Le constat est amer : le Journal officiel, garant de la conservation papier de la documentation de l’Etat, se heurte à de multiples difficultés. Sa parution mensuelle, «quand c’est possible», tranche avec la périodicité quotidienne d’autres pays, entravant considérablement le fonctionnement administratif. Maoulida Mabrouk, ancien chef du service du Journal officiel, déplore ce manque de réactivité et plaide pour une publication hebdomadaire à minima.Sous le régime d’Ikililou Dhoinine, une plateforme baptisée «Portail du gouvernement» avait été mise en place, avec pour objectif de vulgariser la documentation publique. Mais le projet, financé par la coopération française, a succombé à l’arrêt des subventions après seulement trois ou quatre ans d’existence. «Il nous faut une traçabilité au niveau de la recherche historique, scientifique et administrative», insiste Maoulida Mabrouk, soulignant le devoir de conserver et de diffuser ces précieux documents.
Des initiatives privées fragilisées
Le secteur privé n’est pas non plus épargné. Documentspublics.org, une plateforme collaborative alimentée par des bénévoles, a tenu bon pendant trois ans avant d’être piratée. «Nous cherchons des professionnels pour récupérer le site», assure l’un des responsables, qui regrette la disparition de cette précieuse source d’informations juridiques et administratives.Un autre projet, porté par un groupe de jeunes de la diaspora, a connu un meilleur sort. Leur bibliothèque numérique, accessible sur Google Drive, rassemble études, articles de presse, thèses et autres documents relatifs aux Comores. «L’idée a germé en échangeant des documents entre nous, avant de réaliser l’importance de partager ces ressources avec un plus grand nombre», explique Boina Houssamdine, l’un des initiateurs.Cependant, le groupe se heurte à des obstacles tels que la complexité de la recherche de documents, les questions de droits d’auteur et l’inaccessibilité des archives institutionnelles. Malgré ces difficultés, leur initiative a déjà eu un impact positif : un étudiant en doctorat au Maroc a pu publier un article de recherche grâce aux documents trouvés dans la bibliothèque.
Un manque de suivi gouvernemental
Le Portail du gouvernement, conçu par Kinu Ink pour le Journal officiel, illustre les failles du système. La plateforme, censée permettre la publication et la recherche aisée de documents officiels, a failli faute notamment de paiement des frais d’hébergement. «Le non-paiement des frais d’hébergement a finalement conduit à sa suppression par l’hébergeur», déplore Toimimou Ibrahim, patron de Kinu Ink.Selon lui, l’insuffisante appropriation du projet par le gouvernement après la fin du financement extérieur est à l’origine de cet échec. «Le manque de suivi gouvernemental a souvent conduit à la radiation de nombreuses plateformes en ligne», souligne-t-il, appelant à une meilleure implication des autorités et à la mise à disposition de ressources adéquates.
Une lueur d’espoir
Un projet porté par les Nations unies pourrait enfin apporter une solution pérenne à la problématique de l’accès aux documents publics. Baptisé open data comores.org, ce site vise à rendre accessibles à tous les données statistiques multisectorielles. «Le site devrait être opérationnel d’ici la fin du mois», annonce une source anonyme.
La numérisation des documents publics aux Comores est un enjeu crucial pour la préservation de la mémoire nationale et l’amélioration de la gouvernance. Si des initiatives prometteuses existent, elles peinent à se concrétiser faute de moyens et de volonté politique. L’implication des autorités et la mise en place d’une «vraie stratégie nationale» sont évoquées pour trouver solutions à cette épineuse question qui nous concerne tous. Approché, le Journal officiel n’a pas souhaité réagir, car «étant sous les ordres d’une hiérarchie : le secrétariat général du gouvernement».