D’aucuns disent qu’elle a une existence légale, d’autres pensent le contraire. Le débat qui avait connu une certaine latence a repris ce week-end à la faveur de l’actualité judiciaire. Déjà en 2018, ses détracteurs et ses soutiens, ses pro et anti s’opposaient avec virulence, chacun y allant de sa disposition censée clore le débat une bonne fois pour toutes.Pourtant, il se poursuit encore. Comme hier, il y a 4 ans. Où badauds comme journalistes, assistaient ébahis à la longue procession de prévenus d’une même affaire à la barre. Certains manquaient de s’étrangler : «comment peuvent-ils juger autant de gens en aussi peu de temps, tout en étant justes ?».
La Cour de sûreté de l’Etat, qui est une juridiction d’exception, qu’elle soit légale ou non est tout sauf juste. Et c’est peut-être le seul débat qui vaille. Le dernier dossier jugé au palais de justice de Mutsamudu ce lundi concernait une quinzaine de personnes. L’audience n’aura duré que 10 petites heures. 10 petites heures pour décider de la vie de 15 personnes dont quasiment toutes ont été reconnues coupables. N’est-ce pas là la définition d’un procès expéditif ? Les peines, elles sont pour la plupart très lourdes jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle. Comment dans ces circonstances, peuvent-ils encore une fois, être justes ?
Les droits de la défense
Pire encore, les décisions de cette cour sont insusceptibles de recours. Pourtant, dans notre livraison d’hier, dans l’article relatif à l’affaire des mines, un des avocats de la défense, a regretté « le peu de temps (juste un soir pour chaque affaire) que lui et ses collègues commis d’office ont disposé pour étudier les dossiers de leurs clients ». Comment les droits de la défense ont-ils dans ce cas pu être assurés ?
Autre chose : les mis en cause qui ont déambulé dans l’auguste palais de justice de Mutsamudu durant ces 3 derniers jours sont censés avoir commis une infraction «politique», (participation à un mouvement insurrectionnel, atteinte à la sûreté nationale, association de malfaiteurs ou encore complot). “La Cour de sûreté est une juridiction d’exception mise en place après la commission d’une infraction politique, afin de rendre justice de façon indépendante et impartiale. Mais, comment voulez-vous qu’un juge choisi par le régime en place après la commission d’une infraction contre le même régime soit indépendant et impartial ?”, s’interrogeait Me Abdoulbastoi Moudjahid, dans l’édition de votre journal du 27 février 2018, peu après l’affaire dite des clous.
Enfin le blog de Comoresdroit a publié un article en décembre 2018 alors que des procès dans la même juridiction s’étaient tenus. Il disait alors « qu’une telle juridiction en 2018 aux Comores était une insulte à la démocratie ». Il s’était par ailleurs appuyé sur un rapport du Groupe de Travail des Nations-Unis, lequel a été présenté au Conseil des Droits de l’Homme le 10 septembre 2014 à Genève. Celui-ci avait recommandé au gouvernement comorien d’abolir la Cour de sûreté de l’Etat. Légale, peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Injuste, assurément.