Si le mythe devient réalité, cette arme du pétrole est-il suffisant pour se frayer un chemin vers un développement durable ?
De 2008 à nos jours, mes travaux de recherches étaient centrés sur la situation géopolitique des Comores. La géopolitique telle que bien définie par Yves Lacoste qui sert à analyser les rivalités de pouvoirs ou d’influences pour conquérir ou prendre le contrôle de territoire et des populations qui s’y trouvent. Et c’est le cas des Comores et de son ancien colonisateur la France sur le problème de l’occupation de l’île comorienne de Mayotte. Voir livre : « Le séparatisme aux Comores et Enjeux géopolitiques » page10-13.

Ces travaux de recherche m’ont permis non seulement de comprendre que l’existence du pétrole, du gaz et d’autres ressources qui restent à identifier dans les sous-sols comoriens étaient et restent encore sources de conflits ainsi que facteur clé des tensions géopolitiques et de déstabilisation permanente de l’archipel des Comores. Ces travaux m’ont permis aussi de comprendre pourquoi l’archipel des Comores suscite tant des convoitises pour des nouveaux acteurs géopolitiques. Aujourd’hui le séparatisme aux Comores et le différend franco-comorien sur l’ile comorienne de Mayotte est facile à comprendre en sachant pertinemment que pétrole et conflit sont souvent très liés.

Si après forage l’existence des hydrocarbures aux îles Comores se confirme, c’est une nouvelle page géopolitique des Comores qui va s’ouvrir et il serait très prudent de chercher à la comprendre ainsi que les enjeux stratégiques de nos ressources, les différents et nouveaux acteurs qui se positionnent sur cette nouvelle page géopolitique du pétrole des Comores afin de pouvoir faire face aux nombreux défis mondiaux dont les intérêts économiques des nations prennent l’ascendant sur leurs intérêts politiques.

Afin de saisir les opportunités économiques, comprendre et maîtriser ces enjeux à venir pour prendre les décisions favorables à la population j’opte donc de faire un glissement de la géopolitique à la géoéconomie. Et pourquoi ? Tout simplement je m’inscris sur l’approche de Lorot Pascal qui dit que : la géoéconomie est la nouvelle grammaire des rivalités internationales. Et toujours selon Lorot Pascal dans ce monde en train de devenir global, les intérêts politiques des nations se soumettent à leurs intérêts économiques. ( In: L’information géographique, volume 65, n°1, 2001. pp.
43-52;)

A l’annonce de l’existence possible des hydrocarbures de l’archipel des Comores situées au nord du Canal de Mozambique, il est de l’intérêt de toutes les parties de regarder nos relations de coopération sous l’angle géoéconomique que géopolitique car comme dit Pascal Lorot1 : la conflictualité est devenue essentiellement économique et non plus militaire ou territoriale. Et pour le cas des Comores, j’estime que les dirigeants doivent mettre une petite pause sur les questions géopolitiques classiques sans pour autant les abandonner non plus et se pencher en faveur de la géoéconomie dont l’objectif central est de «conquérir ou de préserver une position enviée au sein de l’économie mondiale»

Bref, Je peux dire que l’Etat comorien et l’Etat français doivent adopter une démarche géoéconomique pour résoudre leur différend en privilégiant la coopération plutôt que la confrontation ou l’affrontement. Nous avons tous perdu beaucoup de temps, beaucoup d’argent et beaucoup d’énergie sur cette question et en regardant les résultats au final, personne n’a rien gagné, seule la haine et les rancœurs, ont triomphé. Et j’ose dire que les îles dans son ensemble restent les grands perdants de ces tensions géopolitiques.

La nouvelle page géopolitique des îles Comores dans l’Océan Indien.A la position géostratégique des îles à l’entrée du canal de Mozambique vient s’ajouter une ressource stratégique, le pétrole. Lors des assises nationales pour le bilan des 42 ans d’indépendance des Comores le débat était quasi inexistant dans la sphère organisationnelle et décisionnelle. S’agit-il d’un oubli ou refus d’informer ?

Suite aux informations récentes parues au journal Alwatwan annonçant le début des forages en 2021 je trouve opportun de se pencher sur la mise en lumière de l’exploitation de nos ressources car l’avenir des Comores est conditionné par la maîtrise de sa gestion. Or, à travers l’opacité de ce dossier, la non information et le manque de qualification nous courrons des gros risques comme l’a été déjà dans certains pays pétroliers d’Afrique. Et pourtant nous devrions se servir de ces erreurs pour faire mieux et échapper à la « malédiction de l’or noir ».

L’annonce par les medias étrangères de l’existence du pétrole et du gaz dans notre sous-sol a nourri la polémique et des inquiétudes au sein de la population qui ne comprenait pas le silence des autorités sur le dossier du gaz et du pétrole aux Comores et qui estime que la gestion du dossier pétrole des Comores reste opaque et personne ne maîtrise rien.

Pourquoi ce silence? S’agit-il d’une stratégie pour mieux préserver la manne des hydrocarbures ou s’agit-il d’un besoin de temps pour mieux s’organiser? En attendant, beaucoup de Comoriens croient et se livrent à la spéculation.D’après les spécialistes, on ne peut pas parler de découvertes tant qu’il n’y a pas eu de forage. Et aux Comores il n’y a pas eu de forage à ce jour selon Benjamin Augé1( journal, le Monde Afrique publié le 06 décembre 2018) et trois ans après Al-Watwan net du 10/09/2020 vient de le confirmer que c’est en 2021 que la multinationale Tullow oil commencera les forages exploratoires.

Un responsable bien placé me l’a confirmé que d’ici la fin de l’année 2020 début de l’année 2021 les forages vont démarrer.
Et c’est à partir de ces forages exploratoires qu’on pourra confirmer l’existence et le volume des hydrocarbures. Et toujours selon Al-Watwan, la société procédera à l’installation des infrastructures de pompage, donc d’extraction si le volume est satisfaisant, du point de vue commercial. C’est à partir de ces installations qu’on parlera de l’extraction du pétrole. Donc un peu de patience (...).

Par Fatouma Nassor Halifa : Diplômée en géopolitique (Paris 8)