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Confinement et culture

Confinement et culture

Société | -

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Que faut-il faire, pour remplir le temps qui passe, l’optimiser, ne pas se laisser abattre par la léthargie, rester debout durant cette épreuve et savoir occuper son temps ? Ayons en tête cette sagesse de Proust: «Une heure n’est pas qu’une heure, c’est un vase rempli de sons, de projets et de climats».

 

Le coronavirus est là, il sévit. Les mesures de protection sont là aussi : se laver les mains avec du savon ou d’un désinfectant, la distanciation sociale, fermeture des mosquées, interdiction de rassemblement, contrôle des frontières …
Et une autre mesure qu’est le confinement. Le mot est lâché. Rester à la maison. On prend un temps sur le travail, sur les loisirs, les festivités sociales, les madjliss…. et on rajoute au repos : « nothing to do all day, but stay in bed » dirait le dessinateur antimilitariste contre la guerre du Vietnam. Mais comment optimiser ce gain de temps (forcé). Ce temps additionnel au repos du guerrier. Elémentaire, mon cher Watson : jardiner, bricoler, lire….

Jardiner, donc soigner les plantes, couper l’herbe (au pied du coronavirus) et surtout songer à planter des arbres fruitiers. Oui, ça augmente la production en miniature. Bricoler, il y a toujours du travail à faire à la maison, bien que le service effectué ne soit pas pris en compte par la Comptabilité nationale, le bricolage n’est pas comptabilisé, mais si c’est le voisin qui vous fait ce service et que vous le payez, ça entre dans l’informel.
En dernier temps, La culture au service du temps perdu : Lire, écouter la musique, voir des films….
Bien, bien ! Vaste chantier comme dirait l’autre. Par où commencer ? Que faut il lire, voir comme films, écouter comme musique pendant cette période de temps où on reste un peu plus à la maison ? La liste des livres à lire, des films à regarder et des chansons à «consommer», relative à une épidémie comme celle ci, est aussi longue que celle des femmes de Dom Juan et je vais faire un choix qui ne prétend pas à l’exhaustivité, peut être non plus à l’objectivité systématique. C’est un choix qui est le mien.

Lire, que faut-il lire ? Commençons comme dans le raisonnement par l’absurde. Qu’est ce qu’il ne faut pas lire ? Ou relire, s’agissant des classiques, ces grands chefs d’œuvre que tout le monde est censé avoir lus. Ne pas lire c’est très fort, c’est pour souligner qu’il ya des passages dans ces livres, où on parle d’actes qui, en ce temps de coronavirus, sont interdits.
Par rapport au climat sanitaire, social ambiant, « le rouge et le noir » de Stendhal, vient en premier temps et surtout quand il s’agit de prendre la main de Mme De Rénal dans le coup de minuit. A tous les julien, il est interdit de prendre la main. On se salue sans se serrer la main. Proust à la recherche du temps perdu, qualifie le shake hands d’ «acte de civilisation». Interdit aussi, les jeunes garçons ne doivent pas serrer la main de jeunes filles. Attendre la fin du coronavirus.
Et les nostalgique de 68, on est obligé de passer outre les slogans : « il est interdit d’interdire », « La parole générale contre la parole du General »... Il n’y a pas d’exécutif contre le peuple, le confinement et la mise au pas sont un mal nécessaire en ce temps-ci.

A Sheila, l’école est finie, ou fermée, mais on ne prend pas la main : « Donne moi ta main, et prends la mienne, la cloche a sonné. Ça signifie, la rue est à nous…. ». De l’autre coté, que faut-il lire, voir comme films ou écouter comme chansons. On a l’embarras du choix.
-Naturellement vient en tête, «la peste» de Camus. La ville d’Oran est mise en quarantaine. Et à l’intérieur, des braves gens s’activent pour lutter contre cette épidémie. En tête vient le docteur Bernard Rieux, qui a compris dés le début, la dimension de l’épidémie, et a ramené progressivement son entourage à la cause. Chaque action entreprise pour lutter contre l’épidémie est assimilé à un acte de résistance. Car c’est la guerre, le mot est lâché.
- «La mort à Venise» de Thomas Mann, une épidémie de Cholera à Venise et les autorités sanitaires ont mis la ville en quarantaine. Quelques résistances, mais la ville est isolée du reste du monde. Courage et responsabilité des autorités sanitaires.
- Et Marseille, «Les pestiférés» de Pagnol, publié à titre posthume, il décrit la résistance des habitants d’un quartier de Marseille face au cholera de la Provence de 1720. Il y a exactement trois siècles.

