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Conflit Maweni-Ntsorale I «La justice doit être ferme et sans complaisance»

Conflit Maweni-Ntsorale I «La justice doit être ferme et sans complaisance»

Société | -   A.S. Kemba

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Le délégué à la Défense a accordé, hier, une interview à Al-watwan, soit quelques jours après les accrochages violents entre des jeunes de Maweni et de Ntsorale dans la région de Dimani. Youssoufa Mohamed Ali ( ici au centre sur cette photo) a déploré le décès de l’ancien commissaire Moegni Assoumani et a condamné les dégâts matériels enregistrés dans les deux localités. «Ce sont des actes graves à condamner et à punir sans aucune complaisance», dit-il. Il est également revenu sur les mesures prises par l’Etat pour accompagner la population face à l’inflation galopante, les leçons à tirer mais aussi l’objectif sommaire du prochain séminaire gouvernemental.

 

Un homme est décédé au cours d’un conflit entre deux localités. Ce n’est pas la première fois que cela arrive. On se rappelle, par exemple, du vieux de 80 ans originaire de Ndruani décédé dans de circonstances similaires. Le phénomène devient inquiétant. Que faut-il faire ?


Je crois que la justice devrait se montrer d’une grande sévérité. Nos tribunaux doivent se montrer exemplaires face à de tels actes ignobles. Il n’y a pas de solutions miracles. Il faut punir sévèrement ceux qui seront reconnus coupables par la justice. Nous condamnons ces actes de violence. La justice doit être ferme et sans complaisance. Les auteurs de tels faits doivent répondre de leurs actes. La paix est notre richesse. Je pense aussi que l’ensemble des couches sociales doit encore et toujours se mobiliser pour promouvoir nos valeurs de paix et de tolérance. Les imams, les notables, les religieux, les mouvements des femmes, les associations, les élus locaux doivent multiplier les actions de sensibilisation pour aider à enrayer ces formes de violences.

Le procureur de la République annonce une enquête approfondie pour identifier d’éventuels complices directs ou indirects. Comment avez-vous apprécié l’intervention des forces de sécurité ?


Il faut attendre le rapport de situation pour se prononcer. Mais, d’ores et déjà, on doit féliciter la gendarmerie et les forces de sécurité qui ont agi avec promptitude et professionnalisme. Les agents déployés ont fait un travail honorable. Grâce à eux, cinq personnes présumées être les auteurs de cet acte odieux (la mort de Moegni Ousseine, ndlr) ont été arrêtées et placées en détention. Ce sont des actes graves à condamner et à punir sans aucune complaisance. Je profite, après les condoléances du chef de l’Etat adressées à la famille du défunt, pour exprimer ma compassion à la même famille éplorée.

Pour de nombreux citoyens, la vie quotidienne est de plus en plus difficile, voire même insupportable, à cause notamment de l’inflation. Comment atténuer les effets de cette crise qui touche presque toutes les couches sociales ?


La situation est compliquée par des phénomènes et d’autres réalités bien connues de tous. Le monde entier est en crise. Des pays comme nous vont sans nul doute subir les conséquences de ces phénomènes. Il y a un problème de l’offre, la demande est très forte. La logistique internationale est perturbée. Les produits (les biens, les denrées alimentaires…) deviennent de plus en plus chers dans les différents marchés internationaux, le fret devient aussi cher. Le gouvernement, sur instruction du président de la République, a mis un fonds de 5 milliards avec un taux réduit à la disposition des opérateurs économiques. L’objectif est de faire en sorte, d’abord, qu’il ne manque rien dans le pays en termes de denrées de consommation de base.

Je pense qu’il faut saluer cette vision du chef de l’Etat d’anticiper un soutien aux commerçants pour inonder le pays en produits alimentaires surtout en cette période de forte demande. Aujourd’hui, il ne manque rien ou presque : farine, riz de luxe, riz ordinaire, produits carnés, produits pétroliers. L’Etat a mobilisé 800 millions de francs pour l’acquisition d’un bateau car l’un des problèmes vécus et l’acheminement des produits à partir des ports d’éclatement. Ce problème a été réglé suite à l’achat de ce bateau. Nous n’aurons aucun problème aujourd’hui pour faire venir les produits dans nos ports.

