logo Al-Watwan

Le premier journal des Comores

Construction sur le littoral et montée de la mer I Où est passé le fameux « pas géométrique»?

Construction sur le littoral et montée de la mer I Où est passé le fameux « pas géométrique»?

Société | -

image article une
La zone du «pas géométrique» correspond à une bande de terre de 80 mètres de large à partir de la ligne marquant la montée la plus importante des eaux de mer. Pourquoi et comment des personnes parviennent-elles à enregistrer ces terrains et à y construire ?


Après la récente submersion marine dans plusieurs localités du pays, l’organisation de la voirie suscite de nombreuses interrogations. Plusieurs habitations en zones côtières ont été matériellement impactées. Bien qu’il n’y ait eu aucune perte humaine, les risques et les dangers de la montée de la mer ne doivent pas être négligés. Face à d’imposantes vagues, la population riveraine reste en alerte. Cette expérience malheureuse a attiré l’attention de plusieurs acteurs, car les moyens de secours en cas de catastrophe sont limités dans le pays. Mais qui autorise la construction dans ces zones côtières ?


Non seulement l’on trouve des habitations, mais de nombreuses constructions sont également en cours. Au nord de Ngazidja, un propriétaire d’une construction en cours, qui préfère garder l’anonymat de crainte d’une interdiction, accepte de partager son point de vue. Il pointe du doigt le fait que des autorités locales apposent leurs signatures sur les actes de vente tout en s’étonnant des constructions le long du littoral. « Tant qu’ils sont informés des ventes de ces parcelles sans la moindre contestation, cela nous autorise à construire des maisons. Que pensent-ils que nous allons faire de ces terrains ? », s’interroge-t-il.

Cependant, la partie cachée de l’iceberg est encore plus troublante. Ce propriétaire de maison en construction déplore l’enregistrement de ces terrains auprès des services des domaines, avec des notaires travaillant à leur légalisation. « Les banques acceptent de prendre ces maisons et ces terrains en garantie pour nous accorder des prêts. Soit le système est totalement corrompu, soit les textes en vigueur nous donnent raison. Nous sommes conscients des risques liés à la montée de la mer, mais légalement, ces terrains nous appartiennent », affirme-t-il.


Au niveau des mairies, l’obtention du permis de construire est simplifiée. Un agent de la mairie de Mitsamihuli ya Mbwani estime que les actes de vente de terrains légalisés par les services de la topographie et du domaine compliquent la tâche des services de la voirie. « Comment pouvons-nous interdire une construction lorsque le propriétaire du terrain détient des actes en bonne et due forme ? Il nous est pratiquement impossible de contester des ordonnances et des déclassements », déplore-t-il. Il constate que la mairie se contente d’être témoin de la construction. Que révèle ce dossier légalisé ?

Zone de pas géométrique

Interrogés récemment, des notaires locaux ont évoqué le fameux « homme aux multiples relations ». Toujours soucieux de préserver leur anonymat pour des raisons commerciales, ils nous ont parlé des zones de « pas géométriques » le long des zones côtières. « À partir de la limite de la mer jusqu’à 80 mètres, cette zone est considérée comme «pas géométrique».

Nos clients reçoivent des avis défavorables. Ils doivent procéder au déclassement de la parcelle en question. En fait, le plan croquis indique généralement ces zones «pas géométriques». Mais les individus bien connectés ne semblent pas se soucier des conséquences », admet un notaire. La zone de « pas géométrique » correspond à une bande de terre de 80 mètres de large à partir de la ligne indiquant la montée la plus significative des eaux de mer. Malgré les dispositions légales et les risques, plusieurs terrains situés dans cette zone de 80 mètres sont en cours de construction et abritent désormais des habitations.


Un agent du service de la topographie rassure également en précisant que les plans croquis indiquent clairement ces zones. Alors pourquoi des terrains situés à moins de 80 mètres de la mer sont-ils occupés par des propriétaires privés ? « Ces individus parviennent à obtenir le déclassement de la parcelle. En fin de compte, ils l’exploitent à leur guise », explique-t-il. Au niveau du service des domaines, aucune réaction n’est donnée en raison de l’indisponibilité du directeur des domaines.


Du côté de la direction générale de l’équipement et de l’aménagement du territoire, il est évident qu’il n’existe pas de fonds permanents dédiés à la construction de digues pour lutter contre les submersions marines. « Ce n’est qu’à la suite d’une catastrophe naturelle que des projets de construction pour faire face à la montée de la mer sont envisagés. Actuellement, seuls quatre sites sur deux cents ont été sélectionnés pour bénéficier de la construction de digues, en raison de leur urgence », explique le directeur général de l’équipement et de l’aménagement du territoire, Saïd Abi Boina.


Saïd Abi Boina estime que le code de l’urbanisme et de l’habitat a été respecté par le passé et qu’il est temps de le faire respecter pour éviter tout conflit ou risque de catastrophe naturelle. « La récente montée de la mer devrait alerter tout le monde. Le ministère de l’urbanisme doit donner son avis technique avant d’accorder le permis de construire, et certaines conditions doivent être remplies », pense-t-il.

Et le code de l’urbanisme…

Selon le code comorien de l’urbanisme et de l’habitat actuel, toute construction à usage d’habitation ou autre entreprise sur le territoire des communes et dans les agglomérations doit préalablement obtenir une autorisation de construire. «L’autorisation de construire est délivrée par le préfet ou le maire après étude préalable du dossier par la Direction régionale de l’urbanisme et de l’habitat», précise l’article 72 dudit code. Cependant, selon des témoignages provenant de plusieurs mairies, ces dispositions sont devenues caduques. Mais au final, qui a droit à un déclassement ?

Commentaires