Apparaissent comme figures de lutte contre cette épidémie, François –Xavier de Belsunce et Nicolas Roze. Cette ville d’où proviennent, le savon, l’OM, une partie des joueurs de l’équipe nationale comorienne de foot, le professeur Didier Raoult… nous enseigne un peu plus avec le temps.
Non loin de là, Giono J. « les hussards sur les toits » dans cette ville des Alpes de Haute Provence qu’est Manosque, perché sur un toit permet de mieux voir comment s’organise la population en période d’épidémie de cholera. Mal partie dans la détermination de la cause de l’épidémie, cette population va, donc par conséquent, adopter des solutions, maladroites, superstitieuses, et être en quête perpétuelle d’un bouc émissaire (qui est sur le toit d’une église).
- La Fontaine, «les animaux malades de la peste».«Un mal qui répand la terreur, Mal que le ciel en sa fureurInventa pour punir les crimes de la terre…»La liste n’est pas exhaustive, il y a d’autres…

Dans cette situation, on remarque qu’une certaine fiction cinématographique récente (et d’autre ancienne) a rejoint la réalité, Les réalisateurs sont ils prophètes ou réalistes, ils ont dû voir venir le Coronavirus et sa suite.On peut citer :
- Le réalisateur coréen, Sang-Ho Yeon qui a imaginé, il y a quelques années (2016), une pandémie qui frappe la Corée du Sud. Un papa et sa fille tentent d’échapper la région nord qui est fortement contaminée : « le dernier train pour Busan ».
- Le confinement mène peut être à l’apprentissage, du chaos sort l’ordre de bien faire les choses, après tout, ce monde n’est qu’apprentissage surtout quand il s’agit de quatre enfants abandonnés par leur mère, qui recréent leur monde dans un petit appartement, le désordre ménager apparent mène à une prise de conscience de ce qu’il faut faire : serons nous les mêmes avant et après le Coronavirus ?
Réponse dans le film du japonais Kore Eda «Nobody Knows», 2004.
- On peut citer « seuls two », film français, d’Eric Judor et Ramzy Bedia, France 2007
Deux personnes qui se promènent dans une ville vide….
Il y a d’autres….

Et celle là, qui adoucit les mœurs, que l’autre a dit «de la musique avant toute chose ».
La musique, écoutons Adinan et autres artistes comoriens, nous parler des recommandations des médecins (les dix commandements de Dieu), relatives à cette pandémie à faire et ne pas faire, sur fond de générique « yeshonde shihudru ye wala », à chaque couteau son étui.
Peut être avec un peu de temps, on peut écouter Mdzadzé Moinaecha, racontant son histoire, du difficile périple d’une femme avec un bébé, emmenant sa mère de Bandadaweni (Domba) à l’hôpital de Fumbuni (probablement en 1975), wulido mgu, kahomo hudja, Rwabana ngufulio….
Et une pensée pour ceux qui nous quittent définitivement, d’ici comme d’ailleurs, victimes du Coronavirus ou d’autre maladie. Écoutons Mireille Mathieu « On ne vit pas, sans se dire adieu ».
Que faut-il faire, pour remplir le temps qui passe, l’optimiser, ne pas se laisser abattre par la léthargie, rester debout durant cette épreuve et savoir occuper son temps ?
Ayons en tête cette sagesse de Proust: «Une heure n’est pas qu’une heure, c’est un vase rempli de sons, de projets et de climats».

Par
ELHADJI Mohamed*

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