Le Congrès international de la Wilayat Sour, consacré à la «dimension historique et civilisationnelle», a achevé ses travaux, mercredi dernier à Oman, après quatre jours de séances scientifiques tenues du 7 au 10 décembre. L’événement, marqué par une participation internationale de haut niveau, a regroupé des universitaires, des chercheurs et des spécialistes qui ont présenté trente-quatre communications couvrant les différents axes du congrès.
Parrainée par l’Oman India Fertiliser Company (Omifco), Oman Lng et l’Université d’Asharqiyah, cette manifestation académique a constitué une tribune de référence destinée à documenter la profondeur historique de Sour, une ville portuaire historique d’Oman, située au nord-est du sultanat, et célèbre pour son patrimoine maritime, ses chantiers traditionnels de construction de boutres (dhows), ses plages et sa proximité avec des sites naturels comme Ras Al Jinz (tortues) et les wadis (Tiwi, Shab). Ces contributions visaient, également, à mettre en exergue les contributions multiformes de cette ville.Au second jour des travaux, le chercheur et diplomate comorien, Dr Hamidou Karihila, a présenté une étude approfondie sur le «rôle commercial et social des familles originaires de Sour établies aux Comores». Sa communication s’inscrivait dans le cadre de la mise en valeur des relations omano-comoriennes et de leurs racines historiques profondément ancrées.
«Continuité historique, liens humains solides»
Dr Karihila a soutenu que les liens entre le Sultanat d’Oman et l’Union des Comores dépassaient les échanges ponctuels et s’inscrivaient dans une continuité historique remontant aux premières navigations omanaises dans l’Océan indien. Les navires, notamment ceux des marins de Sour, fréquentaient régulièrement les îles africaines pour y commercer et s’y établir. Ils emmenaient avec eux, selon des conclusions des recherches du Dr Hamidou Karihila, les valeurs arabes et islamiques et «contribuaient à façonner les structures sociale et culturelle de l’archipel».
Le chercheur a mis en lumière la place stratégique des Comores en tant qu’escale majeure pour les navires omanais, en particulier ceux de Sour réputés pour leur maîtrise en navigation, commerce et construction navale : «cette présence active a favorisé la création de liens humains solides, donnant naissance à des familles omano-comoriennes fidèles à leur identité arabe et islamique à travers les générations», a-t-il soutenu.L’étude note également que nombre de pratiques sociales comoriennes actuelles conservent une empreinte omanaise manifeste, à ,savoir les cérémonials matrimoniaux, les traditions festives, les arts populaires, les habits traditionnels, les parfums, encens, ainsi que la forte présence de prénoms d’origine sourienne.
Familles : une implantation historique et structurante
A travers sa communication, Hamidou Karihila a recensé plusieurs familles de Sour établies durablement aux Comores et ayant joué un rôle notable dans les domaines commercial, social et administratif, parmi lesquelles Al-Ghailani, Al-Mukhaini, Al-Ariymi, Al-Janaybi, Al-Alawi et Al-Hishami, Sagaf, en plus d’autres lignées ayant durablement marqué la vie économique et sociale du pays. Ces exemples, selon le Dr Karihila, ne constituent qu’un aperçu d’une présence omanaise plus large et déterminante.
Le Dr Karihila a relevé plusieurs obstacles qui entraveraient la documentation de cette histoire, notamment «la rareté des sources écrites, la disparition progressive des noms tribaux au profit des noms composés, l’absence d’une institution comorienne dédiée à la préservation de l’héritage omano-comorien», ainsi que les tentatives de dilution identitaire

Le chercheur a rappelé le rôle pionnier des marchands de Sour aux XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles ainsi qu’au début du XXᵉ, période durant laquelle les navires omanais ont contribué à dynamiser le commerce des épices, du clou de girofle, de l’ivoire, des huiles, de la vanille et du coco.«L’activité économique omanaise a alors conféré aux Comores une importance stratégique qui attira l’attention de grandes puissances de l’époque. Plusieurs hommes d’affaires omanais figuraient parmi les plus importants propriétaires terriens et investisseurs à Moroni, Mitsamihuli et dans d’autres localités», a-t-il indiqué.Au-delà du commerce, la présence sourienne a influencé de nombreuses pratiques culturelles et sociales telles que le grand mariage, les assemblées religieuses, certaines danses traditionnelles, ainsi que la diffusion de l’habit traditionnel, de l’or, des bijoux, du henné et des parfums. L’étude évoque, par ailleurs, l’impact linguistique perceptible dans le vocabulaire administratif et politique comorien.
Des contributions politiques et administratives de premier plan
La communication a mis en relief les contributions de plusieurs personnalités d’ascendance sourienne ayant occupé des postes de haute responsabilité aux Comores, notamment Cheikh Khalifa bin Saïd Makchan Al-Mukhaini, premier président de la région de Mbude, Cheikh Ahmed bin Juma Al-Ghailani, chef du gouvernement durant la période coloniale, Ali Nassor Al-Ghailani, ministre des finances et directeur de cabinet du président.Il y a eu également Mohamed bin Khalifa Al-Diham, gouverneur de la Banque centrale, Dr Rashid Mohamed Mbaraka Fatma Al-Janaybi, plusieurs fois ministre, Mhoudine Sitti-Farouata, gouverneure de Ngazidja entre 2019 et 2024, et Salim Tourqui bin Khamis, président de la Fédération comorienne de football durant 22 ans qui a joué un rôle important dans l’adhésion des Comores à la FIFA en 2005 et l’inauguration du premier stade international en 2007.Ces personnalités, parmi d’autres, témoignent de l’empreinte durable des familles souriennes dans la structuration politique et administrative de l’archipel.
Défis de recherche et recommandations
Le Dr Karihila a relevé plusieurs obstacles qui entraveraient la documentation de cette histoire, notamment «la rareté des sources écrites, la disparition progressive des noms tribaux au profit des noms composés, l’absence d’une institution comorienne dédiée à la préservation de l’héritage omano-comorien», ainsi que les tentatives de dilution identitaire.Il a appelé à renforcer les échanges académiques entre les deux pays et à soutenir les études spécialisées afin de sauvegarder cet héritage.
Enfin, Dr Karihila a adressé ses remerciements à Sa Majesté le Sultan Haïtham bin Tariq Al Saïd, ainsi qu’à Salem bin Mohammed Al-Mahrouqi, ministre du Patrimoine et du Tourisme, et à Cheikh Hilal bin Ali Al-Hubsi, préfet de Sour, pour leur soutien à cette initiative scientifique qui «illustre la profondeur des liens fraternels entre Oman et les Comores».La Wilayat de Sour est située au nord de la côte orientale du Sultanat d’Oman, à environ 337 kilomètres de la capitale Mascate. Elle se distingue par une nature variée mêlant montagnes, plaines et littoraux, ce qui lui confère un environnement et un potentiel touristique remarquables. La wilayat est également réputée pour un large éventail de métiers et d’industries traditionnelles, incluant l’agriculture, le commerce, la pêche, la construction navale, ainsi que le tissage et la fabrication de poignards et d’épées.

