultats. Elle a au préalable affiché son mécontentement dans l’édition No 2926 d’Al-watwan du vendredi 13 mai 2016. .

 

La moindre des choses c’était de nous prévenir lorsqu’ils ont décidé de partir, car je n’ai pas connaissance qu’il y avait un quelconque malentendu entre nous. Cela ne nous a pas plu car nous avions commencé un travail ensemble et ils nous ont laissés tomber au milieu et dans l’insécurité, étant donné qu’ils ont emmené avec eux toute la garde

 

avait déclaré Nadjahi Allaoui. Après plusieurs mois d’accalmie, le couperet est tombé le samedi 8 octobre 2016. La justice n’avait manifestement pas oublié le rapport de la Cour des comptes et Djaza s’est retrouvé en détention provisoire en compagnie de cinq autres membres de la Ceni. “Ayant reçu le rapport de la Cour des comptes, nous avons saisi un juge d’instruction pour poursuivre les investigations. Le rapport en question parle de détournement de fonds…” expliquait le procureur d’alors dans Al-watwan No3025 du lundi 10 octobre 2016.

 

 

Bénéficiant d’une liberté provisoire après trois mois de détention, le président de la Ceni a pu entretemps réintégrer l’institution. Quelques mois plus tard, il s’est à nouveau présenté pour la présidence de la commission électorale et il vient d’être réélu au terme d’un scrutin sans concurrence. Aussitôt aux responsabilités, Ahmed Mohamed Djaza a reçu des nouvelles de la Cour suprême via sa section des comptes.

Des sommes encore à justifier

Dans un courrier signé le 11 septembre dernier, le président de la Ceni est sommé “d’envoyer les pièces établies dans le cadre du paiement de la totalité des montants versés à la Ceni” dans le cadre de l’aide budgétaire saoudienne. La commission électorale aurait reçu 501 millions en 2015 et 400 millions en 2016 sans qu’aucun justificatif ne soit envoyé à la Cour des comptes.

Le plus surprenant est que la majorité (certains se seraient abstenus lors du vote) des membres qui ont eu à un moment donné à déplorer les agissements de Djaza, font tout bonnement front aujourd’hui autour de lui en l’élisant à nouveau à la tête d’un organe o combien sensible.

 


Lire aussi : Commission Electorale Nationale Indépendante Ahmed Mohamed Djaza : Le retour


Aujourd’hui, Nadjahi Allaoui, Saïd Mzé Dafiné et tous les autres semblent plus que jamais prêts à tout pour soutenir celui qui fut jadis l’objet de toute leur exaspération. Force est donc d’admettre que Djaza a le don de renaitre de ses cendres tel un phénix.


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