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Contre la propagation du Covid-19 : Des armes performantes, c’est bien, une bonne stratégie, c’est encore mieux!

Contre la propagation du Covid-19 : Des armes performantes, c’est bien, une bonne stratégie, c’est encore mieux!

Société | -

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Si la possession et l’usage d’armes performantes sont des atouts majeurs dans la guerre, l’expérience montre que seuls les choix stratégiques employés assurent véritablement la victoire. Face au nouveau Coronavirus, il est temps d’améliorer la stratégie mise en place aux touts premiers jours de la crisee en complétant ces mesures barrières et en étoffant, résolument, son dispositif sanitaire.

 

S’il y a bien une chose que le monde a appris dans la lutte contre la propagation du nouveau virus coronaire, c’est que la stratégie de l’attentisme et de la tactique des “étapes” ont conduit, jusqu’ici, à l’échec et, au pire, à la catastrophe. Pour s’en convaincre, il suffit de voir à quoi elle a conduit aux Usa et dans certains pays d’Europe, plus dramatiquement, en Italie, en Espagne et en France, ces trois pays vers lesquels s’était décalée, en quelques semaines, l’épicentre de la pandémie.
A cet égard, si l’on devait comparer avec la manière jusqu’ici opérante à laquelle a recouru la Chine, il va falloir se rendre à l’évidence : s’il est vrai que de bons médecins, des équipements performants et l’expérience dans le domaine de la santé jouent un rôle irréfutable, ils ne constituent pas, néanmoins, l’arme essentielle. Tout indique par contre que, comme d’ailleurs dans toute guerre, l’essentiel est dans les choix stratégiques et que seuls ces derniers garantissent véritablement à la victoire.

Sécuriser et soutenir

Du fait de son ampleur, la crise sanitaire actuelle ne peut ne pas avoir des répercussions sur l’activité économique et sociale générale et sur la vie des citoyens. C’est pour prévenir et neutraliser au maximum ses effets négatifs, que l’Etat devait penser, rapidement, à soutenir et à sécuriser les acteurs économiques et financiers à tous les niveaux en rendant public un plan d’action dans ce domaine. C’est, selon toute vraisemblance, ce qu’il fait avec la décision “d’accompagner toutes les citoyennes et tous les citoyens ainsi que toutes les institutions” impactés en mettant en place “un dispositif exceptionnel, leur permettant de supporter les charges fiscales et sociales, de faire face aux échéances bancaires pour tous les prêts”. Ce bloc de mesures qui inclue, notamment, “le rééchelonnement des créances, le gel des agios, la réduction des droits et taxes douanières pour les produits essentiels et un report de la date limite de dépôt des dossiersfiscaux”,1va sans doute dans le bon sens.
Cependant, avec le chiffre de près de trente cas confirmés à Mayotte et donc sur le territoire légal du pays, on ne peut plus se permettre de continuer de faire comme si.

“Très possible”

En effet, outre que le Covid-19 ne connait pas les frontières – imposées par la force ou conformes au droit – il est incontestable que malgré une présence militaire sensée être dissuasive entre Mayotte et Anjouan, il y a, incontestablement, autant sinon plus de mouvements de population entre ces deux îles, qu’entre les trois autres. Aussi, considérer que le pays n’enregistre pas de cas est loin de refléter la réalité. Ce ne serait rien d’autre qu’une vue de l’esprit qui risque de nous coûter cher. D’autant plus que, comme le craint un membre du Comité scientifique, “il est très possible que nous2 ayons des porteurssains”3

.Il nous faut donc, de toute urgence, étoffer notre stratégie de combat. Il ne s’agit pas, en l’occurrence, de nier l’efficacité des dispositions adoptées jusqu’ici. La fermeture des frontières, la suspension des activités regroupant plus d’une vingtaine de personnes, celle des swalats collectives ou encore de nos sacrosaints mashuhuli, les gestes barrières de distanciation et de désinfection et les mises en chômage technique sont indispensables. Mais elles ne peuvent suffire, à elles seules, à contrer le mal.
Il faut se rendre à l’évidence : nos routes, nos marchés, nos administrations et, ceci expliquant cela, nos transports en commun, continuent à être trop bondés. Il s’agit, là, d’un problème d’autant urgent à régler que cela peut, tout simplement, annuler les effets recherchés avec la limitation et la suspension des regroupements. D’autant plus nécessaire que les deux gestes barrières par excellence que sont le lavage régulier des mains et la distanciation sociale, ne peuvent être totalement efficientes dans un pays où des régions entières manquent d’eau courante et où la vie en collectivité constitue un mode de vie inscrit dans les gènes.