Le pays a connu une pénurie inédite du riz ordinaire. Des files d’attente interminables partout. Comment expliquez-vous cela ?


J’admets ce phénomène. Mais il faut savoir que l’Onicor a bien importé les quantités habituelles. Mais nous nous sommes retrouvés face à une situation particulière marquée par une forte demande du même produit au même moment. Les besoins en quantité ont triplé, voire quadruplé, à cause des festivités du grand mariage. Donc, ceux qui avaient dissimulé le riz ordinaire ont profité pour faire monter les prix. Et, c’est difficile à gérer. Ceux qui étaient prêts à débourser 12.000 pour un sac de riz de 7.000 ont cassé les règles du marché. Et comme tout le monde voulait du riz au même moment, cela a engendré une explosion des prix. C’est la loi de l’offre et de la demande. Le gouvernement a subventionné le riz à plus d’un milliard de francs. Le gouvernement a aussi subventionné le pain à hauteur de 400 millions et a mobilisé sur fonds propres le bateau à 800 millions après avoir mis 5 milliards à la disposition des opérateurs économiques.

Toujours est-il que la vie reste très chère. Il n’y a toujours pas justement un contrôle des prix. Les citoyens subissent la loi des commerçants qui fixent les prix comme bon leur semble. Que faire ?


Il faut inonder le marché et renforcer les mesures de contrôle des prix. Il y a aussi des mentalités à revoir. Les citoyens ont aussi un rôle à jouer dans la régulation de notre système commercial. Le gouvernement fait de son mieux pour limiter les effets néfastes de cette crise. S’il n’y avait pas cette initiative du chef de l’Etat d’accompagner les opérateurs économiques, la situation aurait pu être beaucoup plus compliquée, voire même pire. On aurait aimé faire beaucoup plus. Ce soutien du gouvernement a permis de limiter considérablement l’impact. Sur le riz ordinaire, nous regrettons le comportement de certains commerçants qui ont dissimulé le produit. Mais les forces de l’ordre ont été réquisitionnées pour superviser les ventes. Il y a, une quantité importante de riz attendue et qui devrait largement couvrir les besoins des consommateurs d’ici au mois de décembre.

Les problèmes se multiplient. Les réponses apportées demeurent insuffisantes et ne semblent pas contenir les effets de la crise. Quelle leçon faut-il tirer de ces phénomènes ?
Je l’ai toujours dit. Il faut une vraie indépendance alimentaire et un développement de l’énergie solaire pour réduire les coûts liés à l’importation des produits pétroliers. Il faut des politiques de création de fermes semencières et de fermes de production en mettant l’accent sur les cultures vivrières. Le gouvernement a déjà fait un pas en mobilisant des fonds dans le secteur agricole. Il appartient aux jeunes et aux coopératives agricoles de saisir l’occasion pour se faire financer et multiplier la production agricole. Il faut aussi créer les conditions de reprise des activités de la société nationale de pêche.

Justement, il y a un administrateur nommé à la société nationale de pêche. Qu’est ce qui bloque ?


Le gouvernement a nationalisé la société. Il est en train de mobiliser des repreneurs crédibles, reconstituer le capital pour une reprise de l’ensemble des activités. L’administrateur nommé a justement comme mission de boucler ce travail pour permettre à la société de reprendre ses activités sur de bonnes bases.

Un séminaire gouvernemental devrait avoir lieu avant la fin de l’année. Que doit-on y attendre ?


Il faut se rapprocher du comité technique préparatoire, notamment le secrétariat général du gouvernement pour s’informer au mieux des termes de ce séminaire. Je sais qu’un pays a toujours besoin de recadrage par rapport à ses prévisions, ses surprises, sa vision, ses objectifs et ses résultats. A un moment, il faut évaluer les progrès, analyser les difficultés, comprendre pourquoi tel objectif n’a pas été atteint et y remédier. Le président a fixé un cap. Il y a le plan de développement intérimaire (Pdi), il faut évaluer et redéfinir certains axes en fonction des obstacles rencontrés, tout en restant fidèle à la vision globale. Le séminaire devrait permettre au gouvernement de recadrer ses objectifs à moyen et à long terme.

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