Me Fahmi Said Ibrahim est convoqué devant le conseil de l’ordre des avocats. Le parquet général, auteur de la saisine, lui reproche d’avoir «discrédité» la justice lors d’une interview accordée à nos confrères de l’Ortc. Au cours de cet entretien, l’avocat avait critiqué la décision de la chambre d’accusation qui a accordé une liberté provisoire à un maître coranique accusé d’agression sexuelle présumée sur son apprentie de 12 ans.
En attendant la tenue de l’audience, prévue pour le 25 août, les avocats qui vont défendre Me Fahmi Said Ibrahim se sont exprimés pour la première fois hier via une conférence de presse. Après avoir relaté les faits à l’origine de cette procédure disciplinaire visant son client, Me Abdoulbastoi Moudjahidi s’est attaqué à l’objet même de la saisine. «Nous avons un cabinet et travaillons ensemble. Chaque affaire que nous traitons porte le nom de notre cabinet qui s’intéresse par ailleurs à ce fléau de viol. Donc, je ne vois aucun inconvénient si mon confrère commente ou critique une décision publique. Rien ne le lui interdit. Aucun texte ne le mentionne. Sinon qu’ils nous sortent l’article et la disposition qui interdisent aux avocats de s’exprimer sur des décisions issues d’affaires dans lesquelles ils ne se sont pas constitués», a déclaré Me Abdoulbastoi.
Revenant sur les propos tenus par le bâtonnier, selon qui les avocats ne doivent plaider que pendant les audiences, notre conférencier a jugé utile de lever la contradiction. «Si je tiens un discours devant un juge, c’est ce qu’on appelle une plaidoirie. Mais le fait de commenter ou parler d’un sujet dehors, n’en est pas une», a-t-il insisté. Un argument soutenu par Me Fatoumiya Mohamed Zeina, présente également à cette rencontre avec la presse. Celle qui avait été élue bâtonnière par ses pairs en 2019 estime qu’il s’agit là d’une question de mauvaise interprétation.
L’avocate précisera que les décisions rendues par la justice sont publiques avant de déduire «que chacun est libre de les commenter. Malheureusement, il semble que certains ont du mal à faire la différence entre critiquer et insulter, deux choses diamétralement opposées pourtant». Les conférenciers se disent étonnés de voir leur confrère traduit en conseil de discipline pour avoir commenté une décision dans un média alors que le procureur général, qui a une obligation de réserve, l’a fait sans que cela n’éveille la moindre controverse. Deux poids deux mesures ? S’interrogent-ils.
Pas de légitimité
S’agissant de la saisine, les avocats de la partie civile se sont penchés sur sa légalité. Et pour Me Idrisse Mze Mogne, le bâtonnier ne devrait pas signer la convocation et ne peut pas non plus statuer car son mandat a expiré. Les avocats engagés pour défendre Me Fahmi appellent, par ailleurs, le procureur général et le bureau sortant à veiller à ce que l’assemblée générale des avocats se tienne d’ici le 25 août prochain puisqu’il y a eu allègement des mesures de restrictions. «Une seule journée suffira pour organiser l’Ag. Car nous n’irons pas plaider devant un bureau dont le mandat est fini. Et c’est la position des autres avocats constitués en partie civile dans ce dossier», a tranché Me Idrisse Mze Mogne. Pour ce dernier, les propos du bâtonnier rapportés dans les colonnes du journal Al-watwan sur leur client alors qu’il est censé être neutre étant l’arbitre prouvent «qu’il a une partie prise»