Le procès en appel contre la compagnie Yemenia Airways, poursuivie pour homicide et blessures involontaires est entrée dans sa dernière ligne. A la cour d’appel de Paris, les audiences s’enchainent. «Le procès se déroule dans la sérénité, contrairement aux audiences de la première instance, il n’y a pas eu d’incidents majeurs», se réjouit l’un des avocats de la partie civile, Me Said Larifou, qui a souligné que pour la première fois un responsable de la compagnie a comparu en visio-conférence.
Pour comprendre ce qui s’est passé dans la nuit du 29 au 30 juin 2009, la présidente de la cour a fait intervenir des enquêteurs et des experts reconnus. La plupart d’entre eux ont pointé du doigt la compagnie Yemenia sur le plusieurs volets. Le lundi 11 mars, c’était au tour de M. Iztueta, membre du groupe d’experts qui a rappelé sa longue expérience dans le transport aérien et sa connaissance des aéronefs toutes tailles confondues.
Selon un compte-rendu de l’association des victimes, l’expert a d’abord commencé par les manœuvres entreprises par les pilotes. Plusieurs erreurs ont été relevées. D’abord l’absence de briefing avant l’atterrissage ce qui constitue selon l’expert une «faute grave». «Cette étape permet de se partager les tâches», dit-il.
Maintien du vol de nuit, formation
Pendant une présentation de l’expert, une carte a été projetée en pleine audience pour retracer le parcours de l’avion dont le crash a causé la mort de 152 personnes. M. Iztueta a rappelé que l’atterrissage aurait pu se faire avec le pilotage automatique. «Malheureusement les pilotes du vol 610 ne maitrisaient pas cette procédure», a-t-il regretté.
«Remettre les gaz en déroutant l’avion vers un autre aéroport fait également partie des scénarios qui s’offraient aux membres d’équipage dès lors que la descente qu’ils avaient engagée semblait complexe», a-t-on souligné lors de l’audience du 11 mars. C’est à ce moment-là que la question de la formation des pilotes a refait surface. En effet, l’expert a noté l’insuffisance de formation des membres d’équipage pour se poser la nuit dans un aéroport comme celui de Moroni. Il a enfin été relevé que le copilote avait eu une formation interrompue à plusieurs reprises. «Son parcours fut laborieux», a appris la cour.
Qu’il ait entamé une carrière de pilote après avoir passé dix-sept ans dans un autre domaine est considéré par les pilotes experts Brodbeck et Beyris, comme un facteur de risque. «Le copilote aurait dû bénéficier d’un renforcement de capacité ou être affecté dans un vol moins complexe qu’un Air Bus A310», ont-ils conclu le 11 mars, jour où la séance a été levée à 19h45 heure de Paris, lit-on dans un rapport de l’association (Afvca).
Selon la cour, il est clair que l’accident aurait pu être évité «s’il y avait eu une préparation correcte du vol». De leur côté, les avocats de l’association des victimes, pour avoir le cœur net, ont demandé à l’expert si l’on pouvait tenir pour responsable la compagnie pour ce drame à cause du maintien du vol de nuit et l’envoi de pilotes pas suffisamment formés. L’expert a répondu par la positive.
D’autres experts pilotes ont réitéré, dans leur déposition que la non-déprogrammation de ce vol de nuit et la mauvaise manœuvre de l’équipage sont à l’origine du crash. D’après eux, au moment où l’avion se trouvait à 50 mètres au-dessus de la mer, les pilotes auraient dû augmenter l’altitude.En deux semaines d’audience, les conclusions pointant du doigt les pilotes allaient dans le même sens.
La preuve au lendemain de l’ouverture du procès, un expert de l’institut des recherches criminelles de la gendarmerie nationale française qui s’appuyait sur les enregistrements du casque de l’un des pilotes avec la tour de contrôle avait évoqué des hésitations de ceux-ci avant d’entamer l’atterrissage. «Mais la compagnie ne semble pas prendre la mesure de ce drame», a déploré Me Said Larifou, qui plaidait le 26 mars. Le verdict devrait être connu le 29 mars au plus tard.