Tout regroupementest source de contagion

Dans ces circonstances, il faudrait joindre aux mesures actuelles, un dispositif qui, en amont, prendrait en compte, de manière solidaire, le mouvement au sein et entre les îles, la ruée quotidienne de milliers d’agents de l’Etat vers leurs administrations et les grosses agglomérations urbaines, les moyens de transport qui les y emmènent, la qualité de l’accès aux télécommunications et à une totale transparence dans la diffusion des informations sur la crise. L’objectif est de parvenir à une importante diminution du flux quotidien pas toujours essentiel vers les lieux de concentration, en limitant, au maximum, les nécessités de se diriger vers les mêmes points et, ainsi, d’occasionner inévitablement les regroupements tant redoutés. Ce dispositif est d’autant plus urgent que, jusqu’au Comité scientifique, on est convaincu qu’”en cas d’explosion de la maladie, nous aurons de graves problèmes”2. Il faut, en effet, avoir une chose fondamentale à l’esprit : toute proximité est source de contagion et, donc, de propagation du virus.

On n’a pas tout notre temps !

Sans compter qu’un tel dispositif complémentaire donnerait aux mesures prises jusqu’ici, le maximum de chances d’être efficientes, et augmenterait les chances des personnels sanitaires, des forces de l’ordre et des organisations spécialisés engagés en première ligne, d’avoir, le cas échéant, un maximum de contrôle sur la situation.
A ce propos, il faut avoir à l’esprit le fait que tous les pays qui ont cru qu’ils avaient “tout leur temps” et qu’ils pouvaient voir venir, ont été pris de court par l’enchainement inexorable des évènements et débordés en quelques jours. C’est le cas de la France qui devait changer au pas de charge sa stratégie, mais aussi de l’Italie, du Sénégal, de l’Uganda ou encore des Usa. Dans ce dernier pays, il a fallu à l’Etat de la Louisiane, juste un carnaval, le 25 février, pour que de zéro cas, il se retrouve, moins d’un mois après, avec près de… mille sur 400.000 habitants.
Désormais, au travail remarquable mené pour obtenir un maximum d’aide de l’étranger, aux dispositions barrières adoptées et à la campagne de sensibilisation et de formation mené par les pouvoirs publics, il faudrait compléter notre stratégie de riposte en étoffant, autant que faire se peut, son dispositif sanitaire.

Stratégie thérapeutique

A ce sujet, le travail mené pour le choix et la préparation des sites d’accueil divers constitue de très bonnes initiatives. Il faudrait, dans la foulée et dans la mesure du possible, équiper et sécuriser de toute urgence les personnels appelés à être en première ligne et procéder, dès que possible, à des dépistages. Là aussi, il faut, malheureusement, rappeler que les pays qui avaient fait le choix de l’attentisme en retardant les dépistages, par exemple, alors qu’ils avaient les moyens de le faire, sont entrain, tous ou presque, de le regretter amèrement.
Le monde, et donc les Comores, sont devant une crise sanitaire exceptionnelle avec des répercussions économiques, financières, sociales et culturelles inédites.
Ils ne peuvent prétendre pouvoir la résorber avec des armes et des méthodes ordinaires. Dans sa dernière intervention sur la riposte comorienne, le président Azali avertissait, à juste titre : “Comme tous les autres pays, nous devons nous préparer à faire face à des moments difficiles dont personne ne peut mesurer l’intensité et la durée”1. Tout est dit.
Chez nous en tout cas et de toute évidence, on ne peut plus se permettre le luxe de continuer à faire comme si. 

 

Madjuwani hasani

 

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